*Bruit d'une montre qui tictaque gaiement*

[Gilles se réveille. Vingt minutes ont passé. Il n'est plus dans la salle de cérémonie. Il est dehors, dans le stationnement du bureau, couché entre sa voiture et une Camry quelconque...Il lève péniblement la tête et voit au loin, comme dans un rêve lointain, un billet de banque replié sur lui-même qui gît stupidement sur l'asphalte bien tapée. Il n'en croit pas ses orteils....c'est comme si le billet l'appelait....]

--->RAMASSES-MOI...JE SAIS QUE TU EN AS ENVIE...ALLEZ PRENDS-MOI AVEC TES GROSSES MAINTS GRAISSEUSES....<--- 

[Gilles réfléchit longuement devant ce billet. Les souvenirs lointains de son passé récent lui reviennent par brides : le premier billet de mille piastres, les voitures abîmées, les sandwiches aux oeufs, les Jelly Beans.] 

- Je ne peux pas te prendre, billet... Tu n’es qu'une source de malheur ! 

[Un vieux mendiant à la barbe pleine de morve qui passe par là regarde la scène en se demandant si ce sale cabot allait arrêter de lui pisser dessus.] 

- Ma vie a change le jour où je t'ai pris. Mais j'ai compris... Oui, j'ai compris que je dois toujours avoir une poignée de Jelly Beans à la morue dans mes poches... C'est vital. 

[Au moment ou Gilles voulait tourner son dos poilu au billet pour rentrer dans sa voiture, le billet explose d'un feu d'artifice de l'envergure de ceux qui coûtent cinq balles dans tout mauvais dépanneur du coin. La fumée fit place à une apparition bleutée et fantomatique.] 

- Mais ?... Comment... PÈRE ??? 

[McGuliver avait une envie irrésistible de gifler son fils, mais son état d'apparition l'en empêchait.] 

- J'ai dit de m'appeler PAPA ! T'es con ou quoi ? 

- Comment... comment est-ce possible ? Tu es mort ? 

- Oui je suis mort... Après ma mort, j'errais dans les dédales sans fins du monde de l'entre-deux... là ou tous ceux qui ne savent pas quel autobus prendre vont, mais tu viens de me libérer en refusant de prendre ce billet de banque. Tu as enfin passé le test, mon fils ! Tu nous as tous libéré ! 

- Tous ? Tu veux dire toi, Gisèle et Ginou ? 

- Non... je veux dire moi et ce bon vieux zèbre... 

[À ce moment un zèbre fait son apparition sous une forme fantomatique.] 

*Hennissement de zèbre* 

- Merci mon fils, merci. 

[L'apparition se dissipe... Gilles essuit la larme qui coule le long de son dessous de bras, son désodorisant à saveur de sac à vidange orange avait lâché. Il entre dans sa voiture et démarre vers un nouvel horizon. En tournant le coin de son stationnement il accroche la petite Camry avec une vigueur déconcertante.] 

- Ah putain ! Je suis tellement maladroit... J'espère que... 

[Gilles fouille dans ses poches et en sort une pile de photocopies.] 

- Ouf ! Il me reste encore des photocopies... 

[Gilles sortt de la voiture et place une feuille sur le pare-brise de la Camry. Sur la photocopie, on pouvait lire : Bonjour, je suis désolé d'avoir accroché votre voiture... Je suis Gilles Couture et je vais me stationner ici demain aussi, soyez prudent ! ]

**********

FAIM