Banlieues
La criminalité a augmenté de près de 8 % l'an dernier en France, le nombre de crimes et délits franchissant pour la première fois la barre des quatre millions. L'âge de plus en plus jeune des délinquants et l'augmentation des vols avec violence, de téléphones portables notamment, sont les deux caractéristiques principales mises en relief par les statistiques rendues publiques hier par le ministère de l'Intérieur.
« L'ère de l'insécurité
partagée »
La délinquance a augmenté très exactement
de 7,69 % par rapport à 2000, a précisé Patrice
Bergougnoux, directeur général de la Police nationale
en présentant les chiffres en compagnie du préfet
Pierre Steinmetz, directeur général de la gendarmerie
nationale.
Alors que la délinquance a augmenté de 6,23 % en « zone police » (urbaine), elle a fait un bond de 11,89 % en « zone de gendarmerie » (péri-urbaine et rurale). En effet, la mobilité des jeunes délinquants, une présence policière renforcée et dissuasive dans les zones urbaines, des transports inter-urbains plus faciles, expliquent cette hausse de la délinquance dans les communes péri-urbaines, voire les zones rurales. « Nous entrons dans l'ère de l'insécurité partagée », a commenté Richard Bousquet, commissaire divisionnaire, responsable au syndicat des commissaires de police (majoritaire), auteur de deux ouvrages sur l'insécurité.
Pour la seconde année consécutive en effet, l'évolution de la délinquance est près de deux fois supérieure dans les zones péri-urbaines ou rurales, qui sont des zones dépendant de la gendarmerie. « C'est un phénomène assez récent, confirme Richard Bousquet, lié notamment aux mutations de la délinquance des jeunes ».
Stations du littoral ou de sports d'hiver visées
Les trajectoires de délinquance sont plus précoces,
dit-il. On passe désormais plus rapidement de la « délinquance
d'expression » (tags, caillassages de bus, incendies
de voitures) à la délinquance « de profit »
(vols, trafics de stupéfiants, de produits de marque...),
plus violente, plus « structurée »,
mais aussi « plus mobile ».
« Les jeunes ont tendance à chercher en dehors des quartiers les biens de consommation. Avant, la délinquance d'expression restait à l'intérieur des quartiers, celle de profit est plus visible et sort des quartiers », dit-il.
Les bandes « vont piquer dans les zones industrielles, les zones de fret, les centres commerciaux de périphérie, jusqu'aux stations touristiques du littoral ou de sports d'hiver, puis se replient chez elles », explique-t-il.
Aujourd'hui, la ville s'étend vers la campagne, et « les gens ayant des schémas de fonctionnement semblables, les territoires peu concernés jusqu'à présent se durcissent », confirme-t-il.
Le sociologue et spécialiste de l'insécurité Sébastian Roche arrive à la même constatation : « Une partie des délinquants n'hésitent plus à prendre le train », dit-il, « ils vont là où la résistance est la plus faible ».
Les délinquants vont donc s'attaquer plus souvent aux petites communes des grandes agglomérations ou à la périphérie des villes moyennes où vivent de plus en plus de cadres moyens, en pavillons ou isolés, et plus vulnérables.
_ De six à onze quartiers sous surveillance
_ Répondre à tous les actes de malveillance
_ Deux caméras aux entrées de la ville
Nous sommes en état de légitime défense". Les propos de Michèle Tabarot, maire du Cannet-Rocheville peuvent surprendre. Quel est donc l'adversaire ainsi montré du doigt et combattu ? L'insécurité, bien sur, grand sujet récurrent qui assiège les pensées des citoyens et des élus. Pas un jour, sans que la délinquance soit abordée, commentée.
"Ce n'est pas nous qui avons déclaré la guerre à la délinquance, mais la délinquance qui a déclaré la guerre à notre société" Nuance ! selon le maire qui vient de réformer en partie l'organisation de sa police municipale, même si depuis le début de l'année, la délinquance a baissé au Cannet de 3,52 %.
Politique sécuritaire
Le premier magistrat du Cannet entend bien mener "sa politique
sécuritaire" jusqu'au bout. Pour cela, elle a toute
confiance en Alain Cherqui, le bouillant chef de sa police municipale.
Celui-ci vient d'effectuer sa révolution en douceur du
fonctionnement de son service, dont le maitre mot est désormais :
la sectorisation. "Avant la commune était divisée
en trois, puis en six, depuis le 10 septembre dernier, on est
passé à onze quartiers" explique le responsable.
On revient à la bonne méthode de l'ilotage, avec
une redistribution des missions des policiers municipaux.
Mieux occuper le terrain
Garibondy, Saint-Jean, Mirandoles, Cité-Jardin, Mont-Joli,
Cannet, Tivoli-Olivier, Square Carnot, Rocheville, Mimosas et
Les Collines disposent maintenant chacun d'un poste de police
fonctionnant avec trois agents.
"Cela permet à ces derniers de mieux et plus rapidement intervenir, d'avoir une plus grande maitrise de leur secteur, de bien connaitre les habitants, de jouer la carte de la dissuasion par une occupation du terrain". Alain Cherqui n'y voit que des avantages et se place en précurseur d'une police de proximité, version troisième millénaire. Tant qu'à faire !
Les agents sont désormais amenés à faire l'inventaire quotidien de tout manquement à la loi. Cela va du tag, du dépôt sauvage d'ordures, du bruit, du petit racket à la sortie des écoles, aux actes d'incivilité, en passant par des actes délictueux.
Le Cannet parle souvent de réussite sur certains dossiers comme le bruit ou les tags. La reconnaissance venant des communes voisines qui copient allégrement les méthodes cannetannes.
Premier de la classe
"Tant mieux" estime Alain Cherqui "il est important
d'harmoniser les moyens d'actions. Tout le monde veut uvrer, mais
il ne faut pas le faire à coup d'effet d'annonce et vouloir
se concurrencer les uns les autres, ce n'est pas un domaine politique
mais sécuritaire", souligne-t-il fort de son expérience
depuis 10 ans à la tête de la police du Cannet, en
répétant que cela ne le dérange pas d'être
le dispositif de référence, "une commune moyenne
qui peut faire "école". Les autres communes apprécieront !
L'autre nouveau cheval de bataille de la PM sera de s'attaquer à "l'incivilité", base de toute dégradation du climat social.
"Des actes d'incivisme non sanctionnés, on passe à des actes délictueux".
Mais Michèle Tabarot ne veut pas en rester là. Bientôt deux caméras de vidéo-surveillance vont être installées à l'entrée de la ville : une à la frontière avec Cannes, au square Carnot, l'autre square Cité-Jardin, avenue Franklin-Roosevelt à Rocheville. Et ce n'est qu'un début...
"Nous voulons montrer aux Cannetans, comment sont utilisés leurs impôts", conclut Alain Cherqui.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le chef de la police y croit, à son nouveau plan d'attaque !
Gaetan PEYREBESSE.
Jeudi 04 Octobre 2001 - Tous droits réservés
- © Nice-Matin