Les Municipales

Une République de barons et de fiefs
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 06/03/2001

Le paysage municipal hexagonal est on ne peut plus figé. Le prochain scrutin l'illustrera probablement à nouveau

 

Quoi qu'on en dise, hormis les séismes annoncés à Paris et à Lyon, hormis les alternances qui se produiront dans l'une ou l'autre grande ville, les prochaines municipales en France ne devraient finalement avoir qu'un impact modéré sur nombre de cités et de communes. En effet, le maire français, lorsqu'il brigue un nouveau mandat, bénéficie souvent d'une «prime au sortant». Cette tendance générale à la continuité, que l'on retrouve aussi dans d'autres pays, a pris en France de telles proportions que le paysage municipal de cette nation en vient souvent à friser l'immobilisme.

Des exemples? Ils abondent. A Lille, ville qui, hormis une courte parenthèse (entre 1947 et 1955) a toujours été gérée par la gauche, Pierre Mauroy a régné sans partage pendant 28 ans. Comme on le sait, l'ancien Premier ministre socialiste a très royalement intronisé sa dauphine Martine Aubry, l'ex-ministre de l'Emploi de Lionel Jospin, qui est donnée gagnante au second tour avec un résultat proche de 60 pc.

A Bordeaux, cité gouvernée pendant 47 ans par Jacques Chaban-Delmas, l'ancien Premier ministre RPR Alain Juppé, qui avait été élu dès le premier tour en 1995, n'a pas davantage de soucis à se faire pour son avenir. Sa reconduction à l'hôtel de ville semble une formalité, fût-elle obscurcie par une probable victoire de la gauche à l'échelon de la communauté urbaine. Même continuité annoncée à Marseille: le libéral Jean-Claude Gaudin rempilera vraisemblablement à son poste vu l'atonie d'une gauche qui se cherche toujours un chef incontesté et populaire depuis la disparition de son leader historique Gaston Defferre, qui fut maire pendant plus de trente ans (1953-1986).

Il ne faut pas croire que la pratique des maires «indéboulonnables», s'accrochant à leur fauteuil pendant des décennies, appartient au passé. Ainsi, à Amiens, le libéral Gilles de Robien est en bonne voie de décrocher un troisième mandat; il est maire depuis 1989. A Nancy, l'ancien ministre UDF André Rossinot s'accroche lui aussi au mayorat qu'il occupe depuis 18 ans et brigue un quatrième mandat; hormis une période de six années, sa ville a toujours été gérée à droite. A Rennes, c'est carrément un cinquième mandat que revendique le député socialiste Edmond Hervé, élu sans discontinuer depuis 1977. Idem pour son «indétrônable» camarade Georges Frèche à Montpellier. Plus sage, le vénérable poète Aimé Césaire a décidé de se retirer à Fort-de-France: il occupait la mairie depuis 56 ans.

Parfois, le paysage municipal républicain prend même des airs dynastiques que n'aurait pas reniés l'Ancien régime. A Deauville, la famille D'Ornano a occupé sans interruption la mairie depuis 1962: près de 40 ans de règne donc pour l'ex-ministre giscardien puis pour son épouse. Toulouse a connu le même phénomène: de père en fils, la famille Baudis y a régné sans partage pendant 30 ans, depuis 1971. Ces deux dynasties prendront fin avec ces élections. A Bastia en revanche, ce ne sera pas le cas. Le maire sortant, l'ex-ministre radical de gauche Emile Zuccarelli, se représente; il tient son mandat de son père qui lui même l'avait hérité de son propre père

© La Libre Belgique 2001

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