Euro
Johanna de Tessières
La nouvelle était dans l'air depuis un certain temps. Le ministre de l'Économie, Charles Picqué, a confirmé hier ce que l'on pressentait. Il a décidé d'imposer le double affichage des prix en euro et FB en Belgique entre 15 décembre 2 001 au 28 février 2 002. Un arrêté royal en ce sens sera soumis « très prochainement » au gouvernement. Reste maintenant au ministre socialiste à convaincre les partenaires de la majorité. Si la chose ne devrait pas poser de problème du côté des verts. Par contre du côté libéral, il va certainement falloir faire preuve de conviction.
La décision de Charles Picqué intervient au moment de la publication de la dernière enquête de l'Inspection économique. Et de manière générale, cette dernière indique que « les variations de prix sont de faible importance ». Un élément d'ailleurs confirmé par l'indice des prix à la consommation qui n'a subi « aucune variation anormale ces derniers mois ». Toutefois, l'enquête réalisée en septembre montre « une augmentation des points de vente où une hausse des prix de plus de 3 pc a été constatée: de juillet à septembre, on est passé de 9 à 16 pc ».
Concernant le double affichage proprement dit, l'enquête indique des taux moyens de près de 60 pc. « L'évolution est positive » a souligné Charles Picqué tout en ajoutant « que le double affichage ne paraît pas suffisamment généralisé ». L'évolution est trop lente.
La décision prise d'imposer le double affichage a été favorablement accueillie Test-Achat qui regrette toutefois qu'elle intervienne si tardivement. Et hasard du calendrier, par l'organisation de défense des consommateurs publiait également hier les résultats de sa propre enquête. Il en ressort que 26 pc des 1300 produits étudiés ne présentent pas de double affichage (nettement mieux que dans les enquêtes de l'Inspection économique). Par contre, les erreurs de conversions ont tendance à se multiplier (13 pc en septembre contre 8 pc en juillet). Mais, bonne nouvelle, elles se font plutôt à l'avantage du consommateur. Test-Achat a également noté une augmentation moyenne de 1,5 pc des prix pour les biens et services repris dans son enquête. Avec des pics dans les piscines (+9,5 pc), les tickets de football (+5,5 pc) et les cinémas et cafés (+1,5 pc). Par contre une baisse de prix de 7,5 pc a été relevée chez les disquaires.
Par contre, les organisations professionnelles disent non en bloc à la proposition de Picqué. Tant la Fédération des entreprises de Belgique que l'Union des classes moyennes (et son pendant néerlandophone Unizo), on ne comprend pas très bien l'intérêt de la mesure. Selon Roger Mené, le président de l'UCM, la grande majorité des commerçants applique déjà le double affichage et l'imposer dans une « période douloureuse et coûteuse comme celle que nous connaissons avec l'arrivée de l'euro reviendrait à tirer au canon sur des mouches ».
© La Libre Belgique 2001
Frédéric Sablon
A moins de cent jours de l'apparition de la monnaie unique européenne sous forme de pièces et de billets, près de trois Belges sur quatre, se fondant sur leur expérience personnelle, estiment que «les prix, les tarifs et les honoraires augmentent», autrement dit que les distributeurs de biens et les prestataires de services profitent du passage à l'euro pour arrondir les montants facturés à la clientèle. A l'aune du panel retenu, 22 pc d'entre eux considèrent que les prix progressent «beaucoup» (surtout en Flandre) et 48 pc qu'ils enchérissent «un peu». Ce constat résulte du sondage réalisé du 4 au 11 septembre par Inra/Belgium pour «La Libre Belgique».
A la question de savoir si elles «ont peur» à l'idée de payer prochainement en euros, 44 pc des personnes interrogées répondent par la négative alors que 42 pc avouent craindre «un peu» cette perspective. Elles sont 14 pc à dire «beaucoup». Quant à prédire la façon dont se déroulera l'arrivée de l'euro, les Belges sont assez mitigés: 49 pc d'entre eux pensent que l'opération ne sera «pas facile», 19 pc s'attendent au «désordre» alors que, par chance, 8 pc d'entre eux seulement redoutent le «chaos». Enfin, ils sont 22 pc à penser que le passage se déroulera «sans problème».
Quand on leur demande ce qu'ils feront de leurs liquidités en francs belges (les fameux «bas de laine»), les intervenants se montrent prudents: 69 pc déclarent vouloir les convertir purement et simplement en euros, 16 pc comptent procéder à des achats de consommation avant les fêtes et 15 pc ne savent pas encore.
Dans un autre registre, les Belges doutent que l'arrivée de l'euro soit propice à un éclaircissement de la conjoncture (à peine 14 pc croient sans réserve que «oui»). Le ralentissement de l'économie mondiale? Il est qualifié de «moyen» par 50 pc de l'échantillon et de «fort» par 20 autres pour-cent.
La crise des marchés boursiers vous a-t-elle incité à épargner davantage? 68 pc des personnes interrogées répondent «non» sans hésiter alors que 28 pc disent: «un peu». De même, une forte majorité des Belges sondés font état d'un «statu quo» de leurs dépenses de consommation. Seuls 7 pc reconnaissent que celles-ci ont baissé.
Il est important de souligner que le sondage Inra/Belgium a été entamé par les enquêteurs avant les attentats du 11 décembre. Vu qu'il ne s'est prolongé que jusqu'au 14, il n'a donc pu prendre en compte que partiellement les incertitudes des Belges vis-à-vis de l'environnement économique mondial.
(*) Le présent sondage a été réalisé en face à face du 4 au 14 septembre par Inra Belgium auprès d'un échantillon de 2 000 Belges âgés de 18 ans et plus, à raison de 750 en Région wallonne, 750 en Région flamande et 500 dans la Région bruxelloise. La marge d'erreur sur l'échantillon total et une observation de 50 pc est de 2,25 pc. 88 pc des personnes interrogées ont accepté de répondre (91 pc à Bruxelles, 89 pc en Flandre et 85 pc en Wallonie). Affiliations: Esomar et Febelmar.
© La Libre Belgique 2001
L'euro qui garnira les porte-monnaies des Européens dans 100 jours, a réussi à préserver sa valeur après les attentats meurtriers aux Etats-Unis, sans toutefois réussir une percée, sur fond de ralentissement des économies européennes et dans l'attente d'une riposte américaine.
Dépréciée de quelque 21% depuis sa naissance en janvier 1999 face au dollar-roi, la monnaie européenne a gagné quelques fractions après les attentats du 11 septembre. Depuis elle piétine autour de 0,92 dollar.
Il est donc clair que l'euro n'a pas le statut de monnaie refuge en temps de crise. C'est le franc suisse qui dans une certaine mesure a joué ce rôle, s'érigeant vendredi à son plus haut niveau depuis 20 mois face au dollar.
Mais, «l'euro reste solide dans la tourmente générale », faisait remarquer jeudi le ministre français de l'Economie Laurent Fabius. «Imaginez quel serait le mouvement considérable des monnaies » européennes, «s'il'n y avait pas eu l'euro », ajoute-t-il dans une allusion aux dévaluations compétitives de la lire et de la peseta qui ont ébranlé les économies européennes au début des années 1990.
Dans l'immédiat, l'évolution des grandes devises dépendra de la réaction américaine aux attentats terroristes. Aux yeux des investisseurs, une ferme riposte américaine, telle que l'a suggérée jeudi le président George W. Bush, pourrait soutenir le dollar face aux autres monnaies, dont l'euro.
A moyen terme, l'évolution de la monnaie unique reste tributaire de la conjoncture des deux côtés de l'Atlantique, alors que les Etats-Unis sont menacés de récession et que l'Europe voit sa croissance ralentie.
«A quelque chose malheur est bon, les incertitudes minant le dollar peuvent doper la valeur de l'euro sur les marchés et par ricochet renforcer la confiance des Européens dans leur nouvelle monnaie », souligne Hervé Goulletquer, chef économiste au Crédit Lyonnais.
D'autres analystes estiment en revanche que l'Europe, elle-même lourdement pénalisée, verra sa monnaie délaissée par les investisseurs.
Une montée en flèche de l'euro ne serait d'ailleurs pas forcément souhaitable puisqu'elle rendrait plus cher les produits européens et pénaliserait les exportations, freinant la relance économique.
La dépréciation de l'euro depuis 1999 n'a d'ailleurs pas été ressentie par l'ensemble des Européens comme un drame, hormis peut-être par les grands voyageurs. D'autant plus que le pouvoir d'achat des citoyens a été préservé grâce à une inflation restée sous maîtrise.
Mais, de toute évidence, une appréciation de l'euro dans les trois prochains mois serait un argument vendeur pour les gouvernements des Douze pays qui préparent l'introduction des billets et des pièces au 1er janvier 2002. Il est certes plus rassurant d'avoir en poche une monnaie dont on n'apprend pas tous les jours la dégringolade sur les marchés de change, comme ce fut en grande partie le cas pour l'euro depuis sa naissance.
Les dirigeants européens comptent aussi sur l'effet psychologique de l'arrivée des billets euros pour renforcer la valeur de la nouvelle monnaie.
Force est de constater qu'en trois ans, l'euro n'a pas réussi à détrôner le dollar comme monnaie des transactions internationales ou comme monnaie de réserve des banques centrales.
Mais si les attentats tragiques du 11 septembre amenaient les Européens à renforcer leur cohésion et leur intégration politique, l'euro inspirerait une plus grande confiance et gagnerait une stature internationale, estime Christian de Boissieu, professeur d'université à Paris. (AFP)
«C'est en euros, on n'y comprend rien ». En recevant les premières factures de téléphone et d'électricité en euros, ou leurs premiers relevés de compte bancaire, plusieurs millions d'Européens ont pu, ces derniers mois, mesurer le traumatisme qui les attend le 1er janvier prochain.
Car les petits désagréments de factures mal payées en monnaie nationale ne sont rien à côté de la gigantesque pagaille qui guette peut-être les douze pays de la zone euro, dans deux mois, lorsque pour la première fois il faudra régler sa baguette, ses tapas ou sa pinte de Guinness en euros sonnants et trébuchants.
De l'avis des banquiers, aux premières loges, les Européens n'ont pas fait beaucoup d'efforts pour s'accoutumer à la nouvelle monnaie. «Les gens se sont dit: c'est bien trop ennuyeux, il sera bien temps de voir, le 1er janvier », résume l'un d'eux.
En France, 50.000 clients s'étaient trompés, au début de l'année, en libellant le chèque de règlement de leur facture d'électricité en franc, mais en utilisant le chiffre des euros, inscrit en gros caractères pour les familiariser avec la nouvelle monnaie.
Comme un euro vaut un peu plus de 6,50 FF, Electricité de France (EDF) avait dû adresser à ses clients d'aimables lettres de redressement.
Plus récemment, c'est la banque espagnole BBVA qui avait mis momentanément quelques uns de ses clients sur la paille, en confondant pesetas et euros et en provoquant aussi involontairement que provisoirement des découverts vertigineux.
Ces erreurs montrent à quel point il importe de préparer soigneusement l'apparition de la nouvelle monnaie, et la très délicate période de double-circulation, pendant laquelle coexisteront euro et devises nationales. Elle durera jusqu'à la fin février, en fonction des pays.
Buralistes, marchands de journaux, cafetiers, sont en première ligne. C'est eux qui, avec une quasi-totalité de paiements en espèces, essuieront les plâtres, le 1er janvier, pendant que les grands magasins, qui encaissent surtout des règlements par cartes bancaires, garderont portes closes.
Ces commerçants accepteront indifféremment des euros et les devises nationales, mais devront obligatoirement rendre la monnaie en euros. Face aux difficultés de ce mécanisme, à la gymnastique que représentera la conversion, ils craignent que des files ne forment devant leurs boutiques.
«Dès le 1er janvier, les métiers de bouche seront confrontés à la difficulté du rendu de monnaie en euro et à des queues, comme dans les boulangeries, les chocolatiers ou les traiteurs », a reconnu le gouvernement français, songeant à favoriser par une baisse des commissions l'usage des cartes de crédit pour les petites sommes.
Une bonne partie de la solution réside probablement dans l'approvisionnement en euros des distributeurs de billets.
Dans son dernier rapport sur la préparation à l'euro, la Commission européenne a appelé les banques à accélérer l'adaptation à l'euro des distributeurs automatiques de billets. «Par son ampleur, l'introduction de l'euro est une opération d'une complexité sans précédent qui appelle une préparation vigilante et minutieuse », a rappelé le commissaire chargé de l'euro, l'Espagnol Pedro Solbes.
La Commission veut que le 1er janvier, à 0h00, le plus grand nombre possible de distributeurs de billets soit à même de délivrer des euros. Pour cela, les banques ont mis au point un système complexe. Deux cassettes de billets doivent être disposées dans les distributeurs: l'une avec des billets en devise nationale, l'autre avec des euros. Un basculement informatique programmé doit permettre de passer de l'une à l'autre cassette. (AFP)