Euthanasie

Sommaire

`Le texte n'a pas changé d'une virgule

Pour moi, l'euthanasie n'existe pas´


Le texte n'a pas changé d'une virgule
ANNICK HOVINE - Mis en ligne le 17/04/2002

La commission de la Justice a approuvé le projet de loi dépénalisant l'euthanasie sous conditions

La dépénalisation sous conditions de l'euthanasie devrait être coulée en loi dans les semaines qui viennent. La commission de la Justice de la Chambre a adopté mercredi par 10 voix (celles de la majorité MR-VLD-PS-SP.A-Écolo-Agalev) contre 6 (celles de l'opposition CD&V, PSC et Vlaams Blok), le projet de loi déjà approuvé par le Sénat.

Ce texte organise une exception légale si le médecin qui pratique une euthanasie respecte une série de conditions prévues par la loi. Il doit ainsi s'assurer que le patient, majeur, capable et conscient, formule sa demande de manière volontaire, réfléchie et répétée, et que celle-ci ne résulte pas d'une pression extérieure. Le patient doit se retrouver dans une situation médicale sans issue et faire état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable, résultant d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. La notion de `fin de vie´ ou de `phase terminale´ n'a pas été retenue.

La commission a ensuite adopté par 10 pour (la majorité) et 6 abstentions (l'opposition) le projet de loi visant à garantir une offre de soins palliatifs performants.

AUCUNE AMÉLIORATION

Aucun des nombreux amendements au projet relatif à l'euthanasie n'a donc passé la rampe de la commission de la Justice. Ce qui a suscité des commentaires amers de Tony Van Parys (CD&V) et Josy Arens (PSC). `Les représentants de la majorité ont systématiquement et à l'unanimité rejeté tous les amendements, jusqu'à l'absurde´

Déplore Van Parys. `On ne voulait absolument pas toucher au texte du Sénat. Il fallait l'approuver maintenant, parce qu'on ne sait jamais: les sociaux-chrétiens risquent de revenir au pouvoir´, grince le député CD&V.

Des points fondamentaux ont été balayés d'un revers de la manche, dénonce-t-il. `Même si on s'inscrit dans la logique de l'autodétermination, on doit accepter que la volonté exprimée soit filtrée, pour éviter qu'un appel au secours soit interprété comme un appel de mettre fin à la vie. Mais on n'a pas voulu reprendre cette idée de filtre palliatif.´ Pour le CD&V, il est encore `inacceptable´ que l'euthanasie soit possible pour des patients qui ne sont pas en phase terminale. `Comment peut-on accepter que des personnes en état de fragilité psychique puissent décider de leur sort?´ On l'aura compris: les sociaux-chrétiens voteront contre ce projet de loi en séance plénière de la Chambre.

Josy Arens a rappelé que le PSC n'était pas opposé à une dépénalisation de l'euthanasie à certaines conditions, mais la commission n'a pas voulu entendre ses propositions `pour améliorer cette mauvaise loi qui permet toutes les dérives´. On pourrait même passer d'une situation d'euthanasie à l'eugénisme, ose Arens, suscitant l'indignation sur les bancs majoritaires.

Annemie Van de Casteele (Spirit) estime aussi qu'il s'agit d' `une occasion ratée´: `J'aurais préféré un projet de loi porté par une grande partie de la population. On a ouvert grand une porte. Il sera très difficile de la refermer.´

`Je suis convaincu que le débat n'est pas clos par le vote´, dit le président de la commission de la Justice, Fred Erdman (SP.A), convaincu que les textes connaîtront des adaptations à l'avenir.

QUELQUES DÉFECTIONS EN VUE

S'il n'y a pas eu de défection majoritaire lors du vote en commission de la Justice, des abstentions voire des votes contre ne sont pas à écarter en séance plénière. Ainsi, la députée MR Jacqueline Herzet s'abstiendra. `Ce projet de loi, dont on ne peut parler qu'à la première personne, est le plus important de la législature, mais il n'est pas abouti. Je le trouve trop lourd et compliqué pour les médecins comme pour les patients. Aucun texte ne pourra empêcher les dérives.´

La présidente de la commission de la Santé de la Chambre, Yolande Avontroodt (VLD), qui est également médecin, regrette elle aussi la tournure des débats.

`Chacun est convaincu que la loi euthanasie pourrait être améliorée, mais ce n'est plus possible pour des raisons politiques.´ Ainsi, on n'a tenu aucun compte des avis rendus par sa commission `pour des raisons de stratégie politique´, indiquait-elle mercredi au `Nieuwsblad´. Si le projet de loi est modifié par la Chambre, il devra retourner au Sénat: `La loi sur l'euthanasie risquerait alors de ne pas être approuvée sous cette législature.´ Comme médecin, Mme Avontroodt dit avoir des réticences par rapport à l'euthanasie de patients non terminaux. La députée VLD n'approuvera pas le texte en séance plénière.

© La Libre Belgique 2002


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`Pour moi, l'euthanasie n'existe pas´
PAR LAURENCE DARDENNE - Mis en ligne le 17/04/2002

Préférant parler de `continuité des soins avec une intensité plus ou moins importante´, cet interniste gériatre estime que l'adoption du texte ne changera rien dans sa pratique quotidienne

ENTRETIEN

Interniste gériatre, le Dr Jean Petermans a le mérite d'être clair et net. À la question de savoir en quoi l'adoption de ce texte va changer sa pratique quotidienne, il répond en une syllabe: `Rien.´ Mais encore?

Personnellement, cela ne va rien changer à ma pratique, car j'ai toujours eu l'habitude d'essayer d'accompagner mes patients jusqu'au bout, avec mes équipes soignantes, dans une ambiance de collaboration, de respect des compétences de chacun, c'est-à-dire du patient, de sa famille et du médecin traitant. Je considère que la médecine doit viser à soulager les gens, les soigner, les guérir. Ainsi qu'à améliorer d'abord et avant tout leur qualité de vie. Je pense que la mort est inévitable et que le rôle du médecin consiste à accompagner son patient dans la mort sans la provoquer.

Quelle valeur accordez-vous alors à ce texte?

Comme côté positif, je lui accorde le fait d'apporter une certaine protection du médecin dans des circonstances où il y aurait par exemple une mauvaise compréhension de l'entourage du patient sur les soins administrés. Ceci était peut-être nécessaire, même si ce texte peut donner l'impression que l'on a `codifié´ la mort.

Et c'est ce qui vous dérange?

Le problème de l'euthanasie me dérange. Dans la mesure où je considère simplement qu'une continuité des soins doit être attribuée à toute personne par l'équipe soignante. S'il n'existe plus le moindre traitement curatif possible et si les soins décidés par l'équipe soignante - si possible avec le patient, le médecin traitant et la famille - font en sorte que, pour le confort de la personne, la vie s'abrège et s'arrête, on peut considérer qu'il s'agit d'une thérapeutique comme une autre. Car la responsabilité médicale est de soulager et d'aider les patients. Je serais tenté de dire que, pour moi, l'euthanasie n'existe pas. Il s'agit plutôt d'une continuité des soins avec une intensité plus ou moins importante en fonction du patient, de sa qualité et de son espérance de vie, ainsi que de la gravité de la pathologie. Le résultat peut être, dans certains cas, la guérison. Dans d'autres, la fin de vie.

Ce qui est par contre tout à fait `anti-médical´ et inacceptable, c'est de ne pas se préoccuper de la souffrance des gens en fin de vie. Et d'appliquer la loi stricto sensu.

Toute la question du testament de vie et des demandes anticipées...

En effet, d'expérience de gériatre, nous savons que les patients évoluent et que, même dans des situations considérées comme irréversibles et de grande souffrance, certains peuvent avoir encore des choses à vivre et à dire. D'où le danger de se prononcer d'emblée.

Des enquêtes menées aux États-Unis auprès de personnes très âgées admises aux soins intensifs ont démontré que lorsque l'on demandait si, compte tenu de leur espérance de vie de six mois, en cas d'accident sérieux, ils souhaitaient qu'on les réanime, plus de 60 pc ont répondu oui. À la question de savoir s'ils voulaient être maintenus en vie avec un respirateur, ils n'étaient cependant plus que 20 pc.

Estimez-vous que certaines classes de personnes pourraient à présent être défavorisées?

Tout à fait. Le problème des personnes démentes, notamment soulevé à la Société belge de gériatrie, est très préoccupant dans la mesure où rien, dans le texte de loi, ne les protège. À ce niveau, on peut suspecter des dérives.

© La Libre Belgique 2002

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