Femmes

81 millions de femmes au foyer souvent insatisfaites
LAURENCE BERTELS - Mis en ligne le 09/11/2001

3 h 38 pour le ménage; 2 h 20 pour la cuisine et la vaisselle; 1 h 13 pour les repas, plus de 45 heures par semaine pour pas un franc. Besoin de reconnaissance

Ansotte

En parlant de «milliers de petits pas dérisoires», Jean Ferrat a trouvé les mots justes pour décrire l'importance et l'ingratitude du travail des femmes au foyer. Pourtant, depuis la chanson, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, le Parlement européen a proposé aux Etats membres l'adoption de moyens visant à valoriser le travail domestique et la IVe Conférence mondiale sur les femmes, qui s'est tenue à Pékin en 1995, a également reconnu la nécessité de poursuivre dans cette voie.

Aujourd'hui, dans le cadre de la présidence belge à l'Union européenne, la Fédération des femmes actives au foyer (Fefaf) a invité économistes, philosophes et juristes à se pencher sur la récurrente et délicate question. Le spectre du renvoi des femmes au foyer et de la perte de certains acquis quant à l'égalité des sexes est en effet bien présent.

Auteur de l'étude européenne «Approche: travail des femmes au foyer», V. M. Garcia Munoz donne un aperçu global de la situation en Union européenne où vivent... 81 millions de femmes au foyer.

PORTRAIT ROBOT

Plus précisément, la proportion des femmes au foyer varie en Europe de 4 pc au Danemark à 60 pc en Irlande. La moyenne européenne se situe entre 30 et 40 pc et la proportion des femmes au foyer est en déclin ces dernières années. Rien qu'en France, leur rang s'est en effet éclairci de moitié en vingt ans. Le taux de satisfaction est quant à lui plus important (60 pc) au Danemark, aux Pays-Bas et au Luxembourg que dans d'autres pays où les insatisfaites sont proportionnellement deux fois plus nombreuses au sein des femmes au foyer que parmi celles qui travaillent.

Mais à quoi ressemble cette femme enviée, méprisée, ignorée ou encensée? Plus provinciale que citadine, la femme au foyer est souvent mariée à un ouvrier ou à un cadre, fait rarement partie des classes moyennes, est peu diplômée et a au moins deux enfants.

Elle consacre en outre 45 heures par semaine au travail ménager contre 35 pour les femmes qui travaillent. On peut pousser l'exercice plus loin encore en précisant qu'une mère de famille consacre 3 h 38 pour le travail ménager; 2 h 20 à la cuisine et à la vaisselle; 1 h 33 aux soins des enfants; 51 min pour les courses; 49 min par jour pour ses soins personnels ou encore 7 h 40 pour dormir.

Si ces évaluations prêtent parfois à sourire, elles contribuent cependant au fait que selon les évaluations, le travail à domicile représente entre 30 et 75 pc du PIB.

Présent au colloque organisé par la Fefaf, l'économiste Jean-Didier Lecaillon parlait lui volontiers de véritables chefs d'entreprise. (Voir ci-contre).

SELON LES ÉTATS

Avant de suivre quelques pistes pour proposer de valoriser les tâches ménagères, l'éducation des enfants, il convient également de faire le point sur la situation dans les différents Etats membres, les uns pouvant ouvrir, ou fermer, la voie. On sait par exemple que les pays du nord ont montré l'exemple en matière d'éducation et de congé parental. Qu'en est-il dans ce cas précis?

Au Danemark, les femmes au foyer ne sont pas reconnues. En Finlande, elles peuvent bénéficier d'une allocation, «Kotihoidon tuki» qui constitue en soi une reconnaissance indirecte; en Suède, les autorités ont mis en place le système d'allocations auxquelles elles ont droit comme le «Child allowance»; en Italie, cette reconnaissance fait l'objet de controverses; en Irlande, la constitution reconnaît leur rôle, ce qui la distingue des autres Etats européens. Et chez nous? Comme le stipule l'enquête, «il n'existe pas de dispositions concernant les femmes au foyer à proprement parler, mais l'article 87 du Code des Impôts leur octroie la possibilité de bénéficier d'un revenu fictif entraînant la réduction de l'impôt familial.»

© La Libre Belgique 2001

Back to French texts page