Franc
Après plusieurs siècles d'existence, le franc laisse définitivement la place à l'euro, ce soir à minuit.
Deux décrets ont été adoptés mercredi dernier en Conseil des ministres portant sur la suppression du cours légal des pièces et billets en francs pour le 17 février à minuit.
Au-delà, point de salut pour les billets en francs, condamnés à finir broyés ou incinérés, tandis que les pièces sont promises soit à la destruction, soit au recyclage, peut-être même en euros.
« Le franc s'en va, il aura rendu beaucoup de services, et maintenant l'euro arrive, donc bravo l'euro, bienvenue à l'euro », a ainsi salué mercredi Laurent Fabius, à l'issue du Conseil des ministres, sans vraiment de nostalgie pour ce qui n'est déjà plus la monnaie nationale.
95% des paiements déjà en euros
Le franc est né le 5 décembre 1360, sur ordonnance
du roi de France Jean II le Bon qui, fait prisonnier et libéré
par les Anglais contre rançon, frappe le « franc »
(« libre » en vieux français) en
l'honneur de sa liberté retrouvée. Pendant des siècles,
la pièce est bousculée par d'autres unités
comme les écus et les louis, avant de réapparaitre
avec la Révolution (voir encadré ci-contre).
Sa mort définitive laissera bon nombre de Français indifférents, la plupart ayant allégrement adopté la monnaie européenne dès ses premiers jours d'existence matérielle.
Selon les chiffres du ministère de l'Economie, plus de 95 % des paiements en espèces sont déjà effectués en euros. Selon la Banque de France, une semaine avant la fin du franc, 71 % des billets en circulation étaient des coupures en euros.
Double affichage des prix jusqu'à fin juin
Les rares acharnés du franc devront se faire une raison.
Même s'ils pourront retrouver encore quelques mois leur
monnaie favorite sur les étiquettes, Laurent Fabius ayant
recommandé de prolonger jusqu'à fin juin le double
affichage pour éviter une valse des prix et aider les consommateurs.
Par ailleurs, inutile de se précipiter pour se débarrasser de ses derniers francs avant dimanche minuit : les opérations d'échange se poursuivront aux guichets des banques et de La Poste jusqu'au 30 juin et, au-delà à la Banque de France, pendant dix ans pour les billets et trois ans pour les pièces, gratuitement (Lire par ailleurs).
Dimanche 17 Fevrier 2002
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Six cent quarante-et-un ans après sa création, et après deux siècles d'existence sans interruption, le franc français s'en va sur la pointe des pieds, discrètement, sans marche funèbre ni requiem.
Les commerçants ne seront plus tenus d'accepter les francs à partir de lundi, l'euro devenant à compter de 0 heures la seule monnaie en circulation en France. En fait, le franc a pratiquement disparu depuis la mi-janvier et la double circulation massive franc-euro n'aura finalement duré qu'environ deux semaines.
Jusqu'au 30 juin, les Français pourront continuer à échanger leurs francs contre des euros dans les agences bancaires et les bureaux de poste. Après cette date, l'échange sera encore possible dans les succursales de la Banque de France et du Trésor public, pendant trois ans pour les pièces, et pendant dix ans pour les billets.
Une petite fête est prévue demain soir à Bercy, un spectacle visuel sur invitation étant organisé dans la cour d'honneur du ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie.
Il aura encore cours dans les têtes
La transition monétaire la plus importante de l'Histoire
s'est donc passée comme prévu, sans anicroches,
et les pénuries de monnaie signalées ici ou là
dans les premiers jours de janvier auront été très
limitées. Au début, le double étiquetage
n'était pas prêt chez nombre de petits commerçants
ou sur les marchés, le rendu de monnaie se faisait souvent
en francs au lieu de se faire systématiquement en euros
mais ces transgressions apparaissent bien minimes avec le recul.
En tout cas, elles n'ont pas retardé la disparition du
franc même si de rares irréductibles se seront targués
de l'utiliser jusqu'au bout.
Le franc ne circulera plus à partir de la semaine prochaine mais il aura encore cours un certain temps en effet dans les têtes, particulièrement pour ce qui concerne les grosses sommes.
Quant aux espèces, les Français, après un accès naturel de curiosité au début, n'ont semble-t-il pas eu le coup de foudre pour le graphisme un peu terne et sans relief de billets manquant, à tout point de vue, de personnalité. Les pièces ont suscité des critiques car les petits centimes encombreraient inutilement les porte-monnaies, au point que certains ont déjà proposé de bannir tout ce qui était inférieur à cinq centimes d'euro.
Petit dérapage des prix
La question de la hausse des prix ne s'en pose pas moins. Car
si jusqu'à présent, les statistiques de l'INSEE
n'ont pas fait ressortir de dérapage général
des prix, de nombreux consommateurs, ainsi que la Direction générale
de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes (DGCCRF), ont constaté des hausses de prix
substantielles particulièrement dans la restauration, l'hôtellerie
ou la réparation automobile.
Le taux d'inflation dans la zone euro s'est élevé à 2,5 % en janvier contre 2,1 % en décembre, selon les chiffres d'Eurostat, l'office statistique européen.
Par rapport aux autres grandes devises, l'introduction de la monnaie fiduciaire n'a pas dopé l'euro qui a cédé du terrain face au dollar américain en ce début d'année (0,87 e pour un dollar). Mais après tout le franc français n'était pas considéré comme une « monnaie forte ».
Samedi 16 Fevrier 2002
Tous droits réservés - © Nice-Matin
Le franc est mort, vive l'euro ! Le 17 février 2002 restera dans les livres d'Histoire la date à laquelle la « Semeuse » a définitivement disparue de la circulation, l'Europe ayant adopté la monnaie unique. Pourtant, au-delà des raccourcis forcément réducteurs des manuels scolaires, le spectre du franc continue de planer sur l'Hexagone.
Il n'est pas de réforme adoptée en un jour. Et l'euro nouveau - pas plus que la Rome Antique - ne s'est fait en ce laps de temps. Ce buraliste niçois de l'avenue Jean-Jaurès fait ainsi remarquer que « ces derniers jours les vestiges de l'ancienne monnaie nationale s'étaient faits aussi rares que toute autre relique du passé ».
Les Azuréens n'ont donc pas fait de sentiment. Ils ont retapissé d'euros le fond de leur porte-monnaie. Et cela, sans attendre la date butoir du 17 février. « Depuis quelques semaines, le montant moyen des retraits en euros avait augmenté de 20 à 25 % dans le département », confie Jean-François Comas, le président du comité local de la fédération française bancaire.
Des tonnes de francs à la trappe
Pourtant, dire que les effigies de « Saint-Ex »
à « Pierre et Marie Curie » ont fini
de hanter les bas de laine familiaux et les armoires provençales
serait également réducteur. Il y a les négligeants
comme Rémy qui retrouvent un exemplaire de la plus petite
coupure au fond d'un sac : « Je l'avais oublié
celui-là. » Et les prudents - peut-être
trop - à l'image de Thérèse qui préfère
conserver encore un peu ses grosses coupures : « Moi,
l'euro je préfère encore attendre pour avoir confiance. »
Selon le directeur adjoint de la Banque de France à Nice, Christophe Baud-Berthier, « quelques centaines de tonnes de francs en pièces » n'auraient pas encore regagné les caisses du Trésor.
Cette monnaie fiduciaire dont le poids total est estimé à un millier de tonnes dans le département fait pourtant l'objet d'une vaste collecte. Mais, celle organisée par les pouvoirs publics s'est vue quelque peu « simplifiée » par plusieurs opérations caritatives organisées parallèlement. Le TGV des pièces jaunes, conduit par Bernadette Chirac et David Douillet, a, à lui seul, soustrait 9 tonnes de francs aux comptes officiels lors de son étape azuréenne. Les associations des paralysés de France et de Recherche contre le cancer poursuivent la collecte.
Si l'on ajoute à ces cagnottes du cur celles des fétichistes et des collectionneurs, le montant des francs encore en circulation au lendemain de sa « disparition » est bien difficile à estimer. Certains ne regagneront peut-être jamais les caisses de l'Etat. Disparus à jamais en eau douce, celle de la cascade du Château où miroitent encore les devises du bonheur. D'autres pièces feront la joie des chineurs dans quelques décennies.
Une mort en sursis
En attendant, ce n'est pas parce que le franc est officiellement
mort aujourd'hui, qu'il n'a plus de valeur. Les sous, sonnant
et trébuchant, pourront encore être échangés
durant trois ans auprès du Trésor Public. Le sursis
accordé aux billets est nettement plus long et court jusqu'au
17 février 2012. A condition bien sur de s'adresser à
la Banque de France. Car les autres acteurs du système
financier français entendent bien mettre rapidement fin
à cette lente agonie du franc.
Une nouvelle date figure en effet au calendrier de cette monnaie nationale qui n'en finit plus de mourir. Jusqu'au 30 juin, les agences bancaires et les bureaux de Poste acceptent encore les francs contre euros. Mais, en vertu d'accords nationaux, la conversion pourrait être payante. « Les banques, précise Christophe Baud-Berthier, peuvent désormais faire payer les échanges de monnaie à la clientèle de passage. »
Cette perspective ne semble pas avoir effrayé les détenteurs des derniers francs. En effet, hier on ne se bousculait pas au guichet des banques. « Tout s'est passé très calmement, conclut Jean-François Comas. La mort du franc aura été douce. »
Eric GALLIANO.
Mardi 19 Fevrier 2002
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