POLITIQUE / IMMIGRATION


IMMIGRATION

Sommaire

 

La pénurie de main-d'oeuvre traduit un défaut d'anticipation des entreprises - Le Monde (février 2000)

Suisse: l'immigration ou la mort - Hebdo

Sur le Net

Pour l'ONU l'immigration serait un remède au viellissement de la population européenne - fenetre europe .com

Espérance de vie et démographie

Le site de l'office fédéral de la statistique

Bienvenue sur PopInfo -Le monde de la démographie et la démographie du monde Serveur francophone d'informations sur la démographie et sur les populations du monde, d'Europe et de France.

 

Back to French Sites


La pénurie de main-d'oeuvre traduit un défaut d'anticipation des entreprises


La difficulté à trouver des salariés observée dans de nombreux secteurs depuis la reprise de la croissance résulte aussi de salaires insuffisants ou d'une mauvaise image de certains métiers ou bassins d'emploi. Le vrai danger démographique apparaîtra dans quelques années et relance le débat sur le rôle de l'immigration

 

Mis à jour le lundi 28 février 2000

Il suffit que l'activité économique reprenne de la vigueur pour que les employeurs entonnent à nouveau le refrain de la « pénurie de main-d'oeuvre », faisant fi des 2,6 millions de chômeurs, du 1,3 million de RMIstes et des 3 millions d'exclus. Les entreprises de la nouvelle économie ne sont pas les seules à se plaindre. Selon la dernière enquête conjoncturelle de l'Insee réalisée en janvier dans l'industrie, plus d'un établissement sur trois (34 %) dit éprouver des difficultés de recrutement. Ils sont même 47 % dans l'automobile et plus de 50 % dans le bâtiment à faire état de tels problèmes...

Tous les experts s'accordent pourtant à le dire : hormis dans l'informatique et les télécoms, il est excessif de parler de pénurie. Aussi réelles soient-elles, les difficultés de recrutement tiennent dans la plupart des secteurs concernés à des causes structurelles. Nombre de métiers cités comme critiques - métiers de bouche, bâtiment, hôtellerie-restauration, mécanique, commerce - ont un problème évident d'attractivité qui n'est pas nouveau et tient à une question d'image et/ou de conditions de travail et de salaire. L'amélioration sensible du marché du travail ne fait qu'exacerber ces difficultés. D'autant que, dans une situation embellie, les gens n'ont plus peur de quitter l'emploi qu'ils avaient accepté faute de mieux en période de récession, pour trouver mieux ailleurs.

« Les difficultés que rencontrent certains employeurs sont principalement le fait de situations locales, tient aussi à souligner Alain Jecko, directeur général adjoint de l'ANPE. Sur certains bassins d'emploi, ces difficultés peuvent se transformer en pénurie, les lieux où les établissements cherchent à recruter ne coïncidant pas toujours avec le lieu où vivent ces professionnels en recherche d'emploi. » Or, on le sait, quelques dizaines de kilomètres suffisent pour rendre ces rapprochements difficiles.

« La notion de pénurie est très relative, relève Hugues Bertrand, directeur du Centre d'études et de recherches sur les qualifications. Il était tellement facile hier pour les entreprises de trouver le mouton à cinq pattes que la moindre difficulté leur paraît aujourd'hui insurmontable. Elles ont pris l'habitude de disposer de personnes au pied levé sans avoir à les former, exigeant d'elles qu'elles acquièrent, par leurs propres moyens, l'expérience requise afin d'être immédiatement opérationnelles, observe-t-il. Les difficultés rencontrées aujourd'hui par les employeurs tiennent à leur incapacité à définir leurs vrais besoins de façon réaliste, en fonction des ressources disponibles sur le marché local. Elles continuent à rechercher le candidat idéal. Pourtant, dans la plupart des cas, il existe des personnes ayant les dispositions pour occuper les emplois offerts. »

DÉCELER LES COMPÉTENCES

Une réalité confirmée par Tristan d'Avezac, directeur des affaires économiques du Syndicat des entreprises de travail temporaire (SETT). Celui-ci ne cache pas que, aujourd'hui, certains employeurs s'en remettent à l'intérim pour trouver le salarié vainement recherché. « Bien que confrontés aux mêmes difficultés, relève-t-il, nous savons déceler chez les personnes les compétences recherchées, quitte parfois à leur apporter une petite formation pour qu'elles répondent précisément à l'attente.  »

Une démarche que l'ANPE est elle-même en train de faire sienne. « La cohabitation d'un niveau de chômage élevé et d'un certain nombre de difficultés à pourvoir des offres d'emplois nous conduit à faire une analyse beaucoup plus fine du stock de demandeurs d'emploi, en jouant sur la transférabilité des compétences, la validation des acquis, avance Alain Jecko . Nous ne pouvons pas tout attendre de la croissance et devons entrer dans une logique de redéploiement des compétences. » Depuis un an, l'ANPE développe une méthode d'évaluation de « l'habileté » qui, s'appuyant sur une analyse des compétences, permet de dépasser l'approche réductrice en termes de diplômes.

Transférabilité des compétences, validation des acquis, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences... tous ces concepts, déjà promus il y a une douzaine d'années lorsque l'embellie économique avait engendré les mêmes discours sur les pénuries, ne seraient-ils restés qu'à l'état de discours ? « En interne, les entreprises ont développé une certaine démarche d'anticipation de leurs besoins en compétences. En témoigne l'évolution de leur plan de formation. Mais elles n'ont pas communiqué à l'extérieur cette meilleure connaissance de l'évolution de leurs métiers, constate Dominique Thierry, de Développement et Emploi . Toutes les études prospectives locales, tous les efforts de communication sur les métiers qui avaient été entrepris il y a dix ans n'ont pas perduré, les entreprises estimant, à tort, ne pas avoir besoin de poursuivre ce type d'initiatives en période de récession. » Et Mercedes Saddier-Chetochine, responsable de l'observatoire de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), d'insister : « Les entreprises et les secteurs qui ont persévéré dans cette voie rencontrent aujourd'hui moins de difficultés que les autres. »

A l'évidence, les entreprises vont devoir s'ouvrir à nouveau sur l'extérieur et faire évoluer leurs pratiques de recrutement, en entrant véritablement dans une logique de compétences afin d'ouvrir le champ des candidats potentiels aux emplois qu'elles doivent pourvoir. D'autant que les vraies difficultés sont à venir. En effet, d'ici quatre ou cinq ans, elles vont voir partir en nombre les salariés de la génération du baby-boom et être confrontées à une vraie raréfaction des ressources. Toutes les études prospectives mettent en évidence un recul de la population active après 2005.
Laetitia Van Eeckhout

Le Monde daté du mardi 29 février 2000

Back to top


Suisse: l'immigration ou la mort


Notre pays vieillit et sans l'arrivée d'étrangers, son économie manquera de main-d'uvre. Les démographes s'inquiètent. Les politiciens, eux, préfèrent éviter le sujet...

Marie Abbet
Le 18 mai 2000

«Dis, tonton, pourquoi tu tousses?» On croirait un sketch de Fernand Reynaud. A la veille de la votation sur les accords bilatéraux, les politiciens sont prudents, très prudents. Un seul mot suffit à déclencher des quintes de toux. Pédale douce, ce n'est pas le moment de parler de démographie et encore moins d'immigration. Depuis des semaines, ils s'escriment à expliquer que les Européens ne prendront pas notre beau pays d'assaut en cas de oui. Ils évitent surtout de rajouter «Dommage!», cela pourrait fausser le débat.

 

Impossible, pourtant, de nier que la population suisse a pris un sacré coup de vieux. Depuis 1998, le nombre de décès dépasse celui des naissances, du jamais vu depuis la grippe de 1918. Les Suissesses enfantent en moyenne 1,3 bébé et le nombre de celles en âge de procréer diminue. La population a enregistré une hausse de 0,3% en 1998? Certes, grâce aux naturalisations... Le Suisse, à l'instar du koala, est une espèce en voie de disparition. Et seul l'apport de sang neuf, venu de l'étranger, pourrait lui redonner la forme et assurer à son économie une main-d'uvre suffisante. Mais, comme le constate le Bernois Thomas Straubhaar, professeur d'économie à l'Université de Hambourg: «Les politiciens de droite et de gauche évitent ce débat, par peur d'effrayer leur électorat. Leur horizon va jusqu'aux prochaines élections.»

Alors que certains marchent sur des ufs, il s'est quand même trouvé un politicien pour mettre les pieds dans le plat. La semaine dernière, Jean-François Roth, ministre jurassien de l'Economie, présentait le projet «Pays ouvert». Son idée? Mettre tout en uvre pour que la population de son canton passe de 69 000 à 80 000 habitants en 2020. Moqueurs, ses détracteurs n'y ont vu qu'un «simple effet d'annonce en quadrichromie». Pensez, 2020! D'autres, en revanche, ont salué son courage. Pas facile, en effet, de tirer la sonnette d'alarme. La population jurassienne n'a progressé que de 4,1% entre 1979 et 1996, contre 11,6% pour celle de la Suisse. Le revenu cantonal est de 31% inférieur à la moyenne nationale. La croissance aussi est plus lente. Seul indicateur positif: les Jurassiennes font plus de bébés (1,58) que la moyenne des Suissesses. Malheureusement, une fois devenus grands, ceux-ci refusent de rester au pays.

Stopper l'hémorragie et s'ouvrir à d'autres populations, telle est la recette concoctée par le canton du Jura, avec le soutien de Frédéric Duvinage, de l'Institut bâlois Prognos, centre européen de recherche économique. Jean-François Roth souligne: «Nous devons d'abord faire le ménage chez nous et augmenter notre attractivité.» Conscient de toucher à un tabou, le Jurassien espère bien que l'ouverture et la mobilité prendront le pas sur le «réflexe hérisson» de la Suisse. Il déplore cependant: «Ce pays n'a tout simplement pas de politique d'immigration. Il a une politique d'asile et une politique de limitation. Cela ne me paraît pas être une perspective.»
Comme le souligne avec humour l'économiste genevois Yves Flückiger: «La Suisse est un pays d'immigration, qui s'est bâti grâce à elle, mais qui n'a jamais voulu se l'avouer.»

Ces déclarations mettent du baume au cur de Philippe Wanner, du Forum suisse pour l'étude des migrations. A 36 ans, ce démographe diplômé de l'Université de Louvain a parfois l'impression de prêcher dans le désert: «En Suisse, aucune étude ne s'est intéressée à l'apport démographique de la migration.» Grâce à lui, c'est chose faite. Philippe Wanner a radiographié notre passé: «Sans les étrangers arrivés depuis 1945, la Suisse compterait aujourd'hui 5,2 millions d'habitants, contre un peu plus de 7 dans la réalité.» Il s'est aussi penché sur notre avenir. L'an dernier, il a passé six mois à New York, aux Nations Unies, où il a effectué pour la Suisse les mêmes calculs prospectifs que l'ONU pour l'Europe. Ses conclusions sont inquiétantes: «Si nous continuons avec notre politique d'immigration actuelle, il y aura 500 000 actifs de moins en 2050 . Et pas besoin d'attendre cette date pour que notre pays manque d'actifs. Ce sera le cas dans cinq ans.» Reste plus qu'à prier que, d'ici là, on encourage le travail des femmes ou que la productivité augmente.

Quota d'étrangers

Philippe Wanner évoque une autre hypothèse: «Si on fermait nos frontières, la Suisse ne compterait plus que 5,5 millions d'habitants en 2050.» Absurde? Pas vraiment. Le 24 septembre, le peuple se prononcera sur l'initiative dite «Pour une réglementation de l'immigration». Son objectif? Fixer un quota d'étrangers à 18%. Luzi Stamm, conseiller national radical et membre du comité, admet qu'il n'est pas «idéal» de fixer un pourcentage. L'Argovien ne voit pas d'autre issue pour «forcer le Conseil fédéral à déterminer des limites». Son rêve: stabiliser le flux migratoire. Pas un étranger de plus, et tant mieux s'il y en a quelques-uns de moins. L'initiative ne prend pas en compte certaines catégories d'étrangers, par exemple les cadres et les scientifiques. Et à partir de combien de truelles un maçon fait-il partie des cadres?

Les milieux économiques s'alarment déjà, mais hésitent encore à investir, après les bilatérales, dans une nouvelle campagne. Et pourtant, dans certaines branches, la main-d'uvre fait déjà défaut. La division marché du travail du Département de justice et police a distribué 60% de permis B de plus que les six premiers mois de l'an dernier. Les partis aussi affûtent leurs arguments. Johannes Matyassy, secrétaire général du Parti radical, est inquiet: «Que va-t-il se passer quand les gens se rendront compte que nous avons 20% d'étrangers?» Lui aussi est convaincu qu'à long terme notre pays sera placé devant un choix simple: «Soit on élargit notre temps de travail, en repoussant par exemple l'âge de la retraite, soit on ouvre les frontières.»

Mais personne, pour l'instant, n'a vraiment envie de plancher sur une politique d'immigration. Trop délicat. Comme le souligne Pierre-Alain Gentil, conseiller aux Etats socialiste: «Difficile d'ouvrir ce dossier, car les gens l'assimilent à la politique d'asile. Et pourtant, nous aurons besoin des étrangers, et pas l'inverse.» Pour l'heure, il n'y a que les Jurassiens à avoir compris cette équation.

 

Back to top