Immigration
Les statistiques de l'INSEE prouvent que, depuis 25 ans la proportion d'immigrés diminue régulièrement au sein de la population régionale. Mais le taux de chômage y reste très élevé
Contre les idées reçues, contre les idéologies aussi sommaires que nocives, les statistiques témoignent : depuis vingt-cinq ans, la proportion d'immigrés ne cesse de décroitre en Provence-Alpes-Côte d'Azur. C'est l'un des nouveaux enseignements que le recensement de 1999 en région PACA permet aujourd'hui de mettre en évidence.
La part de l'immigration au sein de la population régionale, qui s'établissait à 12 % en 1975, n'est plus, en effet, que de 9,6 % actuellement. Elle représente 430 500 âmes.
Mais, au fait, qu'est-ce qu'un « immigré » ?
Statistiquement parlant, comme le rappelle Colette Pillet, chargée de mission à l'INSEE, il s'agit d'une personne « née étrangère à l'étranger ». Celle-ci peut avoir opté pour notre nationalité après plusieurs années de résidence en France (188 500 nouveaux arrivants en région PACA en ont ainsi décidé). Ou bien avoir préféré conserver sa nationalité d'origine (ils sont 242 000 dans ce cas).
Rappel d'évidence : un enfant né en France n'est, en aucun cas, un immigré.
Italiens et Algériens les plus nombreux
« Terre de passage », « terre
de brassage », cousine tout à la fois de l'Europe
du Sud et du Maghreb ultra-méditerranéen... C'est
une lapalissade : la côte provençale a derrière
elle une tradition d'accueil ancestrale.
Elle la conserve aujourd'hui encore. Puisque son taux d'immigration, quoiqu'en constante diminution, reste nettement supérieur à la moyenne nationale (7,4 %).
Mais les traditions sont faites pour évoluer.
Si nos concitoyens d'origine italienne - issus des successives « lames de fond » des années vingt, de la période fasciste, de l'après-guerre puis des années cinquante - sont toujours les plus nombreux (75 000 officiellement recensés en 1999), l'Histoire récente, elle aussi, peut lire son reflet dans les chiffres.
Les natifs d'Algérie sont désormais presque aussi fortement représentés (72 400, majoritairement dans les Bouches-du-Rhône) que les Transalpins, même si leur part dans l'ensemble de la population immigrée demeure stable depuis dix ans (17 %).
Derrière eux viennent, dans l'ordre, les migrants du Maroc (57 500), de la Tunisie (50 000) et de l'Espagne (33 000).
« Au total, résume Colette Pillet, ces cinq pays ont vu naitre les deux tiers des immigrés de notre région ». On notera toutefois que, passé l'exode massif de la guerre civile (1939), les Espagnols ont pratiquement cessé de s'installer en France depuis 1974 : conséquence du renouveau économique enregistré outre-Pyrénées.
Belgique, Allemagne, Royaume-Uni et autres partenaires de l'Union européenne fournissent, en complément, un contingent de 38 600 ressortissants. De même que les pays de l'Afrique sub-saharienne (26 200) et ceux de l'ancien Rideau de Fer (21 400, Pologne, ex-Yougoslavie notamment).
Petite particularité régionale : les Portugais, qui se placent au deuxième rang national, sont étonnamment peu représentés entre Rhône et Alpes.
Un taux de chômage qui reste élevé
Cet ensemble de population, toutes origines confondues, affiche
ses caractéristiques propres : un âge plus élevé
que la moyenne (deux immigrés sur trois ont plus de 40
ans) et une féminisation de plus en plus marquée
(dans la tranche d'âge des 20-40 et des plus de 70 ans,
les femmes sont aujourd'hui plus nombreuses que les hommes).
Le chômage, cependant, y sévit hélas avec une particulière virulence : femmes et jeunes en sont les principales victimes. Cet ostracisme sur le marché de l'emploi se traduit par un taux de chômage de 29,5 %... Soit douze énormes points de plus que la moyenne régionale.
Et cet écart, contrairement au simple taux de l'immigration, ne cesse, lui, de s'accroitre.
Un jeune paiera à l'Etat 200 000 francs de plus que ce qu'il en recevra. Un vieux obtiendra 300 000 francs de plus que ce qu'il aura donné.
C'est ce que révèle une étude commanditée par le ministre de l'Economie. Un déséquilibre inquiétant qui oblige ce radical de la tendance dure à utiliser des mots inattendus dans sa bouche, comme «développement durable» ou «contrat de génération». Jusqu'à présent, c'étaient les jeunes qui subventionnaient les vieux. Et si l'on renversait la tendance?
Début d'une polémique.
Par Ariane Dayer, Pierre-André Stauffer - Le 7 juin
2001
-Vous aviez déjà
choqué l'opinion publique en disant que les vieux étaient
plus riches que l'on croyait, vous recréez la polémique
aujourd'hui: ça vous amuse?
-Non, le but n'est pas de choquer. Il s'agit tout simplement de
réaliser l'objectif dit du «développement
durable». Le développement durable comporte un chapitre,
«l'économie durable», que l'on peut définir
comme la capacité à long terme d'une société
à maintenir et accroître son bien-être.
-Dans la bouche d'un radical
Bahnhofstrasse, il est assez piquant d'entendre des mots comme
«développement durable»...
-Il semble que vous rencontriez beaucoup plus souvent que moi
des radicaux Bahnhofstrasse. Ceux que je rencontre ne correspondent
généralement pas à la définition qu'on
en fait en Suisse romande. D'ailleurs, qu'ils soient Bahnhofstrasse
ou non, ils ont des enfants, ou des neveux, ou des gens proches,
qu'ils aiment, et ils ont tous envie que le monde soit vivable
dans trente ou quarante ans. Je vous rappelle que la préoccupation
pour l'environnement n'est pas née à gauche. Elle
a été longtemps considérée comme un
luxe que souhaitait s'offrir la classe dominante, qui en plus
de son bien-être matériel, voulait encore un environnement
préservé.
-Au Département de l'intérieur,
on dit: ne paniquons pas, nous allons nous en sortir. Vous, vous
dites: attention, il y a un problème.
-Mme Dreifuss dit, si je comprends bien: ne paniquons pas, on
va trouver des solutions. Elle a raison. Si différence
il y a, elle est entre ceux qui disent «c'est grave, parce
qu'on n'a pas encore la solution», et ceux, comme Mme Dreifuss
et moi qui disons: «Il y a problème, mais on va trouver
des solutions, par conséquent ne paniquons pas.»
Notre étude montre d'ailleurs que la Suisse est l'un des
pays riches qui a le moins de problèmes.
-Parce qu'on n'ose pas trop
dire que les vieux coûtent de plus en plus...
-Non, je ne crois pas. Tout le monde sait que les frais de santé
s'accroissent dans les douze ou vingt-quatre derniers mois de
la vie. On sait aussi qu'il y a un déplacement de la richesse
des plus jeunes vers les plus âgés....
-Mais vous êtes le seul
à vraiment oser le dire.
-C'est à vous à juger.
-Le contrat de génération
dont parle souvent Ruth Dreifuss, pour vous, c'est quoi? Du blabla
socialisant?
-Il signifie qu'aucune génération n'a le droit d'utiliser
les ressources de la planète à son seul profit.
Chacun doit se demander si ce qu'il est en train de faire peut
porter atteinte à la prospérité future, au
bien-être de la génération suivante. Le contrat
de génération, c'est simplement le bon sens. Et
le sens de la durée.
-Pour un libéral comme
vous, ce n'est pas un peu incongru?
-Un libéral voit et pense à long terme...
-... Pour un libéral,
chacun se débrouille, chacun est libre... Pas besoin que
les jeunes aident les vieux, pas besoin que l'on se conduise comme
dans une grande famille...
-Non, non, c'est une caricature du libéralisme que je ne
peux pas partager. Regardez ce qui s'est passé autour de
la question de l'environnement. Les systèmes socialistes
ont échoué, alors qu'ils étaient théoriquement
appelés à faire prévaloir l'intérêt
public sur les intérêts particuliers. Les systèmes
libéraux, eux, se sont plutôt bien débrouillés.
C'est la preuve qu'il y a chez eux les moyens de répondre
aux défis à long terme.
-Craignez-vous un conflit ouvert
des générations?
-Non, mais si on ne fait rien, arrivera le moment où des
décisions dures devront être prises, qui frapperont
tout le monde, générations jeunes et anciennes.
Si au contraire on agit, et si surtout on agit rapidement, on
évitera ce conflit, comme on a évité la lutte
des classes.
-Mais aujourd'hui, un jeune
de 26 ans qui voit les résultats de votre étude,
que va-t-il penser? Il ne peut que se révolter.
-Croyez-vous que l'on résoudra le problème si on
dit aux jeunes: nous savons un certain nombre de choses, mais
nous ne vous les dévoilerons pas, de peur que vous ne réagissiez
négativement. Nous léguons à la jeunesse
une société extraordinaire, avec un environnement
préservé, des conditions d'éducation bonnes,
un système politique sain capable de résoudre les
problèmes. Alors, mettons les problèmes sur la table!
Le jeune est capable de comprendre. D'ailleurs, s'il se révolte,
quel avantage aura-t-il? Le problème sera encore aggravé.
Cela dit, laissez quand même un petit carnet d'épargne
à vos enfants et à vos neveux.
-Quelque chose vous a surpris
dans cette étude?
-La base de 1% de taux de croissance. Cela signifie que si l'on
réussissait à entretenir une croissance de 1,5%
pendant vingt ans, une bonne partie de nos problèmes seraient
résolus. Mais comment faire pour que la croissance soit
plutôt de 1,5% que de 1%? On retombe là sur des problèmes
de politique économique: marché du travail flexible,
niveau de formation élevé, pas de salaire minimum.
Les règles du jeu, si vous voulez. Si on fait une mauvaise
politique économique, la croissance ne sera que de 1%,
peut-être moins, et dans ce cas-là, on devra prendre
des mesures beaucoup plus dures sur le plan fiscal, ou sur celui
des contributions sociales.
-Tout ça ne vous angoisse
pas trop?
-Non, parce que les problèmes ne sont pas si aigus qu'ils
justifient des conflits durs. Quand l'Union européenne
a un problème, elle le reconnaît et se prépare
à le résoudre, sans s'affoler. Les Suisses, eux,
ont un peu tendance à dire: ah, on a un problème
et il n'est pas encore résolu, c'est dramatique. Ce que
je souhaiterais, c'est que les Suisses disent: on a un problème,
on le reconnaît avant les autres et on commence à
le traiter avant les autres. C'est la meilleure manière
de le résoudre de manière douce. La Suisse n'est
pas en si mauvaise position, je l'ai déjà dit, grâce
en particulier au deuxième pilier.
-Mais à long terme,
le deuxième pilier est lui aussi affecté par le
vieillissement de la population.
-L'une des réponses possibles à cette difficulté
est la diversification des placements. Aujourd'hui, les caisses
de pension investissent même dans les actions internationales.
Parce qu'à l'échelle du globe, le problème
démographique n'est pas le même. Vous avez des régions
comme l'Asie, où ce n'est pas la force de travail qui manque,
ce sont les capitaux. Donc, si le deuxième pilier est suffisamment
ouvert, une partie de ses investissements, soit directement, soit
indirectement, se fera dans ces régions. Ces régions
attendent des capitaux et elles nous rendront les rendements au
moment où nous serons en difficulté sur le plan
démographique.
-On pourrait aussi favoriser
l'immigration?
-Je suis très surpris d'entendre toutes les forces progressistes
du monde tenir en gros ce discours: ne nous inquiétons
pas, nous allons favoriser l'immigration, celle des cerveaux en
particulier. Mais à mes yeux, c'est du pillage pur et simple,
du pillage de ressources humaines. Je ne comprends pas. Prélever
des minéraux ou des minerais dans des pays en développement,
ce serait du pillage, en tout cas la gauche le dénonce
comme tel, mais s'emparer des ressources humaines de ces mêmes
pays, ce serait légitime, parce que ça a un petit
côté tolérant, multiculturel. J'ai été
choqué par ceux qui voulaient ouvrir les frontières
à des milliers d'informaticiens indiens ou autres. Ces
informaticiens ont été formés par l'Inde,
à grands frais, et lorsqu'ils sont prêts, on leur
dit: les meilleurs d'entre vous, venez. Si on voulait être
altruiste, le minimum que l'on devrait faire serait de verser
une indemnité substantielle au pays qui les a formés.
-Au fond, vous nous dites qu'importer
de la main- d'uvre étrangère, c'est immoral.
-Non, je ne dis pas ça. Mais le recours systématique
à l'immigration pour résoudre nos problèmes
démographiques a quelque chose de douteux du point de vue
de la moralité.
-Un jour vous avez dit aux
Suisses que vous étiez favorable aux inégalités.
Avec le temps, vous semblez être devenu très moral...
-Mais j'ai toujours été très moral. J'ai
dit que j'étais favorable aux inégalités
au moment où je suis entré en fonctions. Je voulais
contribuer à recréer une atmosphère dynamique
dans laquelle les gens ne se diraient plus: comment empêcher
mon voisin de vivre mieux que moi, mais comment puis-je faire
pour vivre mieux et que l'Etat vive mieux grâce à
moi. Lorsque vous avez un système paralysé par des
équilibres trop bien contrôlés, il faut le
déstabiliser un peu.
-Jusqu'à présent,
c'étaient les jeunes qui subventionnaient les vieux, faudra-t-il
renverser la tendance?
-Le vieillissement démographique réduit le nombre
d'actifs par rapport à l'ensemble de la population. Donc,
le prélèvement sur les salaires fait porter le poids
du système sur un groupe qui a tendance à se restreindre,
alors qu'avec la TVA, on dispose d'une base et d'une assise larges.
Tout le monde la paie. Nul besoin de renverser agressivement la
tendance en disant: vous, vous allez payer et les autres vont
être déchargés. Choisissons simplement dans
certains cas d'augmenter la TVA au lieu d'accroître les
prélèvements sur les salaires. C'est ce qu'on est
en train de faire avec l'AVS.
-Idéalement, quelle
serait la politique à suivre?
-Nous avons plusieurs options possibles. Tout d'abord, réduire
l'endettement de l'Etat. Ensuite, augmenter les charges sur l'ensemble
de la population, ce qu'on est en train de faire un peu à
travers la 11e révision de l'AVS. La solution alternative
serait d'accroître seulement les charges des générations
qui vont naître, ce qui me paraît injuste. On pourrait
aussi réduire les prestations sociales. Mais quelle que
soit la solution, elle devra être négociée
entre tous les partenaires sociaux, entre toutes les forces politiques...
-Est-ce possible, quand on
dirige un pays, de dire aux gens: faites des bébés?
-On le dit, mais ils n'écoutent pas tous. Personnellement,
j'ai toujours pensé que l'Etat devait avoir une attitude
positive à l'égard de la natalité. Quand
le patronat suisse dit qu'il faut aménager des crèches,
il va dans le même sens que moi, mais nous savons tous qu'une
aide sociale limitée et une augmentation du nombre de crèches
il n'y en aura jamais assez ne suffisent pas à
influencer de manière décisive le choix d'avoir
ou non des enfants. C'est un choix personnel. Les gens décident
eux-mêmes. Et on n'a pas le droit de porter un jugement
moral sur ce choix.
-Vous, personnellement, vous
serez vieux quand?
-Le plus tard possible.
-Vous admettez de vieillir?
-Oui, oui.
-Vous vous imaginez comment
à 70 ans?
-Pas très différent de ce que je suis maintenant.
J'ai la chance d'avoir une épouse qui voit la vieillesse
de manière positive. Moi, j'ai quand même tendance
à penser que c'est la privation successive de différentes
facultés. J'espère l'écouter davantage.
Ces vieux qui ruinent les jeunes
Si vous avez 26 ans, vous devrez payer en impôts et autres contributions 203 000 francs de plus que ce que vous toucherez de l'Etat et des assurances sociales jusqu'à la fin de votre vie. Si vous avez 65 ans, vous toucherez au contraire 300 000 francs de plus que ce que vous avez payé et vous apprêtez encore à payer. Ces chiffres spectaculaires et pour le moins inquiétants figurent dans le premier bilan intergénérationnel établi en Suisse. Dû à l'initiative du Département de l'économie, le bilan intergénérationnel dégage les dettes réelles (comptables et cachées) qu'une génération lègue aux suivantes. Autrement dit, il commence là où s'arrêtent clôtures et bilans annuels des différentes administrations et uvres sociales. Aux dettes de la comptabilité publique traditionnelle s'ajoutent celles des systèmes de financement basés sur le principe de répartition (AVS) ainsi que les impôts et les charges qui viennent d'être décidés, mais ne seront effectifs qu'ultérieurement. Calculé sur la base de l'année 1997, le bilan intergénérationnel montre que l'endettement, évalué aujourd'hui à 36% du produit intérieur brut, s'élève en réalité à 75%, soit plus du double des chiffres officiels.
Pour combler ce déficit, toutes les générations nées après 1997 devront payer, au cours de leur vie, quelque 66 000 francs de plus en impôts et taxes diverses que la génération 97. Ce chiffre peut être corrigé si l'on change de politique. Un changement qui a déjà commencé.
Inaugurée aux Etats-Unis
et déjà pratiquée aux Pays-Bas et en Norvège,
la technique du bilan intergénérationnel fournit
les données nécessaires à la conduite d'une
politique sociale et budgétaire «durable».
Un impératif catégorique si l'on veut accroître
ou tout simplement maintenir le niveau de vie des générations
futures.