Banlieue
Les autorités françaises tentent de se mobiliser face à une forte recrudescence de la violence, préoccupante à quelques mois des élections présidentielle et législatives, et illustrée par un triple meurtre commis en plein jour à Paris.
Les ministres socialistes de l'Intérieur Daniel Vaillant et de la Justice Marylise Lebranchu ont réuni jeudi à Paris les quelque 400 préfets et procureurs de toute la France, pour la première fois de l'histoire de la 5e République fondée en 1958 par le général de Gaulle.
Les préfets, représentants de l'Etat à compétence interministérielle, et les procureurs, sont appelés à dépasser leurs divergences et à coordonner leur action au service de «la lutte contre toutes les formes de violence » ainsi que «les trafics locaux et la délinquance organisée ».
M. Vaillant et Mme Lebranchu ont multiplié les interventions dans la presse écrite et audiovisuelle pour défendre la performance du gouvernement du socialiste Lionel Jospin, accusé par le président conservateur Jacques Chirac de manquer de «volonté politique » en matière de lutte contre la délinquance.
«Il ne faut pas faire de l'insécurité un fond de commerce électoral », ont-ils averti de concert, alors que les chiffres officiels font état d'une hausse de près de 10% de la délinquance depuis le début de l'année, voire plus de 60% dans certaines banlieues sensibles de Paris.
Ironie du sort, cette flambée a été illustrée la veille même de la réunion par un triple meutre commis en plein jour à Paris, dans le XVIIIe arrondissement, bastion de M. Vaillant qui en fut le maire.
Apparemment perpétré par un déséquilibré, Abdelkrim K., un Français de 38 ans, ce crime ne s'en inscrit pas moins dans la spirale de criminalité, de plus en plus juvénile et violente, qui explose en région parisienne, avec des braquages quasi quotidiens, parfois meurtriers.
Ces crimes sont facilités par un trafic d'armes de guerre provenant d'Europe de l'Est, alimenté par les mafias des Balkans, à des prix qui les rendent accessibles aux petits délinquants: moins de 150 euros pour une Kalachnikov AK47.
Un véritable arsenal a ainsi été saisi au début du mois à Béziers, dans le sud de la France, après qu'un jeune homme, armé d'un lance-roquette et d'un fusil d'assaut, eut tué un reponsable local. Des découvertes semblables ont été faites fortuitement en banlieue de Lyon (centre-est).
Mercredi, un fusil d'assaut kalachnikov ainsi que des munitions ont été saisis à Nanterre, la cinquième grosse prise réalisée depuis quatre mois dans cette banlieue sensible de Paris.
Selon le ministère de l'Intérieur, en 2000, «près de 8.500 armes à feu, dont 26 lance-roquettes et une cinquantaine de fusils d'assaut de type Kalachnikov » ont été saisis en France.
M. Vaillant a appelé les partenaires de Schengen à renforcer la vigilance aux frontières extérieures de la communauté.
Les policiers, débordés et démunis, s'en prennent à la justice.
Mercredi, deux syndicats d'officiers de police ont dénoncé la «lourdeur du nouveau formalisme procédural » de la loi sur la présomption d'innocence, en vigueur depuis le 1er janvier, accusée de «généraliser l'impunité, terreau de l'insécurité ».
Face à l'ampleur du problème, plusieurs voix mettent en doute l'efficacité de la réunion hautement médiatisée de jeudi.
Le président du Mouvement des citoyens (MDC), Georges Sarre, pourtant membre de la majorité, a estimé qu'elle «relevait uniquement de la communication » alors que pour le quotidien conservateur Le Figaro «le gouvernement palabre ». Libération (gauche) souligne que, procédant de «trop profonds dysfonctionnements», le phénomène ne saurait «être jugulé en quelques mois ».