Banlieue

HEIGHT="53">ÇAux Minguettes, la ÇrouilleÈ et la rageÈ, L'Hebdo, 16 aožt 2001 Le plan anti-violence du ministre franais de l'Education nationale Nombreuses infos et rŽfŽrences sur le thme "Ville et violence" (ministre franais de l'Žquipement et du logement) Dossier "Violence", sur le site du GRAAP (groupe romand d'accueil et d'action psychiatrique) ÇViolences urbainesÈ, sur le site de la revue Culture et Conflits, dossier, 1992 Les autoritŽs franaises en qute de parade ˆ la montŽe de l'insŽcuritŽ AFP - Mis en ligne leÊ06/09/2001 -Ê-Ê-Ê-Ê-Ê-Ê-Ê-Ê-Ê-Ê-Ê Les autoritŽs franaises tentent de se mobiliser face ˆ une forte recrudescence de la violence, prŽoccupante ˆ quelques mois des Žlections prŽsidentielle et lŽgislatives, et illustrŽe par un triple meurtre commis en plein jour ˆ Paris. Les ministres socialistes de l'IntŽrieur Daniel Vaillant et de la Justice Marylise Lebranchu ont rŽuni jeudi ˆ Paris les quelque 400 prŽfets et procureurs de toute la France, pour la premire fois de l'histoire de la 5e RŽpublique fondŽe en 1958 par le gŽnŽral de Gaulle. Les prŽfets, reprŽsentants de l'Etat ˆ compŽtence interministŽrielle, et les procureurs, sont appelŽs ˆ dŽpasser leurs divergences et ˆ coordonner leur action au service de Çla lutte contre toutes les formes de violence È ainsi que Çles trafics locaux et la dŽlinquance organisŽe È. M. Vaillant et Mme Lebranchu ont multipliŽ les interventions dans la presse Žcrite et audiovisuelle pour dŽfendre la performance du gouvernement du socialiste Lionel Jospin, accusŽ par le prŽsident conservateur Jacques Chirac de manquer de ÇvolontŽ politique È en matire de lutte contre la dŽlinquance. ÇIl ne faut pas faire de l'insŽcuritŽ un fond de commerce Žlectoral È, ont-ils averti de concert, alors que les chiffres officiels font Žtat d'une hausse de prs de 10% de la dŽlinquance depuis le dŽbut de l'annŽe, voire plus de 60% dans certaines banlieues sensibles de Paris. Ironie du sort, cette flambŽe a ŽtŽ illustrŽe la veille mme de la rŽunion par un triple meutre commis en plein jour ˆ Paris, dans le XVIIIe arrondissement, bastion de M. Vaillant qui en fut le maire. Apparemment perpŽtrŽ par un dŽsŽquilibrŽ, Abdelkrim K., un Franais de 38 ans, ce crime ne s'en inscrit pas moins dans la spirale de criminalitŽ, de plus en plus juvŽnile et violente, qui explose en rŽgion parisienne, avec des braquages quasi quotidiens, parfois meurtriers. Ces crimes sont facilitŽs par un trafic d'armes de guerre provenant d'Europe de l'Est, alimentŽ par les mafias des Balkans, ˆ des prix qui les rendent accessibles aux petits dŽlinquants: moins de 150 euros pour une Kalachnikov AK47. Un vŽritable arsenal a ainsi ŽtŽ saisi au dŽbut du mois ˆ BŽziers, dans le sud de la France, aprs qu'un jeune homme, armŽ d'un lance-roquette et d'un fusil d'assaut, eut tuŽ un reponsable local. Des dŽcouvertes semblables ont ŽtŽ faites fortuitement en banlieue de Lyon (centre-est). Mercredi, un fusil d'assaut kalachnikov ainsi que des munitions ont ŽtŽ saisis ˆ Nanterre, la cinquime grosse prise rŽalisŽe depuis quatre mois dans cette banlieue sensible de Paris. Selon le ministre de l'IntŽrieur, en 2000, Çprs de 8.500 armes ˆ feu, dont 26 lance-roquettes et une cinquantaine de fusils d'assaut de type Kalachnikov È ont ŽtŽ saisis en France. M. Vaillant a appelŽ les partenaires de Schengen ˆ renforcer la vigilance aux frontires extŽrieures de la communautŽ. Les policiers, dŽbordŽs et dŽmunis, s'en prennent ˆ la justice. Mercredi, deux syndicats d'officiers de police ont dŽnoncŽ la Çlourdeur du nouveau formalisme procŽdural È de la loi sur la prŽsomption d'innocence, en vigueur depuis le 1er janvier, accusŽe de ÇgŽnŽraliser l'impunitŽ, terreau de l'insŽcuritŽ È. Face ˆ l'ampleur du problme, plusieurs voix mettent en doute l'efficacitŽ de la rŽunion hautement mŽdiatisŽe de jeudi. Le prŽsident du Mouvement des citoyens (MDC), Georges Sarre, pourtant membre de la majoritŽ, a estimŽ qu'elle Çrelevait uniquement de la communication È alors que pour le quotidien conservateur Le Figaro Çle gouvernement palabre È. LibŽration (gauche) souligne que, procŽdant de Çtrop profonds dysfonctionnements È, le phŽnomne ne saurait Çtre jugulŽ en quelques mois È. Back to French texts page Jeunesse page

Jeunes et violences
Je casse donc je suis


Photo: Lesage / le parisien / max ppp

Pour les sociologues des cités, la violence, seul moyen de se faire une place, prend des formes nouvelles. Désespérées et autodestructrices.

Les législations européennes


Par Michel Audétat et Agathe Duparc
Le 23 août 2001
Il y eut les voyous parisiens surnommés les «apaches». Il y eut les «mods» anglais qui prisaient la castagne. Il y eut les «blousons noirs» des années 60, les «loubards» des années 70, les «zoulous» des années 80... Et pour le millénaire qui débute? Quel visage retiendra-t-on pour caractériser les formes nouvelles de l'insécurité? La violence des jeunes issus de milieux défavorisés n'est pas un phénomène inédit: désoeuvrés en quête d'un mauvais coup, bandes errantes ou brusques éruptions de rage collective, on connaît ça depuis longtemps. Mais on a beau être familier de cette histoire qui se répète, paraît bégayer, cette violence n'est pas pour nous un problème comme les autres. Elle nous hante car elle touche le fondement même de nos sociétés, ce qui les cimente: le lien social qu'on redoute de voir tout à coup se défaire.

C'est pourquoi le domaine de l'insécurité est propice au fantasme. L'évocation de «zones grises», qui échapperaient au droit, fait naître une curiosité mêlée d'effroi. On lâche la bride à l'imagination. Et on finit par se représenter les banlieues comme les campements des nouveaux Barbares assiégeant les villes... Tous les sociologues qui étudient les violences urbaines commencent par le même avertissement: il faut distinguer la violence objective et celle que les gens éprouvent subjectivement, les faits réels et les représentations qu'une société s'en fait.

Cet écart est parfois déroutant. Chargé de mission au Forum européen pour la sécurité urbaine, Jean-Paul Buffat évoque ainsi la curieuse «anesthésie sociale» que des enquêtes ont mise en évidence chez les populations les plus exposées à la violence: «Il y a des villes qui connaissent une situation dure, des incivilités très nombreuses, mais où les gens se plaignent moins que dans d'autres lieux beaucoup plus paisibles. Le rapport entre le sentiment d'insécurité et la réalité peut être paradoxal.» Sociologue au CNRS et grand chasseur de fantasmes sécuritaires, Laurent Mucchielli souligne pour sa part qu'il faut manipuler les chiffres avec prudence: «En France, la montée apparente de la violence dans les statistiques indique surtout que la répression est devenue plus sévère.» Selon lui, il n'y aurait d'ailleurs pas grand-chose de neuf sous le soleil des cités: «Les années 90 n'ont pas été marquées par des changements majeurs. On a plutôt connu un durcissement de problèmes classiques et une volonté de les traiter autrement.»

Continuité ou changement? Là-dessus, les avis divergent. Bon connaisseur des banlieues ouest de Paris, en particulier de Mantes-la-Jolie, le sociologue Hugues Lagrange situe un tournant en 1998: «On a connu cette année-là une baisse importante du chômage qui, si on regarde dans le détail, ne concerne pas les jeunes sans qualification.» Le fossé se creuse alors entre les quartiers cumulant les problèmes socio-économiques et le reste du territoire. L'opposition des «exclus» et des «inclus» apparaît définitivement insurmontable. La vie des cités se retrouve plus plombée que jamais. Le sentiment d'abandon se renforce. Et les violences urbaines changent de nature.

«Les trois cents jeunes qui se sont affrontés au quartier de La Défense, en janvier dernier, n'ont commis aucun pillage, poursuit Hugues Lagrange. Ils ne s'en sont pris ni aux passants ni aux CRS. C'est un événement qui illustre surtout l'essor des violences entre jeunes. Il montre leur extrême difficulté à trouver un autre mode de valorisation.» Traditionnellement, les jeunes des cités avaient tendance à prendre pour cible ceux qui, policiers ou pompiers, symbolisent les institutions d'une société ne leur concédant aucune place. Désormais leur violence est aussi tournée contre eux-mêmes, implosive, autodestructrice.

Garçons contre filles

D'où la brutalité croissante qui caractérise en particulier les rapports entre filles et garçons des cités en déshérence. Un néologisme a envahi la presse ces temps-ci: les «tournantes». Il désigne les viols collectifs auxquels se livrent parfois des jeunes de 13 ou 14 ans. «On ne peut pas dire que ce soit l'âge de la frustration sexuelle», souligne Hugues Lagrange qui voit là «l'indice de l'impossibilité où se trouvent les garçons à établir des relations d'égalité avec les filles». Dans ses études sur les adolescents, le sociologue a constaté le dépérissement progressif de «l'espace du flirt», cette période séparant le premier baiser des premiers rapports génitaux. Désormais, tout se passe pour ces jeunes comme s'il n'y avait plus de vocabulaire pour traduire leurs émotions. Comme s'ils en étaient réduits à ne plus pouvoir parler autre chose que la langue de la force et de la violence.

Hugues Lagrange évoque ainsi une véritable crise de la masculinité dans les banlieues difficiles à laquelle contribuent aussi les mutations de l'activité professionnelle: «Comment définir mon identité d'homme dans une société où la part des travaux manuels a diminué? Un écran d'ordinateur est asexué et cela met en cause les garçons plus que les filles: ils connaissent de plus grandes difficultés à se construire une identité sexuée.» Le face-à-face des sexes devient alors tendu, brutal. Derrière les affirmations exacerbées de la virilité, cette manière de diviser l'univers féminin en «salopes» et «intouchables», se dissimulerait en réalité un profond désarroi face à des filles affirmant surtout vouloir trouver un homme capable de les sortir d'une cité assimilée à un ghetto. La tentation de la violence exprimerait l'impuissance, la rage et la rancoeur de ceux qui s'y sentent enfermés. Condamnés à perpète.

«Les filles s'en sortent mieux alors qu'on les présente souvent comme des victimes», confirme la psychosociologue Joëlle Bordet. La plupart des statistiques montrent en effet qu'elles savent mieux profiter de l'école. Or la réussite scolaire pèse d'un poids décisif: elle donne accès à des lycées situés hors les murs de la cité; elle permet de fréquenter d'autres quartiers, d'autres milieux sociaux, et fait miroiter la possibilité d'une issue.

Joëlle Bordet a également observé le durcissement du rapport entre les sexes à l'intérieur des groupes de jeunes qui squattent les halls d'immeubles ou «tiennent les murs» faute de travail. Auparavant mixtes, ils ont eu tendance à se masculiniser et la figure du leader a changé: «Avant les années 80, la personnalité dominante était un leader héroïque, fort physiquement et capable de faire des coups. Aujourd'hui, le nouveau leader est le leader-patron qui amène l'argent dans la cité grâce au trafic de la drogue.» Son développement a changé le visage de la délinquance: «Il existe désormais des enjeux de socialisation dans l'usage de la violence. Il s'agit de se bagarrer pour occuper une bonne place dans la cité. Il faut être capable de créer un rapport de force avec le flic ou le commerçant. Ou être un bon guetteur car cela rapporte de l'argent.» Drogue et violence sont ainsi de plus en plus étroitement liées dans une association infernale dont on connaît les manifestations: vols et agressions des toxicomanes en manque, règlements de comptes plus ou moins mafieux...

Tout plus tôt

Autant dire que la violence des jeunes n'est pas gratuite mais fonctionnelle: elle offre un statut, une place dans la collectivité. Est-il alors vrai, comme l'affirment de nombreux éducateurs, travailleurs sociaux ou policiers engagés sur le terrain, que cette socialisation délinquante touche des populations de plus en plus jeunes? Les sociologues abordent la question avec précaution: ils estiment la chose «probable» ou «plausible», mais précisent que les statistiques ne permettent pas toujours de le démontrer. Laurent Mucchielli y verrait surtout l'expression d'un phénomène plus large: «Les jeunes fument plus tôt, ont des rapports sexuels plus tôt, font tout plus tôt. D'une manière générale, les enfants sont de moins en moins des enfants.»

La même prudence accueille les scénarios selon lesquels, en Europe occidentale, les bandes de jeunes seraient en train de se transformer en gangs sur le modèle américain. On souligne que ces groupes demeurent pour l'instant peu organisés. Qu'il s'agirait de regroupements encore largement informels, plutôt volatils, que ne structure pas un véritable projet délinquant. Auteur d'un livre sur la question, le sociologue Michel Fize rappelle que «la bande fait partie de la culture adolescente. Elle est de tous les temps et de tous les lieux. Et le regroupement devient pour ainsi dire naturel dans nos sociétés en panne de lien social où le passage d'une génération à l'autre ne se fait plus de manière collective mais individuelle.» Reste qu'on ne voit pas très bien où conduit ce passage dans les cités où vivent les plus défavorisés. Les rites de la bande ne débouchent ici sur rien. Ce sont des impasses.

De la ville à la campagne

En revanche, on observe depuis trois ou quatre ans un phénomène nouveau: la violence des cités change de terrain et déborde désormais sur les campagnes. Autour de Paris, les populations rurales ont brusquement été confrontées à une délinquance qu'elles n'ont pas vue venir: vols, vandalisme, voitures volées et incendiées au milieu des champs après avoir servi à un «rodéo»... Au Forum européen pour la sécurité urbaine, on avance des chiffres officieux sur l'augmentation des délits en France pour les six premiers mois de l'année 2001: 10% d'augmentation dont une forte proportion dans les zones rurales où la police semble aussi avoir perfectionné ses méthodes de traque.

Mais soyons justes avec les banlieues: elles n'ont pas le monopole de la violence en Europe. Les stades le lui disputent, et l'ethnologue britannique Bill Buford a montré, dans un livre publié il y a quelques années, que les hooligans gorgés de bière appartiennent dans leur majorité à une jeunesse qui n'est pas plus marginale que désoeuvrée.

Les législations européennes

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Age de la responsabilité pénale Mesures éducatives et disciplinaires Peine d'emprisonnement

Allemagne 18 ans, abaissé à 14 ans selon la maturité du délinquant. Obligation de suivre une formation; interdiction de fréquenter certaines personnes et lieux; réparation à la victime des dommages causés; détention dans un établissement spécialisé (maximum 4 semaines). Pour les plus de 16 ans: en principe de six mois à cinq ans et dans des prisons pour mineurs.En outre, les juges peuvent prononcer une dispense de peine.

Grande-Bretagne Rabaissé en 1998 à l'âge de 10 ans. Travaux d'utilité publique ou réparation directe à la victime; couvre-feu; pose d'un bracelet électronique; obligation de résidence pour les moins de 16 ans. A partir de 12 ans, système de détention (de 4 à 24 mois) dans des centres spéciaux (formation obligatoire et période de liberté surveillée). Dès 15 ans, établissements pour mineurs ou unités séparées dans des prisons pour adultes.

France 18 ans, abaissé à 13 ans selon les circonstances et la personnalité du délinquant. Protection judiciaire, placement dans une institution d'éducation ou de formation professionnelle ou un internat; les moins de 13 ans sont remis au service de l'assistance à l'enfance; aide ou réparation au profit de la victime; pour les 16-18 ans possibilité de travaux d'intérêt général. A partir de 13 ans. La moitié de la peine encourue par un majeur pour les mêmes infractions, sauf en cas d'extrême gravité pour les plus de 16 ans.

Italie 18 ans, abaissé à 14 ans selon la maturité du délinquant. Liberté contrôlée en substitution d'une peine de prison de moins de deux ans. Possibilité de suspension du procès: le délinquant peut ainsi réparer les conséquences de ses actes. «Pardon judiciaire» pour des peines de prison légères. Sinon, mêmes sanctions que les adultes, sous une forme atténuée (perpétuité n'excédant pas 24 ans).

Suisse 7 ans. Un projet de loi propose de relever cet âge à 10 ans. Pas de sanction pénale pour les 7-15 ans, mais placement familial éventuel ou dans une maison d'éducation, réprimandes sous forme de travail obligatoire ou arrêt scolaire de six jours. Pour les 15-18 ans, peuvent s'y ajouter une obligation de réparation et de formation professionnelle et un placement en maison de rééducation. De un jour à un an pour les 15-18 ans.