Mcdonalds
Par Pierre Nebel - le 15 mars 2001
-Urs Hammer, vous avez déclaré
que l'inauguration de vos deux «Golden arch hotel»
était la réalisation d'un rêve de jeunesse.
Franchement, lancer une chaîne hôtelière pour
une multinationale comme McDonald's, c'est vraiment ce que vous
espériez faire à 20 ans?
-Dans ma carrière, je n'avais jamais eu l'occasion de gérer
un hôtel et aujourd'hui, c'est effectivement un rêve
de pouvoir le faire. Bien sûr, ce rêve a un peu changé.
A la sortie de l'école de Lausanne tout le monde se voit
déjà patron d'un cinq étoiles! Mais aujourd'hui,
avec trente ans d'expérience, je suis devenu un peu plus
sage. Je sais que le plus important est de lancer un produit pour
lequel il existe véritablement un marché.
-Dans les chambres, on trouve
un gigantesque «M» de McDonald's stylisé au-dessus
du lit. Pourquoi avoir tellement souligné l'appartenance
au groupe?
-En fait nous avons même pensé en faire davantage.
Par rapport à certains projets d'origine nous avons déjà
beaucoup retranché. Je sais que cela ne plaira pas à
tout le monde mais je suis sûr que l'essentiel de la clientèle
suivra.
-L'image de McDonald's auprès
du public est celle d'un restaurant bon marché. Comment
allez-vous convaincre les gens que vos hôtels ne sentiront
pas la frite froide?
-Je peux comprendre la question. A première vue, cette
association -restaurant et hôtel peut sembler étrange.
Chez McDonald's, nous n'avons jamais prétendu avoir des
étoiles ou des toques dans un guide de voyage. Par contre,
nous pouvons garantir que nous appliquerons nos principes de base
habituels: qualité, propreté, service et bon rapport
qualité-prix. Nous ajouterons à cela une touche
suisse en soignant l'accueil et l'hospitalité.
-Une nuit dans vos hôtels
(classés 4 étoiles) coûtera quand même
entre 150 et 190 francs. Avez-vous pensé à vous
attaquer à un segment de prix inférieur, par exemple
les deux étoiles?
On s'est posé la question durant les préparatifs.
En fonction du succès et du potentiel de développement,
il est possible qu'on le fasse. On ne sait jamais. Si les clients
le demandent, pourquoi pas.
-Pourquoi construire ces hôtels
en banlieue?
-Cela fait partie de notre stratégie. On a décidé
d'être près des autoroutes ou des aéroports.
Comme chaque hôtel comportera un restaurant McDonald's et
un drive-in, le choix des emplacements est de toute façon
limité aux endroits où il y a de la place. De plus,
il serait quasi impossible de conserver des prix attractifs au
centre ville.
-A la base, la recette McDonald's
est typiquement américaine. Si ce concept devait être
étendu au reste du monde, allez-vous ajouter une touche
plus typiquement helvétique?
-Nous n'allons sûrement pas réexporter un produit
purement -américain. Nous avons en Suisse une grande expérience
dans le domaine hôtelier et gastronomique. Grâce à
cela je pense que nous serons capables de produire un concept
de qualité, standard et susceptible de traverser les frontières
de langues et de cultures. Encore faut-il que mes partenaires
me donne le O.K. pour transmettre cet héritage à
l'étranger.
-Allez-vous étendre
la formule à l'avenir? On parle de dix hôtels en
projet en Suisse.
-Non, non. Je n'ai jamais parlé de dix hôtels. Nous
allons d'abord nous concentrer sur Zurich et Lully et monter que
nous savons les gérer. Mais il est vrai que je vois un
potentiel en Suisse pour ce secteur d'activité. Le tourisme
est vraiment un marché de croissance. Et l'offre ne répond
pas suffisamment à la diversité de la demande.
-A côté des «Golden
arch hotel», les restaurants McDonald's forment encore l'essentiel
du chiffre d'affaires de votre société. Avez-vous
observé une baisse de la fréquentation de vos établissements
depuis le début de la crise de la vache folle?
-Il est clair que toute cette hystérie nous a touchés.
Même si c'est dans une proportion moindre que ce qu'a subi
le marché de la viande de buf en général.
En fait, le nombre de clients n'a presque pas baissé, mais
leur choix se reporte vers d'autres produits comme le poulet,
les salades ou les hamburgers végétariens Le problème
c'est que ce sont souvent des produits moins chers, ce qui a un
certain effet sur le tiroir-caisse.
-Votre campagne vantant votre
viande «testée contre l'ESB» a été
dénoncée par l'office vétérinaire
fédéral. Quelle est votre stratégie aujourd'hui
pour rétablir la confiance des consommateurs?
-Nous voulons surtout rappeler notre message N°1: la sécurité
et la qualité. Il faut se rappeler que nous avons le contrôle
sur toute la chaîne de production et que nous n'utilisons
que de la viande des muscles sans aucun ajout. Depuis 1995, nous
avons par ailleurs un comité scientifique qui nous conseille
sur la manière dont nous -pouvons faire face à ce
problème.
-Existe-t-il des directives
venant de tout en haut en Amérique pour vous dire comment
réagir à cette crise?
-Non. La décentralisation est une des forces du système
McDonald's. En Suisse, nous assumons notre responsabilité
et personne ne nous dit de favoriser tel sandwich par rapport
à un autre. Par contre il y a une stratégie globale
par rapport à la qualité, à la traçabilité,
au respect des normes, etc.
-Dans le monde du fast-food,
il existe aujourd'hui une certaine psychose. Entre vache folle,
combat contre la malbouffe et lutte anti-mondialisation, votre
image en a pris un coup, non?
-Cela me fâche toujours quand on nous fait ce genre de critiques.
Nous n'utilisons que le meilleur lait, la meilleure viande, les
meilleures salades possibles. Avec ce genre de matière
première, nos sandwiches ne sont certainement pas de la
malbouffe. Je ne comprends pas non plus les accusations de mondialisation.
C'est justement le contraire. Nous avons un système, une
manière de procéder, d'accord. Mais nous restons
toujours très local! La part de marché de McDonald's
dans la restauration mondiale est inférieure à 0,5%:
ce n'est pas avec ça que nous allons uniformiser les goûts.
-Et pourtant on vous accuse
d'être les fossoyeurs du terroir?
-C'est faux. Nous ne voulons pas abolir la tradition d'un pays.
Je suis par exemple un excellent client de cuisine locale et gastronomique.
McDonald's fournit simplement une alternative, un complément
à ce qui existe. Je pense que contrairement à ce
qu'affirment certains, le respect des traditions locales se renforce
malgré la mondialisation.
-Mais vous imposez quand même
un modèle standardisé à toute la planète?
-Mais nous n'imposons pas! Nous n'aurions pas pu construire entre
10 et 15 restaurants McDonald's en Suisse par année s'il
n'y avait pas des gens pour venir chez nous. Le consommateur est
absolument libre et capable de faire un choix.
-En dépit de votre très
grand succès auprès du public, vous êtes régulièrement
pris comme le bouc émissaire de tous les maux de la mondialisation.
Par exemple lors de la destruction du McDonald's de Davos. Comment
expliquez-vous la relation amour-haine que les gens entretiennent
avec votre société?
Là où il y a du succès, il y a aussi de la
critique. Et quand vous êtes leader, vous devez vivre avec
cela. Pour Davos, je me suis rendu moi-même sur place lors
des manifestations. Etonnamment, j'ai vu des gens manger chez
nous et qui, trois heures après, ont rejoint les manifestants.
Sans penser plus loin et sans aller à la base du problème!
Mais je comprends qu'ils se soient attaqués à nous.
Dans ce village de montagne, il est difficile de trouver un symbole
aussi visible que nous.