80 ans PCF


80ème anniversaire du PCF : TROIS QUESTIONS à Robert Hue

PARIS, 6 déc (AFP) - TROIS QUESTIONS A Robert Hue, secrétaire national du PCF et député maire de Montigny-lès-Cormeilles (Val d'Oise), à l'occasion du 80ème anniversaire du PCF :

Q - Que reste-t-il de l'esprit du Congrès de Tours qui a marqué la séparation entre socialistes et communistes ? aujourd'hui les mêmes gouvernent ensemble et vous avez engagé une mutation du PCF qui, à bien des égards, vous éloigne des choix de 1920

R - A Tours, les socialistes et les communistes se sont séparés sur l'impératif de radicalité. Les premiers ne récusent pas le système capitaliste et ne se proposent que de l'aménager; les seconds veulent y mettre un terme et lui substituer une autre organisation de la société.

Cette différence fondamentale entre PS et PC demeure. Mais il est vrai que, pour notre part, nous avons sensiblement évolué depuis 1920 et tout particulièrement ces dernières années avec l'effort de mutation engagé par les communistes. Le choix fondateur de Tours reste d'actualité, mais évidemment nous aurons tiré les leçons de 80 ans d'existence et de l'échec de l'expérience à l'Est. Et surtout, nous nous tournons vers l'avenir et les fantastiques défis qu'il nous faut relever.

Q - Quelle est l'utilité de la participation communiste à la majorité et au gouvernement Jospin ?

R - Des milliers de femmes et d'hommes contestent, et souvent rejettent, le capitalisme et le libéralisme, ce nom plus policé par lequel on le désigne depuis quelques années. En raison de ses choix, le PS n'est pas en mesure de représenter leur sensibilité. C'est le PCF qui incarne dans la société l'exigence de radicalité.

Au gouvernement, nous ne cherchons pas seulement, même s'il est utile de le faire, à infléchir à gauche la politique initiée par le parti dominant. Nous voulons faire vivre et fortifier l'exigence de choix en rupture avec les dogmes capitalistes.

Pour nous, le temps politique ne se découpe pas "en tranches". Il n'y a pas le temps de la gestion réaliste des affaires, et le temps de la contestation. C'est pourquoi, et c'est l'originalité des communistes, notre stratégie vise à développer l'activité communiste partout: dans le mouvement social et, inséparablement, dans les institutions, jusqu'au gouvernement de la France.

Q - Dans la France d'aujourd'hui, le PCF a-t-il encore une place et un avenir ou doit-il, à terme, se fondre dans le PS ?

R - Nous sommes le Parti communiste, c'est-à-dire une formation politique originale, et indispensable à la société française. Les questions que nous posons, la façon dont nous les abordons, notre visée communiste: tout cela touche directement à la conception même de l'organisation de la société et à l'avenir de la civilisation humaine. Nous ne prétendons pas avoir le monopole de ces préoccupations, ni des solutions à inventer pour relever ces défis. Mais nous sommes le seul parti politique organisé dans ce but. Et donc le Parti communiste n'est pas «soluble» dans la social-démocratie.


30 novembre 2000 - Allocution de Robert Hue

Meeting Paris - Gymnase Japy

Mesdames, Messieurs, cher-es Ami-es, cher-es Camarades,

Vous l'avez sans doute lu ou entendu: "Le Parti communiste est en panne" " Le Parti communiste est désemparé " " Le Parti communiste connaît une grande déprime "

Eh bien, vous affirmez par votre présence, nous affirmons ensemble le meilleur démenti qui soit à ces insinuations: celui des faits.

Pourquoi, en effet, sommes-nous rassemblés ce soir? Et, entre parenthèses, un tel rassemblement à l'initiative d'un parti politique n'est pas si courant, en ces temps de crise accentuée de la politique

Nous sommes ici, selon le mot d'ordre qui se trouve derrière moi, pour contribuer à " des actes de gauche " .Pour travailler à ce que les engagements pris lors du sommet de la gauche plurielle se concrétisent par des décisions sociales et démocratiques nouvelles du gouvernement.

Cet objectif implique un déploiement tous azimuts de nos mobilisations: emploi, pouvoir d'achat, démocratie, sécurité alimentaire, Europe Je vais y venir au fil de cette intervention.

C'est cela qui nous préoccupe. Ce qui nous préoccupe, ce sont les problèmes auxquels sont confrontés notre société, notre pays, la gauche. Ce qui nous préoccupe, c'est l'efficacité de nos initiatives, de notre action militante pour aller vers la solution de ces problèmes.

Tel est notre état d'esprit: résolument conquérant. Non, actuellement, les communistes ne baissent pas les bras: ils se retroussent les manches. Avec un seul point de repère: l'intérêt de notre peuple, l'intérêt de la gauche plurielle. Qu'on me comprenne bien: je ne suis pas en train d'expliquer que nous baignons dans l'optimisme et l'euphorie. Je viens de l'indiquer: nous sommes préoccupés. Très préoccupés, même. Nous vivons une situation complexe, où le mouvement transformateur, et nous avec lui, a des atouts incontestables pour progresser et pour modifier les réalités, mais où il rencontre aussi de sérieuses difficultés. Et nous essayons d'analyser avec lucidité la nature de ces points forts comme de ces obstacles.

Nous avons, en effet, besoin d'y voir clair pour agir efficacement. Nous avons besoin de débats, de rencontres, de confrontations d'idées avec toutes celles et tous ceux qui veulent que la gauche plurielle réponde mieux à leurs attentes et qui s'interrogent sur les moyens qu'ils ont d'intervenir en ce sens.

Notre réunion de ce soir est l'une de ces rencontres, que les communistes organisent actuellement dans tout le pays. Mais bien sûr, son ampleur lui donne un impact plus important. Je pense que c'est une très bonne chose. Et vous me permettrez en votre nom de remercier les responsables des fédérations communistes de l'Ile-de- France d'en avoir pris l'initiative. Elle vient à point. J'en suis sûr, elle va nous être utile.

Donc: dans quelle situation sommes-nous?

Je commencerai par un bref rappel du passé. Un passé récent: la rentrée de septembre dernier.

C'était le temps, vous vous en souvenez certainement, du conflit des routiers, de l'exaspération provoquée par la hausse du prix des carburants et d'enquêtes d'opinion convergentes qui révélaient un décrochage massif vis-à-vis de la politique actuelle. Nous n'avons pas exagéré l'importance de chacun de ces événements pris en eux-mêmes. Mais nous avons considéré qu'ils étaient révélateurs d'une donnée essentielle de la période, qui demeure aujourd'hui.

Cette donnée, c'est le sentiment d'insatisfaction croissant qu'éprouvent les Françaises et les Français au regard des résultats concrets, pour elles et pour eux, de l'action du gouvernement de la gauche plurielle.

Il ne s'agit pas, en la matière, de jugements tranchés, à l'emporte-pièce. Les hommes et les femmes qui nous entourent ne sont pas des gens obtus. Ils ne nient pas que la gauche a travaillé, depuis 1997. Et les communistes, leurs ministres en particulier, ont pris part efficacement à ce travail. Et l'action de la gauche a des aspects positifs. Les Françaises et les Français, par conséquent, ne regrettent pas Juppé et ils ne nous disent pas: " Vivement que la droite revienne! " Le problème n'est pas là.

Mais ils observent. Ils réfléchissent. Ils font leurs comptes. Et ils constatent qu'à l'heure de la croissance, ce sont les profits, les revenus financiers, les fortunes qui, littéralement, "explosent ", alors que celles et ceux qui n'ont que leur travail pour vivre - et parmi eux celles et ceux qui sont confrontés à des difficultés inextricables, voire qui sont menacés par l'exclusion - ne reçoivent que des miettes. Ils constatent que les chiffres de l'emploi s'améliorent, mais que des plans sociaux, des plans de licenciements continuent et qu'en tout état de cause, cette hausse de l'emploi s'accompagne d'une généralisation de la précarité. Ils constatent qu'à l'heure de la présidence française de l'Union européenne, la construction de celle-ci ne connaît aucune velléité de réorientation, qu'elle se poursuit selon les mêmes critères de primauté à la finance et de coups portés aux budgets sociaux et aux services publics. Et, lors de cette rentrée que j'évoquais, ils ont constaté de plus, lorsque le Premier ministre, vous vous en souvenez, a dit " non " aux routiers, que le gouvernement affirmait sa volonté d'être sourd aux exigences qui lui étaient adressées.

Conscient de cet état d'esprit de notre peuple, qui est aussi celui des communistes, j'ai donc interpellé, au nom de notre parti, nos partenaires de la gauche plurielle lors de la Fête de l'Humanité. Je leur ai dit, en substance: " Ça ne va pas. Si la gauche continue à ne pas vouloir écouter, si elle ne corrige pas le tir en prenant des mesures concrètes pour réduire les injustices sociales et les discriminations croissantes, elle va dans le mur." Et j'ai proposé une réunion au sommet des partis de gauche, afin de prendre des décisions qui impriment une dynamique nouvelle.

Nos partenaires nous ont dit: " D'accord pour une telle réunion. " Et nous nous sommes mis à la préparer. Je ne reviens pas sur les détails de la négociation qui s'est prolongée durant plusieurs semaines. Les points de désaccord étaient nombreux. Il a fallu beaucoup travailler. Nous l'avons fait.

Mais ce qui a fait le plus bouger les choses, c'est ce qui s'est passé à l'extérieur des salles où se menaient ces négociations. Ce sommet aurait échoué s'il était demeuré seulement une affaire de sommet. Il s'agissait de faire en sorte que la gauche plurielle entende ce que les citoyennes et les citoyens avaient à lui dire; il fallait pour cela les inviter, en quelque sorte, à ces discussions. C'est ce que nous avons tenté de faire, en étant à l'initiative, durant tout le mois d'octobre, de réunions dans les entreprises et les quartiers; en faisant signer une pétition pour l'augmentation du pouvoir d'achat, et une autre pour la transformation des emplois-jeunes en emplois stables; et en distribuant à quatre millions d'exemplaires un document qui faisait le point, de façon précise, des questions en débat lors de ce sommet.

Il faut en être bien conscient: cette action militante a eu une grande efficacité. Cela s'est vu. Cela se mesure. Le texte que les partis de la gauche plurielle ont adopté le 7 novembre ne nous satisfait certes pas à 100%: ce n'est pas la résolution d'un de nos congrès! Mais, tel qu'il est, il préconise un comportement politique et des mesures sociales, économiques, démocratiques qui impliquent une inflexion nette de la politique suivie actuellement par le gouvernement.
Que dit ce texte, en effet? Que les partis de gauche doivent - je cite - " être plus attentifs, plus à l'écoute des aspirations et exigences qui s'expriment dans la société ". Il ajoute: " La gauche, la majorité plurielle, le gouvernement animé par Lionel Jospin ne peuvent réussir que si leurs actes sont en concordance avec les espoirs placés en eux. "

Ce texte se prononce en conséquence en faveur de soixante-quinze engagements - je ne vais évidemment pas les énumérer -, parmi lesquels l'augmentation du SMIC et des minima sociaux, la revalorisation des petites retraites, une fiscalité accentuée sur les profits financiers, la pénalisation du recours aux emplois précaires, des droits nouveaux d'intervention pour les salariés et les chômeurs, la garantie d'un débouché professionnel pour les emplois-jeunes, des décisions en faveur d'un développement durable.

Personne ne peut penser que ces engagements vont se traduire dans la réalité par un coup de baguette magique. Mais personne ne peut non plus soutenir sérieusement qu'ils ne comptent pour rien dans ce que nous appelons dans notre jargon les rapports des forces sociales et politiques. Que les partis associés dans la majorité et au gouvernement se prononcent désormais en faveur de telles mesures alors que, pour la plupart d'entre elles, le Parti communiste était auparavant le seul à les défendre, cela constitue à l'évidence un point d'appui nouveau, important pour toutes celles et tous ceux qui ont tant besoin de décisions allant en ce sens. Leurs actions pour les obtenir sont en quelque sorte légitimées et encouragées.

Et je veux le dire ce soir le plus clairement possible: rien ne serait meilleur pour ces millions d'hommes et de femmes qui sont la grande majorité de notre peuple, comme pour la gauche plurielle elle-même, qu'un développement fort, soutenu des mouvements sociaux et citoyens en faveur de leurs exigences de justice et de nouveaux droits. Aucun acquis social ou démocratique n'a jamais été obtenu durablement sans luttes. Cette règle toujours vérifiée demeure plus que jamais valable.

C'est pourquoi, pour chaque adhérente et adhérent de notre parti, la tâche impérative aujourd'hui - j'y insistai au début de cette intervention - est de contribuer à mettre ces questions posées en débat et à favoriser le développement de l'action.
A cette fin, notre parti a publié un second document, lui aussi publié à quatre millions d'exemplaires, intitulé: " Après le sommet des partis de gauche, il y a besoin d'action ". Ce document donne une information précise sur les points d'accord, mais aussi de désaccord, auxquels sont parvenues les formations de la gauche plurielle, appelle à la rencontre, au débat d'idées, et indique des pistes pour intervenir.

C'est notre démarche. Si j'avais une seule phrase à prononcer ce soir pour la caractériser, ce serait celle-ci: " A l'offensive, pour obtenir sur tous les terrains des résultats concrets! "
Je souhaite, de ce point de vue, ne pas parler seulement en général, mais examiner les choses plus concrètement, plus précisément.

Ainsi, prenons le dossier du pouvoir d'achat.

D'un côté, les profits des entreprises se montent à 1700 milliards de francs et leurs revenus financiers à 410 milliards, soit un gain de 6% en un an. De l'autre, il y a des millions d'hommes, de femmes et de jeunes qui doivent se contenter du tristement célèbre seuil de pauvreté. C'est-à-dire qu'il s'agit pour eux de vivre - ou plutôt de survivre - chaque mois avec moins de 3800 francs. Des enquêtes récentes viennent de révéler qu'il y a un million trois cent mille salariés, c'est-à-dire des gens qui travaillent et qu'il est convenu d'appeler les " travailleurs pauvres ", qui vivent en dessous de ce trop fameux " seuil ". Et si l'on compte toutes celles et ceux qui sont privés d'emploi et qui perçoivent des minima sociaux, ce chiffre s'élève brutalement entre 3 et 4 millions de personnes.

Non, les fruits de la croissance ne sont pas équitablement répartis! Il est juste, il est légitime d'exiger une politique audacieuse en matière de salaires, de retraites, et de minima sociaux.

C'est la raison pour laquelle il faut rapidement augmenter le SMIC pour aider à tirer l'ensemble des salaires vers le haut. Nous proposons de relever exceptionnellement et sensiblement le SMIC dès le début 2001. Cela va d'ailleurs de pair avec l'exigence de revaloriser les grilles de salaires - dont 70% d'entre elles dans le secteur privé commencent sous le niveau du SMIC contre 59% il y a dix ans - et d'augmenter les traitements dans la Fonction publique.
Nous demandons également une augmentation - là aussi exceptionnelle, car il n'est pas possible d'attendre indéfiniment - de 500 francs des minima sociaux dès la fin de l'année 2000 pour les porter progressivement à 3800 francs dès 2001. Il n'est plus possible en effet d'accepter que plusieurs millions de personnes vivent avec des revenus moindres que ce que la société définit elle-même comme le " seuil de pauvreté "!

En matière de fiscalité, nous proposons que la gauche se mette au travail, comme elle s'y est engagée le 7 novembre, pour rééquilibrer le poids des impôts en faveur des revenus du travail en faisant contribuer à la solidarité nationale les revenus du capital, et notamment les placements financiers. De telles mesures favoriseraient une plus grande justice sociale. Elles constitueraient la base d'un développement économique encourageant l'emploi et la qualité de la vie de chacun, plutôt que les marchés financiers et leurs appétits féroces de rentabilité financière.

Ces exigences, et d'autres qui vont dans le même sens - par exemple l'indispensable relèvement des retraites - nous proposons de les faire approuver au moyen d'une seconde version, actualisée, de notre pétition pour l'augmentation du pouvoir d'achat, qui s'est déjà couverte de centaines de milliers de signatures. Avec un rendez-vous précis: celui d'une conférence sur les revenus réunissant gouvernement, syndicats et patronat dont le sommet de la gauche plurielle a lancé l'idée.

Prenons ensuite la question de l'emploi. Qu'en est-il?

Certes, nous avons tous entendu que les chiffres de l'emploi étaient meilleurs. Et je crois que c'est vrai. Le gouvernement a pris des mesures pour qu'il en soit ainsi et nous n'y sommes d'ailleurs pas pour rien.

Dire cela ne nous dispense pas de constater que la précarité, les inégalités entre les hommes et les femmes, les difficultés pour les salariés les moins qualifiés ne cessent de s'accroître. Ainsi, 30% des jeunes de 15 à 29 ans sont embauchés avec des contrats précaires. Un million quatre cent mille salariés travaillent aujourd'hui à temps partiel contraint. Et pour l'essentiel, ce sont les femmes qui font les frais de cette précarisation de la société française.

Derrière ces chiffres, il y a une réalité. Celle qu'impose trop souvent le patronat et que le MEDEF voudrait porter à son comble avec son projet de " refondation sociale ".

Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le répète ce soir devant vous: le Parti communiste s'oppose à ce projet et je ne vois rien qui puisse aujourd'hui justifier l'agrément de la convention UNEDIC par le gouvernement.

Alors que 60% des chômeurs ne perçoivent aucune indemnisation, nous proposons que les excédents de l'UNEDIC soient consacrés à ce qu'ils soient plus nombreux à être indemnisés et que le montant de ce qui leur est versé soit revalorisé. C'est le sens des initiatives engagées par de nombreuses personnalités de l'Appel dit " des 50 " en faveur d'une refondation de progrès social.

Prenons les emplois-jeunes.

La création de ces emplois était un engagement fort de la gauche plurielle. A mi-parcours de ce dispositif, il serait aberrant que rien ne soit prévu pour les centaines de milliers de jeunes concernés. Quand il en va de la vie et de l'espoir d'autant de jeunes, pour qui les portes de la société et de l'emploi étaient fermées sous le gouvernement Juppé, il ne peut être question d'incertitude et de promesses politiciennes sans lendemain.

Dans bien des cas, cela va exiger des efforts conséquents pour transformer les emplois-jeunes en emplois stables et correctement rémunérés. C'est dans cet esprit que nous avons demandé aux partis de gauche de s'engager sur l'objectif suivant: garantir un débouché professionnel à chaque jeune.

Par ailleurs, il reste encore de nombreux emplois-jeunes à créer pour parvenir à l'objectif de 350 000 fixé en 1997. Nous demandons que d'ici la fin de la législature, des moyens budgétaires nouveaux - 9 milliards de francs - soient mobilisés pour créer les 90 000 emplois-jeunes qui manquent.

Pour répondre à ces deux objectifs, nous proposons que dans chaque département se tiennent des états généraux où tous ensemble, avec les jeunes eux-mêmes, nous pourrions évaluer les besoins locaux en emplois et en formations.
Nous soutenons par ailleurs activement, y compris au plan parlementaire, la proposition d'une allocation d'autonomie pour les 16-25 ans.

Toutes ces idées s'appuient sur la mobilisation des jeunes, des salariés, des citoyens et des élus locaux. Il s'agit d'imposer des réponses qui garantissent un emploi et une bonne situation à chacune et à chacun, dans la liberté de ses choix.

Prenons aussi la crise alimentaire actuelle, la " vache folle ", comme on dit.

Les inquiétudes de nos concitoyens sont bien légitimes et il faut y répondre. Des décisions doivent être prises pour empêcher la transmission de la maladie, quel qu'en soit le coût. L'interdiction des farines animales est, de ce point de vue, positive, et il faut imposer à toute l'Europe l'extension des mesures prises par la France.

Mais on ne peut pas s'en tenir à ces mesures indispensables, et refuser de s'interroger sur les causes de cette crise. On le peut d'autant moins quand ce sont les pyromanes qui crient: " Au feu! " Il est indigne, en effet, que, pour cause d'escarmouches échangées avec le Premier ministre, le président de la République ait pris la responsabilité de semer la panique, lui qui, précisément, de réforme en réforme de la politique agricole commune, de concession en concession à l'Organisation mondiale du commerce, a accepté dans les années quatre-vingt qu'on réduise les productions végétales riches en protéines et qu'on mette des millions d'hectares de terre en friche.

La cause réelle de la maladie actuelle, des souffrances et des décès qu'elle provoque, de l'angoisse qu'elle suscite a un nom: le fric, l'argent-roi, la course aux profits maximums, sans souci aucun de la santé et de l'avenir, à laquelle se sont livrés à l'époque les industriels de l'Angleterre ultralibérale de Madame Thatcher.

Il faut avoir le courage de tirer réellement ces leçons du passé. Nous proposons de réorienter la politique agricole commune, afin de ne laisser aucune place au soja modifié génétiquement et au buf aux hormones américain et de renégocier les accords conclus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

Il y a beaucoup de points communs entre ce dossier et celui de l'impératif de limitation des pollutions.

Chacune et chacun de vous l'a entendu: le week-end dernier, la Conférence internationale de La Haye, qui devait prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, s'est achevée sur un échec. Pourquoi? Parce que les Etats-Unis ont refusé de céder sur ce qui leur est demandé: une réduction de 35% de ces émissions. Et qu'ils prétendent imposer un privilège exorbitant: la possibilité qui serait offerte aux pays riches d'acheter des sortes de " permis de polluer " aux pays pauvres, interdisant par là même à ceux-ci de se développer. Je rappelle qu'il y a actuellement dans le monde deux milliards d'êtres humains qui n'ont pas accès à l'électricité.

Une fois de plus, c'est la loi brutale, la loi cynique de l'argent-roi. Continuer à s'y soumettre, ce serait condamner notre planète à devenir de plus en plus polluée, avec les risques insensés que cela comporte, et ce serait autoriser la poursuite du pillage des ressources avec ses conséquences déjà bien présentes que sont l'aggravation des inégalités, des tensions, des conflits de toutes natures.

On ne doit pas l'accepter! C'est pourquoi nous appelons les citoyens, les salariés, les responsables politiques à se mobiliser, à intervenir pour refuser de se plier à ce diktat et pour rendre possible un accord engageant un véritable processus de réduction des émissions.

Ces prochains jours, les chefs de délégations réunis à La Haye doivent reprendre la négociation. La France, qui préside l'Union européenne, doit agir pour des engagements rapides et effectifs, dans notre pays comme en Europe. L'Europe, justement, va être au centre de l'actualité la semaine prochaine avec le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui va se tenir à Nice.

A l'ordre du jour de ce sommet il y a trois questions importantes:

* Une charte des droits fondamentaux dont doit disposer tout citoyen de l'Union européenne. C'est une bonne idée, mais, en l'état, ce texte demeure très en-deçà des demandes des mouvements sociaux et citoyens.
* L'adoption d'un agenda social. Mais on s'en tient à des déclarations d'intention, alors qu'il faut décider des objectifs et des moyens chiffrés contraignants, ainsi que l'arrêt des déréglementations des services publics.
* Enfin, une réforme des institutions européennes. Elles ont effectivement grand besoin d'être démocratisées, mais ce qui est proposé s'enferme dans les contraintes " libérales " et les rapports de domination.

Ainsi, on retrouve là une contradiction de même nature que les précédentes. Contradiction entre, d'une part, les besoins et les aspirations des peuples européens et de l'Union européenne elle-même, et, d'autre part, les dogmes du " libéralisme " et les critères de la financiarisation.

Ce qui est pour nous particulièrement encourageant, c'est que les communistes sont désormais très loin d'être seuls à s'engager dans le combat contre ces dogmes et ces critères. Syndicalistes, progressistes, démocrates de notre pays et de toute l'Union européenne se sont ainsi donné rendez-vous, mercredi prochain 6 décembre, à Nice, pour une immense euromanifestation en faveur d'une Europe sociale, des droits nouveaux et de la solidarité.

Nous sommes activement parties prenantes de ce grand événement porteur d'espoir. Nous avons d'ailleurs publié une affiche et un tract de notre parti que nous avons collée et distribué dans toute la France pour appeler à cette manifestation. Et nous souhaitons aller plus loin; nous souhaitons être encore plus utiles à cette grande cause commune en apportant notre propre contribution de Parti communiste français.

C'est pourquoi nous avons pris l'initiative d'un sommet de la gauche transformatrice européenne, qui se tiendra la veille de la manifestation, mardi prochain 5 décembre, également à Nice. D'ores et déjà, une vingtaine de partis progressistes, venant de toute l'Europe, ont répondu positivement à notre invitation. Nous leur avons proposé que notre rencontre ne consiste pas seulement en un échange d'idées, mais qu'elle puisse déboucher sur une action commune: pourquoi pas une " europétition " pour de grands objectifs sociaux et démocratiques qui seront portés dans chaque pays, par chacun de ces partis?

Et puis, il n'y a pas que les points sur lesquels la gauche plurielle s'est accordée. Il y a aussi des exigences importantes qui ne sont pas acceptées par tous et qui doivent être entendues.

Il en est ainsi de la situation des sans-papiers. Pour ce qui nous concerne, nous sommes déterminés à poursuivre ce combat, pour obtenir un moratoire sur les expulsions et pour permettre la régularisation des sans-papiers.

J'ai l'impression qu'en m'écoutant, certaines ou certains d'entre vous vont se dire: eh bien, les communistes sont " remontés "!
Oui, nous le sommes!

Nous sommes décidés à nous mobiliser, dans le débat et dans l'action, pour ancrer vraiment à gauche la politique du gouvernement.

Nous avons pour nous les acquis de notre démarche, qui nous voit agir au sein de la majorité et du gouvernement, et dans le mouvement populaire - cette démarche qui a permis de premières avancées qu'il s'agit maintenant de traduire en réalités.

Et nous rencontrons autour de nous beaucoup, beaucoup de forces disponibles: des hommes et des femmes qui partagent notre refus des inégalités sociales et des discriminations, et notre volonté d'agir pour les faire reculer, jusqu'à les vaincre.
Bref, nous ne manquons pas d'atouts.

Pourtant, dans le même temps, j'y ai fait allusion, notre parti - ses idées, sa vie interne, sa direction - est la cible d'attaques très vives, très dures. Rien ne fonctionnerait plus au Parti communiste. Au point que des gens de toute bonne foi nous interrogent: " Alors, ça va si mal que ça, chez vous? "

Quand un phénomène prend une telle proportion, il faut nous-mêmes, communistes, nous interroger: est-ce nous qui renvoyons cette image de gens apeurés, désespérés, paralysés? Et si cette description n'est pas honnête, alors, pourquoi la fait-on?

Nous avons sans doute pris nous-mêmes un peu de retard à nous poser cette question. Car nous avions d'autres chats à fouetter, en septembre et en octobre: je viens de rappeler ce que nous avons fait, et nous avons attaché à l'époque peu d'importance à ce qu'on pouvait dire à notre propos qui était sans rapport avec la réalité de notre action.

Pourtant, on s'en souvient peut-être, il s'est dit et raconté beaucoup de choses. L'idée s'est ainsi répandue que le Parti communiste était en faillite. L'hémorragie de ses militants le ruinait. A moins que ce ne soit la perte de " l'or de Moscou "! Il vendait donc tous ses biens, à tort et à travers, jusqu'au célèbre " Musée Lénine " - un appartement dont j'avais oublié, personnellement, l'existence, qui n'était pas en vente et n'a jamais été un musée

Puis, dans cette même période, il y eut le procès sur le prétendu " financement occulte " du Parti communiste. Un dossier qui, selon tous les observateurs, s'est révélé totalement vide au fur et à mesure des audiences. Et, pour finir, l'épilogue que l'on connaît. Vous comprendrez que je n'en dise pas plus.

Mais il y a eu les commentaires. Sur la " tétanisation " qui aurait pris Robert Hue au début du procès. Puis sur les réquisitions demandant qu'il soit condamné à une peine de prison avec sursis et à la privation de ses droits civiques, civils et familiaux. Tout cela prolongé par une philippique misérable que " Le Figaro " s'est autorisé à publier.

Ainsi - je reprends mon raisonnement -, pendant que nous consacrions toutes nos énergies à susciter l'intervention des citoyens pour que les partis de la gauche plurielle s'engagent ensemble en faveur de mesures qui soient vraiment de gauche, on s'efforçait de fabriquer l'image d'un Parti communiste ravagé, désertifié. Bref, une nouvelle fois - on ne les compte plus! - au fond du gouffre. Cette façon de présenter les choses a eu peu d'effet, parce qu'elle s'est heurtée à la réalité de notre action. Et le sommet a eu la conclusion que j'ai rappelée, marquée de l'empreinte de nos efforts.

Mais depuis lors, qu'en est-il?
Le contenu des engagements qu'on pris les partis de la gauche plurielle? Qui en parle, à part le Parti communiste? Et, sans porter quelque jugement que ce soit sur les problèmes internes du Parti socialiste, j'ai tout de même noté avec une certaine circonspection que, lors de son congrès de Grenoble, la majorité qui le dirige s'est cabrée dans un refus de toute précision quant à la hausse du SMIC et des minima sociaux et à la tenue de la Conférence sur les revenus.

Et qu'en est-il de la concrétisation de ces engagements? Pour l'instant, on en est au point mort. Le Premier ministre tient exactement le même discours aujourd'hui qu'avant le 7 novembre. Rien ne semble s'annoncer sur le front de l'augmentation des salaires, des retraites et des minima sociaux. Et plusieurs faits suscitent plutôt notre inquiétude et, disons-le, notre opposition. J'ai évoqué l'agrément de la convention UNEDIC. Les plans sociaux, les plans de licenciements, les menaces sur l'emploi se poursuivent: Martine Durlach a évoqué avant moi la situation inacceptable à laquelle le Centre de recherche pharmaceutique Aventis est confronté à Romainville. Je veux citer également la levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes.

Sur injonction européenne, l'Assemblée nationale vient en effet de voter un texte qui légalise le travail de nuit pour les femmes. Et cela, en se réclamant de l'égalité entre les hommes et les femmes! Quel faux-semblant! Qui peut penser que les entreprises qui vont recourir à de telles dispositions vont le faire pour favoriser l'égalité et non pour obéir à leur recherche d'une rentabilité maximum? Et ce sont les femmes qui travaillent dans l'industrie, avec le plus souvent des emplois peu qualifiés, qui vont en faire les frais.

Ce n'est pas à cette société que nos concitoyens aspirent. C'est la raison pour laquelle les députés communistes se sont exprimés clairement et ont voté contre cette disposition.
Voyez-vous, j'ai l'impression qu'il y a comme un rapport entre ces faits, ces réalités et la façon dont certains parlent actuellement du Parti communiste. Je n'ai pas en tête, quand je dis cela, l'existence d'une force souterraine qui organiserait un complot contre le Parti communiste Nous sommes vaccinés depuis longtemps contre ces sortes de fantasmes. Non. J'ai simplement à l'esprit la réalité de la lutte politique.
C'est ainsi: il est des gens que les idées du Parti communiste menacent. Parce que ces idées, c'est par exemple l'objectif pour aujourd'hui que plus personne en France ne vive sous le seuil de pauvreté. C'est une fiscalité plus juste, frappant davantage les profits financiers. C'est, pour les salariés, les privés d'emploi, les jeunes, l'exercice de droits nouveaux leur permettant de peser sur les choix. C'est une réorientation de la construction européenne dans le sens de la justice sociale et de la solidarité. Plutôt que de combattre ces idées par les leurs, ils préfèrent répéter que nous n'en aurions plus, que nous serions en " panne d'idées ". Libre à eux. A nous de faire la démonstration du contraire.

Il est des gens qui ne veulent surtout pas que la gauche plurielle reprenne l'initiative, qu'elle réponde mieux aux attentes du pays en ancrant sa politique à gauche, ce qui implique que notre parti soit plus actif, plus dynamique, plus efficace. Ils rêvent du contraire: d'un Parti communiste qui renoncerait aux transformations qu'il a décidées à Martigues et qui se replierait sur lui-même. Il en est même qui se prennent à faire des calculs sur la disparition du Parti communiste.

Par exemple, j'ai lu la semaine dernière que Julien Dray estimait - je cite - que la gauche du Parti socialiste " doit se montrer attractive " pour profiter de " la phase d'agonie active du PCF ". Comme quoi on peut être de gauche et manquer du sens élémentaire des réalités! Plus sérieusement peut-être, j'ai lu la semaine précédente un article de Jean-Christophe Cambadélis se prononçant pour - je cite - " confédérer durablement la gauche plurielle ". C'est une idée qui lui tient à cur: elle revient sous sa plume périodiquement sous des formes différentes. Je veux lui dire très courtoisement qu'il aura beau feuilleter le dictionnaire des synonymes: " confédération ", " coalition ", etc, etc, il ne parviendra pas à faire bouger d'un iota cette réalité que tout le monde doit se mettre dans la tête: le Parti communiste n'est pas le Parti socialiste.

Le Parti communiste n'est pas l'aile gauche du Parti socialiste et il ne le sera jamais.

Le Parti communiste ne se définit pas seulement - et même pas principalement - comme étant " à gauche du Parti socialiste ".

Le Parti communiste, c'est le parti politique qui, en France, n'accepte pas et n'acceptera jamais que la fortune des trois personnes les plus riches du monde dépasse le produit national brut cumulé de tous les pays les moins avancés et de leurs 600 millions d'habitants. Qui n'accepte pas que la proportion des 5% de personnes les plus riches du monde et des 5% les plus pauvres, qui était de 1 à 30 en 1960, soit de 1 à 74 en 1999. Qui n'accepte pas que les 500 Français les plus riches aient vu leur fortune augmenter de 450 milliards entre 1999 et 2000, soit un gain de 58% en un an, alors que trois à quatre millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Qui n'accepte pas qu'un manuvre ait trois fois plus de risque de mourir entre 35 et 65 ans qu'un ingénieur; et que l'espérance de vie des ouvriers soit inférieure de six ans et demi à celle des cadres et des professions libérales. Qui n'accepte pas les discriminations encore si présentes selon le sexe, l'âge, la confession ou l'opinion, la couleur de la peau, la nationalité, l'orientation sexuelle ou le choix de vie.

Le Parti communiste, c'est le parti politique qui ne voit pas dans ces réalités inhumaines des survivances au sein d'une société qui irait par ailleurs vers plus de justice; mais qui y décèle une logique à l'uvre au cur même du fonctionnement de cette société et du monde, celle du capitalisme. C'est donc le parti de la transformation de la société, le parti d'un projet communiste, qui vise non pas à " aménager " le capitalisme, mais à le dépasser pour s'en libérer.

Le Parti communiste, c'est le parti politique qui a pris l'engagement à son congrès de Martigues de consacrer tous ses efforts à obtenir des résultats concrets pour faire reculer ces injustices. C'est le parti qui appelle toutes les forces disponibles - syndicats, associations, partis politiques, citoyennes et citoyens - à se rencontrer et à agir ensemble pour construire, dans une démarche de coélaboration et de codécision, un mouvement national pour faire reculer les inégalités et construire une société citoyenne de partage. Cet engagement pris à Martigues, nous le tenons. Nous le tenons en décidant nos propres initiatives: ce que nous avons fait et ce que nous faisons pour obtenir des actes de gauche " colle " à cette démarche. Et nous le tenons vis-à-vis des organisations les plus diverses avec qui nous avons commencé à échanger et à agir. A la Fête de l'Humanité, c'est lors d'une rencontre avec elles que j'avais lancé l'idée d'un sommet de la gauche plurielle. Les résultats de ce sommet et ce qui va se décider à Nice la semaine prochaine les concernent directement. Et j'ai l'intention de m'adresser alors à elles pour les en informer. Des " ateliers " avec les unes ou les autres sont en construction; le premier d'entre eux a vu le jour. Et nous allons travailler ce contact - qu'il faut sans doute mieux établir aux plans départemental et local - pour aller plus loin, jusqu'à pouvoir envisager ensemble des initiatives de plus grande ampleur.

Le Parti communiste, c'est le parti politique qui, à son congrès de Martigues, a eu l'audace, pour être réellement efficace au service de la transformation de la société, de jeter les fondations d'un nouveau Parti communiste, porteur de ce projet transformateur, à construire avec tous les communistes et avec celles et ceux qui veulent lui donner force. Certains pensent peut-être que nous pourrions revenir en arrière, ou encore conduire cette construction en cours vers d'autres objectifs que ceux que nous avons définis ensemble à Martigues: c'est peine perdue. Non, le Parti communiste ne se repliera pas; il ne se refermera pas. Oui, nous voulons faire ensemble ce que nous avons décidé: un nouveau parti communiste, moderne, ouvert sur la société, pour construire avec d'autres un communisme de notre temps. C'est l'effort de mutation que nous avons entrepris il y a plusieurs années. Il n'est pas à l'ordre du jour d'y renoncer. Au contraire, il s'agit bien pour nous d'aller de l'avant.

Nous ne nous replierons pas, nous ne nous refermerons pas, et nous ne deviendrons pas autre chose que le Parti communiste!

Chers Amis et Camarades,

Voilà donc où nous en sommes.
Voilà ce que j'ai appelé nos atouts, incontestables; et voilà les obstacles auxquels nous nous heurtons.

Et c'est dans cette situation, dans ce rapport des forces qu'apparaît au premier plan de l'actualité la question de l'inversion du calendrier électoral pour 2002. C'est-à-dire: au lieu d'élire d'abord les députés puis le président de la République, comme c'est normalement prévu, faire le contraire - d'abord le président, puis les députés.

C'était jusqu'alors une idée de la droite dite " centriste ", de Raymond Barre, de Valéry Giscard d'Estaing, de François Bayrou, ainsi que de Michel Rocard. C'est devenu depuis ce week-end un problème à résoudre de toute urgence: dimanche, le Premier ministre s'est dit favorable à cette inversion et, avant-hier, le groupe socialiste a annoncé qu'il allait déposer une proposition de loi organique à cet effet avec l'objectif de la faire examiner dans les prochaines semaines.

J'ai dit dès dimanche notre opposition à ce projet. Notre Collège exécutif l'a également rappelé mardi dernier. Et je viens, ce matin même, de le confirmer sans aucune ambiguïté au Premier ministre.

Pourquoi?
Parce que sa seule justification, c'est qu'il serait inconcevable d'élire les députés avant le président, puisque les élections législatives ne devraient servir qu'à donner une majorité au président. On instituerait donc dans les faits une règle de subordination de l'Assemblée nationale au pouvoir présidentiel. Alors que le Parlement souffre déjà d'une sérieuse limitation de ses pouvoirs, on le priverait de toute liberté d'action puisqu'il serait élu pour servir le président.

C'est dangereux pour la démocratie.
Qui a intérêt à ce projet? Bien sûr, les forces qui comptent dans leur rang un candidat en position d'accéder à l'Elysée. La logique de l'élection présidentielle pousse à la bipolarisation autour de ces seuls partis, en affaiblissant tous les autres. C'est dangereux pour le pluralisme. Et donc, dans les conditions politiques d'aujourd'hui, c'est dangereux pour ce qui est à la base de la notion de " gauche plurielle ".

Enfin, décider qu'une fois pour toutes la vie politique consistera en un face-à-face au sommet entre des personnes - président et " présidentiables " - cela ne peut qu'éloigner encore davantage la politique des citoyens, alors que le fossé qui s'est creusé entre eux ne cesse de s'élargir. C'est dangereux pour la politique et pour la citoyenneté.

Et j'ajoute: ce projet est également inquiétant par les arrière-pensées qu'il révèle. Tout ce qui fait le monde politicien bruit de rumeurs à ce propos: qui a quoi derrière la tête et pourquoi? On murmure même qu'il pourrait y avoir un " deal " avec le Parti communiste: l'accord avec cette présidentialisation contre une goutte de proportionnelle et quelques positions préservées. Nous n'avons évidemment rien à voir avec tout ça.

Ces calculs et ces combinaisons sont ressentis comme tels par les Français, qui ont déjà une si piètre image de la politique. Hier, un sondage IFOP-Le Figaro indiquait ainsi que, même s'ils préfèreraient majoritairement que l'élection présidentielle ait lieu avant les élections législatives, ils sont 51% à penser que - je cite - " la proposition de Lionel Jospin est une manuvre politique ".

En ce qui nous concerne, notre position est d'une grande simplicité:
Nous sommes opposés à ce projet pour les raisons de principes que je viens d'énoncer.
Et nous y sommes opposés aussi du fait de nos propres objectifs politiques.

Car que voulons-nous, nous? Quelles sont nos fameuses " arrière-pensées ". Eh bien, les voici:

Ce que nous voulons, c'est que la gauche plurielle l'emporte lors des échéances électorales de 2002. Ce que nous voulons, c'est que la majorité plurielle élue en 1997 gagne les élections législatives de 2002.

Or, il n'y a aucune certitude à ce propos. Bien sûr, les sondages indiquent que les déchirements de la droite favorisent la gauche. Mais ne compter que sur les fautes de l'adversaire pour l'emporter est une tactique périlleuse. La gauche, quant à elle, continue à ne pas convaincre réellement.

Faut-il rappeler cette autre enquête CSA-Le Monde de début novembre, qui indiquait que 55% des Français considèrent que le gouvernement " manque de dynamisme " et attendent de lui une politique plus " sociale "?

C'est cela, le problème lancinant, le problème qui continue à se poser à la gauche plurielle et qui conditionnera sa réussite ou son échec en 2002. Ce n'est pas: aura-t-elle séduit ou non les électeurs de la droite dite " centriste "? C'est: aura-t-elle su créer une dynamique de rassemblement de ces forces sociales majoritaires dans notre pays que sont les salariés, les précaires, les privés d'emplois, les retraités?

Aujourd'hui, ceux-ci demeurent insatisfaits. Ils ont le sentiment, tout à la fois, qu'on ne répond pas suffisamment à leurs attentes et qu'on les laisse à l'écart des choix effectués. La gauche plurielle ne gagnera pas si elle ne reprend pas l'initiative pour elles et eux, et avec elles et eux. Elle ne réussira pas si elle ne fait pas ce qu'elle a dit lors de son sommet du 7 novembre, et si elle ne favorise pas le débat et l'intervention des citoyens pour que ceux-ci pèsent sur les décisions.

Améliorer le sort de notre peuple et de notre pays, permettre la réussite de la gauche plurielle: ces deux objectifs sont indissociablement liés. On n'atteindra pas l'un sans l'autre. Certains peuvent penser qu'il y a un raccourci, une astuce, que sais-je encore? qui permette à la gauche de l'emporter en évitant de décider les transformations nécessaires qu'on attend d'elle. Ils se trompent. En tout cas, nous, nous sommes décidés à prendre toutes nos responsabilités de Parti communiste pour que l'expérience en cours débouche sur du mieux pour notre peuple et sur la victoire de la gauche!

Avant les élections de 2002 il y a celles de 2001: les élections municipales, dans un peu plus de trois mois.

Le scrutin municipal est celui qui, avec l'élection présidentielle, intéresse et mobilise le plus les Français. Certains ont de cette réalité une vision un peu condescendante, méprisante: les gens ne s'intéresseraient qu'aux bordures de trottoir Nous ne partageons absolument pas cette façon de voir. Le quotidien, la proximité ne conduisent pas au rabougrissement du débat politique: ils sont ce qui, aux yeux de nos concitoyens, demeure positif dans la politique, ce qui reste à la portée de leur intervention. Bien sûr, nous assignons, nous, d'autres ambitions à la politique, mais nous ne lui fixons pas d'autres objectifs que celui de changer positivement le quotidien et nous ne concevons pas notre action autrement que par un militantisme de proximité.

Je parle ici, en Ile-de-France, où des communistes exercent les premières responsabilités dans deux conseils généraux et dans de nombreuses communes. Ces maires, ces élus communistes font, jour après jour, la démonstration qu'on peut faire de la politique autrement, en associant les habitants aux choix de gestion, en participant à leurs actions et en répondant du même coup à leurs besoins. Ces choix sont eux-mêmes liés directement aux décisions politiques prises aux niveaux national et européen. Le combat pour une réorientation de la construction européenne, pour ancrer à gauche la politique du gouvernement et pour répondre aux intérêts des populations au plan local est un combat de même nature - tout simplement à des échelles et à des niveaux différents.

Pour les municipales de mars prochain, nous avons fait le choix de la constitution partout de listes de la gauche plurielle dès le premier tour.

Dans la plupart des endroits, nous avons beaucoup avancé avec nos partenaires, et dans le bon sens. Il y a, certes, parfois tendance chez certains candidats socialistes à se comporter comme s'ils dirigeaient une liste socialiste comprenant quelques places accordées à d'autres plutôt qu'une liste de la gauche plurielle associant à égalité de considération des forces différentes. Ce type d'incompréhension se résout dans la pratique, et les candidates et candidats communistes savent se faire respecter.

Il y a aussi certains cas de blocages qui proviennent soit d'un refus d'appliquer l'accord national conclu entre notre parti et le Parti socialiste, soit d'une volonté de réduire illégitimement la place des candidats communistes. De tels cas se présentent dans notre région à Aubervilliers, Goussainville, Grigny, Pantin Nous devons partout continuer les discussions jusqu'à ce que ces situations se débloquent. Et c'est possible. Des possibilités d'évolutions positives se dessinent à Argenteuil. Et, comme nous l'a annoncé tout à l'heure Martine Durlach, avec qui je travaille main dans la main à propos de ce dossier, un accord est en train de devenir possible à Paris, ce qui serait un événement positif extrêmement important.

Chers Amis, chers Camarades,
C'est par une invitation que je veux conclure mon propos.
J'ai la conviction que nous avons de réelles possibilités de peser davantage, plus efficacement, sur le cours de la politique du gouvernement de gauche plurielle.

Les idées ne nous manquent pas, ni les moyens de les faire progresser auprès de millions de citoyennes et de citoyens.
Le mouvement même de la société, les aspirations qui s'y expriment nous montrent à quel point c'est bien le libéralisme lui-même qui se trouve de plus en plus contesté, et souvent véritablement rejeté. Il y a donc de l'avenir pour une force politique comme la nôtre, pour un parti communiste plaçant son action au cur des préoccupations et des attentes de notre peuple.

J'ai rappelé ce que nous avons accompli ces dernières semaines. Celles et ceux des communistes qui y ont pris part, et d'autres avec eux, ont pu constater qu'ils contribuaient à " bousculer " le débat politique, à faire surgir les grandes questions auxquelles la gauche doit répondre.

Ne nous laissons pas impressionner par ceux qui dissertent - assez pauvrement, il faut bien le dire - sur l'impuissance de la politique et, donc, sur l'inutilité de s'y engager.

Pour ma part, j'ai confiance dans les femmes et les hommes communistes; dans leur capacité à être utiles à la société, à notre pays, aux gens qui les entourent.

J'ai confiance dans leur détermination à reconquérir la politique au service des êtres humains.

J'ai confiance dans l'affirmation de notre identité communiste par l'action militante. Car c'est moderne, c'est efficace de militer.

Et j'ai la conviction qu'il en résultera du bon pour notre peuple et pour la France.

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