PCF

Le Parti communiste est en panne d´idées, d´animation et d´argent
Au-delà de la crise de « L´Humanité », le PCF n´est pas parvenu à mettre en uvre la démarche d´ouverture annoncée lors du congrès de Martigues. Le malaise est particulièrement sensible chez les cadres du parti, notamment ceux qui l´ont rejoint au printemps.

Mis à jour le lundi 20 novembre 2000

UNE MAUVAISE BISE souffle sur le Parti communiste français. Crise de management au sommet, déficit d´idées, pénurie d´argent  : l´impasse touche tant les moyens que les fins. Jamais depuis que Robert Hue a été élu à la direction du PCF, en janvier 1994, le parti n´a montré autant de signes de fébrilité. En ce sens, les difficultés financières de L´Humanité, discutées samedi 18 et dimanche 19 novembre, tout au long du conseil national, sont révélatrices de la panne qui touche la Place du Colonel-Fabien. Déjà, au mois d´août, M. Hue estimait qu´« il n´est écrit nulle part qu´il doit y avoir nécessairement un Parti communiste fort et influent dans la France du XXIe siècle ». Devant l´université d´été du parti, à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), il poursuivait : « Aucune loi prétendument scientifique ne peut donner cette assurance ! Certes, nous avons longtemps professé cette croyance mécaniste dans le "sens de l´Histoire". Elle n´est plus de saison. »

Présidée par Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, une commission chargée d´élaborer les statuts du nouveau Parti communiste a été mise en place à Martigues. Son objectif était d´aboutir à un projet avant le 31 décembre. Pour l´instant, la commission auditionne. Ainsi, le 5 décembre, est prévue, place du Colonel-Fabien, une grande séance de consultations à horizon très large. Pas moins de huit organisations sont invitées, allant d´Act Up et Attac, en passant par la CGT, SUD-PTT et la JOC, jusqu´au PS et aux Verts. Jean-Claude Perez, député socialiste de l´Aude, et Alain Fousseret, conseiller régional Vert de Franche-Comté, spécialistes des questions de statuts, ont été désignés par leur parti. Pierre Tartakowski, secrétaire général d´Attac, et Emmanuelle Cosse, présidente d´Act Up, ont accepté l´invitation. Toutefois, chez les futurs auditionnés, l´étonnement n´est pas mince que le plus « parti des partis » en soit ainsi réduit à chercher des modèles chez les autres.

Pour le secrétaire national du PCF, la fin de l´état de grâce semble s´être produite au lendemain des élections européennes de 1999. Avec un score de 6,78 %, il faisait moins que Francis Wurtz cinq ans plus tôt (6,88 %), après une campagne coûteuse (35,9 millions de francs) et se voulant innovante ­ la double parité communiste/non-communiste et homme/femme. Malgré ce revers électoral, le cap de l´ouverture a été maintenu pour le 30e congrès du PCF, à Martigues, au printemps 2000. Ont alors fait leur entrée, directement hissées au sommet des directions du PCF, quelques personnalités : Michel Deschamps, Jacques Nikonoff, Roland Castro... Pierre Blotin, artisan de cette mutation, tirait, quant à lui, sa révérence, cherchant à entraîner dans son sillage quelques vieux « marchaisiens ».

Sept mois après, le souffle attendu n´est pas au rendez-vous et la greffe entre « communistes du dedans » et « communistes du dehors » est plus longue à prendre que prévu. Face au risque de décès prématuré de son « enfant », M. Blotin est revenu, en partie, aux manettes. Il a conservé un bureau au 5e étage, celui de la direction. Résidant dans le sud de la France, il revient, en règle générale, à Paris, chaque semaine, du lundi soir au jeudi soir.

« BP » DE FAIT

Dans un premier temps, il est venu soutenir et conseiller M. Hue, qui se préparait à affronter la justice, dans le procès de financement du PCF. L´ex-numéro deux a aussi soutenu M. Deschamps et M. Nikonoff, pour qu´ils mettent en place un club baptisé « Entrées libres », qui se réunit le second mardi de chaque mois, place du Colonel-Fabien, après le collège exécutif, pour entretenir un dialogue avec des personnalités proches du PCF.

Les organes de direction mis en place à Martigues ­ collège exécutif, conseil national ­, copiés sur ceux des Verts, ont aussi connu des ratés. Difficile, en effet, de diriger un parti avec un collège de 46 membres, dont 30 nouveaux. Décrété mort, le bureau politique a refait surface, sous le nom de coordination du collège exécutif. A sa tête, Jean-Paul Magnon, qui a repris officiellement les attributions de M. Blotin. Ce « BP » qui ne veut pas dire son nom ne comprend que des fidèles de M. Hue, tous communistes de longue date : Paul Lespagnol, Denis Duvot, Daniel Cirera, Patrick Le Hyaric, promu dimanche directeur de L´Humanité, Jean-François Gau, transfuge du clan Marchais, et une seule femme, Dominique Grador, présidente du conseil national. Ils se réunissent le mardi matin pour mettre au point les résolutions adoptées par le collège exécutif, qui se réunit tous les mardis à 18 heures.

Face à ce retour aux anciennes pratiques, un mécontentement quasi général, jusqu´à présent sourd et latent, transparaît. Ce climat électrique a été particulièrement sensible au cours des débats du week-end dans le « bunker » : le sentiment que les débats étaient ficelés d´avance a provoqué les interpellations courroucées, depuis leur fauteuil, de plusieurs membres du conseil national. Des commentaires à haute voix ont interrompu les rapporteurs. La réunion d´un collège exécutif impromptu, samedi midi, en plein conseil national, pour désigner le successeur de Pierre Zarka à la tête de L´Humanité ­ pratique coutumière auparavant ­, a parachevé le malaise. Des interjections demandant : « Qui décide ? » ont émaillé à plusieurs reprises la réunion. Un certain raidissement était aussi perceptible. C´est dans ce contexte qu´ont été annoncées d´« importantes initiatives » pour célébrer le « 80e anniversaire du Parti », au mois de décembre.
Alain Beuve-Méry

D´autant plus attentif aux sondages qu´il a beaucoup misé sur la communication, Robert Hue est inquiet. Il avait redressé, à partir de 1995, l´image du PCF aux yeux des Français. Selon la dernière enquête de la Sofres, en novembre, sur l´image de la gauche, 5 % seulement des sondés se sentent « le plus proche » du PCF, contre 8 % de Lutte ouvrière (et 37 % du PS). Quant à la personnalité qui « incarne le mieux la gauche », Arlette Laguiller recueille 10 % des réponses contre 7 % seulement pour M. Hue. Le constat est identique dans le dernier baromètre Ipsos - Le Point du 13 novembre : 44 % des sondés portent un jugement favorable sur Arlette Laguiller, contre 35 % sur Robert Hue. Pour le PCF, le constat est d´autant plus cruel que ce sont les cadres qui sont désormais les plus nombreux à avoir une bonne opinion de M. Hue, alors que chez les employés, les ouvriers et les chômeurs c´est Mme Laguiller qui distance le secrétaire national du PCF.

Le Monde daté du mardi 21 novembre 2000

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