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Danser pour vivre

danseuse , artiste: Pauline Beaubien Dumont

par Pauline Dumont

Je vous propose une réflexion sur une approche à la danse qui selon moi  permet d'entrer en contact avec notre énergie vitale. Il s'agit de la danse expressive. Ce n'est pas de la danse sociale, du rock, du ballet ou de la danse en ligne. C'est une forme d'expression corporelle où les pas de danse ne sont pas décidés d'avance ; où je laisse mon corps inventer les mouvements inspirés par la musique. C'est une sorte d'improvisation gestuelle où le danseur devient  musique.

C'est à travers des techniques de méditation enseignées par Dominique Vincent, lui-même inspiré par le maître indien, Osho, que j'ai découvert les bienfaits de ce que j'appelle la danse expressive. J'y ai puisé une façon à la fois agréable et efficace de connecter avec moi-même.  Cette liaison étroite avec mon centre vital est impossible si je suis tendue ou stressée. La danse est un excellent  prélude à la méditation car elle exerce un genre de nettoyage qui me permet de me débarrasser de l'accumulation des frustrations et des tensions.

D'où viennent ces tensions, ces courroies qui nous empêchent de respirer à l'aise? La façon dont nous avons été élevés y est pour beaucoup.  Notre éducation nous a appris à contenir nos émotions.  "Ce n'est pas beau de se fâcher." "Un grand garçon, ça ne pleure pas." "Il ne faut pas faire de la peine au petit Jésus."  Avec le temps nos parents et nos éducateurs ont été remplacés par un juge intérieur qui perpétue le refoulement et la culpabilité face  à l'expression de notre émotivité.  La danse peut me servir de soupape. Je danse ma joie, ma colère, ma honte, ma peine, ma sexualité, ma vie. L'énergie négative se transforme en énergie positive et favorise le calme nécessaire à l'harmonie intérieure.

Lorsque j'étais jeune enfant, je détestais la danse. Dès l'âge de 4 ans, ma mère m'entraînait de force  à des cours de claquettes (tap dancing). Je ne disais rien  mais sous ce silence il y avait une petite fille malheureuse. Quand il fallait danser pour un auditoire, je me sentais intimidée ; j'avais peur d'oublier mes pas.  Lorsque la parenté du Québec arrivait, ma mère, toute fière de sa fille, m'obligeait à faire mon petit numéro pour la visite. Quelle humiliation ! Encore aujourd'hui j'ai de la difficulté à apprécier un spectacle de danse ou de patinage artistique sans ressentir une tension au fond de moi. Je m'identifie aux artistes; j'ai peur qu'ils oublient leur chorégraphie ou qu'ils trébuchent.

Je pense que c'est surtout le côté performance de la danse que j'ai  détesté.  Beaucoup de gens sont comme moi. Ils se sentent  gênés de danser en publique. Ils ne se sentent pas à l'aise avec leur corps. Cet aspect "apparence" est totalement absent dans la danse expressive. C'est une activité très personnelle. Il n'y a personne à plaire ou à impressionner. Cette forme de danse se pratique pour se faire plaisir, pour se détendre, pour se sentir vivre. C'est pourquoi cette technique exige qu'on laisse tomber les jugements. Il faut éviter de se dire des paroles comme : Je ne suis pas flexible.  Je ne sais pas danser. J'ai les deux pieds dans la même bottine. J'ai l'air ridicule quand je danse.

Il faut simplement se laisser aller, se laisser emporter par la musique.

La danse expressive se pratique préférablement seul ou en compagnie de personnes avec qui vous êtes à l'aise.  Utilisez une musique qui vous inspire, qui vous invite à bouger. J'aime bien les rythmes africains, sud-américains ou arabes. Si vous avez envi d'y aller plus doucement, choisissez des musiques de guitare classique, de flûte pan ou de harpe. Evitez des mélodies avec paroles car celles-ci peuvent vous distraire. Elles vous placent dans votre tête au lieu de vos tripes.

Trouvez un endroit où vous pouvez bouger librement. N'ayez pas peur de prendre beaucoup de  place en faisant des gestes  amples et exagérés. Faites bouger toutes les parties de votre corps  (bras, doigts, jambes, dos, bassin,...)  selon l'inspiration du moment. Entrez à l'intérieur de vous, sentez-vous bouger.

Un jour j'ai écrit ce que représentait l'expérience de la danse pour moi. C'est à travers un monde imagé que j'ose partager avec vous cette expérience existentielle mais non moins très réelle.

"Quand je danse, c'est tout mon être qui s'exprime. C'est le fond de moi qui danse.  Je ne décide pas des mouvements; ça vient tout seul. Mon corps devient un poème gestuel qui exprime les mouvements de mon être intérieur.  Tous mes muscles se détendent; je fleuris; je rends grâce. Tous les jugements  tombent.  Mon corps devient musique. Je flotte. Mon bassin devient tambour, mes doigts, mes bras jouent les instruments. Parfois des sons sortent spontanément de ma gorge. Un rythme enlevant me transporte, me délie. Une mélodie plus douce me berce. Parfois je me sens sorcière, magicienne, chamane. Je me sens profondément liée aux éléments de la nature. Je danse la pluie, le tonnerre, le vent, le feu.... Je deviens plus que moi-même. Je prends des dimensions nouvelles. Je pousse des racines, je touche les étoiles. Une énergie nouvelle, sans bornes émane de moi. Je renais, je me sens vivre."

La danse, en quelque sorte, peu devenir une expérience spirituelle,  une danse sacrée. Elle devient comme un symbole vivant de votre monde intérieur.  Elizabeth Zana le résume bien quand elle dit que "par le mouvement inné qui l'habitera dans la recherche de la purification de son coeur, l'Homme-danseur tentera de se mettre en résonnance avec l'univers et peu à peu, par une alchimie profonde, découvrira la part de cristal tapie en lui."
Je vous invite donc à faire l'expérience de la danse expressive.