La cavale de nuit

Ceux-du-cauchemar



Ce que je raconte ici provient essentiellement de mes expériences personnelles, bien que j'ai vu plusieurs des éléments que je décris écris par d'autres personnes aussi. Il semble qu'on les aperçoivent un peu n'importe où à travers le monde, avec très peu de variation.

Ceux du cauchemar sont assez facilement reconnaissable, tant par leur apparence que par les endroits qu'ils fréquentent. Ils n'ont rien de bon, et il n'y a rien à faire d'eaux sinon les chasser. On les voient parfois autour de gens ayant fait des cauchemars intenses ou répétitifs, souvent des enfants. Visuellement, ils sont une brume inégale, noire, opaque, lourde, poisseuse et toxique. Ils sont incomplets: une masse de parties d'être non finies ou plutôt ayant cessé d'être complets. Difformes, partiellement indéfinis, ils se déplacent dans la « brume » lourde, et cette brume est faite d'eux. Ni vraiment vivants, ni vraiment morts, il restent entre deux. Un compromis poussé trop loin et profondément néfaste. Comme quoi le compromis n'est pas toujours bon...

Leur présence n'est pas seulement cauchemar la nuit, mais aussi éveillé. Je les ai vu suiter des murs, dégouliner des recoins entre murs et plafond et recouvrir le plancher jusqu'à la hauteur des genoux. Les laveuses grinçaient à n'en plus finir, débordaient ou tombaient en panne, et je pouvais entendre presque tous les gens s'engueuler au travers des portes. Il pleuvait dehors, un orage, mais pas un orage comme ceux que la chasse sauvage a pris: un orage froid et trempé, qui rentre sous les os. Pas assez violent, pas assez mortel.

La chasse sauvage et ceux-du-cauchemar sont deux forces opposées et se combattant l'une l'autre. La chasse donne la mort ou une vie qui en vaut la peine, sans milieu, sans compromis. Elle est sang, violence et passion. Ceux-du-cauchemar n'ont pas de sang, pas de rouge: le sang, c'est la vie et la mort... pas un milieu entre les deux. Pour chasser ceux du cauchemar, il suffit d'appeler Odin ou un peu de la mana comme la chasse en recele... vie et mort, pas de demi-mesure. Il faut laisser poindre la violence et le goût du combat. Ne pas avoir peur de la mort, ne pas avoir peur de tuer. C'est à ce moment que ceux-du-cauchemar reculent.

J'avais repris un petit texte du livre « La Déesse Blanche » de Robert Graves, qui m'avait aidé:
L'homme de gloire courrait de nuit,
Sans glaive, cheval ni lumière,
Il cherchait, trouva la Cavale,
La lia comme il l'eût fait d'un lièvre
Et lui fit jurer, à merci,
Qu'elle ne courrait plus de nuit,
Là où il chevaucherait lui,
L'homme de gloire.

L'homme de gloire, dans cette histoire, c'est Odin. La Cavale de Nuit, quand à elle... Cavale est un ancien mot pour jument. En anglais, jument se dit mare, donc la Cavale de Nuit devient Nightmare, Cauchemar. Cauque est un vieux mot pour nuit. Toutes les formes de la Déesse ne sont pas belles à voir...

Tam



retour ←