Religion de masses?



J'ai décidé de prendre la question à savoir si la Wicca pourrait être une religion de masses par l'autre bout et démontrer que non par l'absurde.

D'abord, je me suis demandée s'il était imaginable qu'on puisse croire à la Wicca sans la pratiquer. Euh, franchement non. La question elle-même sonne bizarre. Même dans la Wicca très diluée de Cunningham, l'observance rituelle, même minime, reste un point fondamental. Dans la Wicca traditionnelle, que ce soit en coven ou en solitaire la pratique est primordiale. C'est tellement vrai qu'on définit plus souvent la Wicca par la forme de sa pratique que par quoi que ce soit d'autre. La Wicca s'éloigne déjà d'une religion de masses: ceux qui désirent pas pratiquer n'ont pas grand chose à faire. On ne peux pas ne pas pratiquer et ce dire que la déesse va nous accorder l'initiation de toute façon, de par sa « grande générosité ».

Ensuite, je me suis demandée si on pouvait, dans la Wicca, faire ses prières, ses offrandes et ses rituels sans jamais ressentir la Déesse. Encore non. Dans le christiannisme, aller à la messe et communier suffit, mais dans la Wicca, l'engagement est très profond. Le contact avec les divinités va devenir intime et puissant. Je ne peux pas imaginer la Wicca sans ça, elle aurait perdu une bonne part de son essence, tout même! L'engagement sera inévitablement religieux, spirituel, psychologique et social. La découverte des mystères amène un vécu, une découverte de soi et du monde et une transformation intérieure. Une religion satisfera un besoin de sens à la vie, mais pas nécessairement ça. La Wicca, quand les divinités sont considérées comme des éléments de psychologie (c'est courant), n'est même plus une religion en tant que telle. Le rituel devient un puissant outil de transformation, les divinités des archétypes. La tendance dans cette manière de voir la Wicca est Jungienne. Certaines traditions (ex.: Feri) exigent la croyance à la divinité en tant que divinité et non seulement en tant qu'archétype. Je crois que Gardner avait le bon nom pour la Wicca: un culte.

C'est une peu comme le bouddhisme, qui a en gros deux chemins: le hinayana (le petit véhicule) et le mahayana (le grand véhicule). Le gros de la population bouddhiste pratique le hinayana, dans lequel on croit que seuls certains peuvent atteindre l'éveil, les autres se contentant de récolter un bon karma. C'est une religion de masse: sa croyance n'oblige pas toute personne à rechercher l'éveil, et la plupart ne le font pas. Dans le mahayana, l'éveil est accessible à tous (à condition de le vouloir et de faire ce qu'il faut pour)et il doit être recherché dans cette vie-ci. Il y a très peu d'adeptes, et ce sont des moines. C'est exigeant et sa pousse vers une transformation intérieure. La Wicca est un peu comme le mahayana, où chacun peut atteindre la déesse, faire de la magie et suivre les cycles de la nature. Une forme de paganisme syncrétiste est souvent confondue avec la Wicca comme je la définit: elle est l'équivalent du hinamaya. Les bouddhistes ont eu la bonne idée de donner deux noms différents aux deux chemins, ce que nous n'avons pas fait. Cette « Wicca » passe pour une religion (c'est vrai) avec une déesse, un dieu, et une forme comme celle de la Wicca. C'est encore vrai. La forme est la même, mais il lui manque l'essence, le contact avec la déesse, être la déesse, les mystères, le vécu indescriptible par définition, ésotérique. C'est une religion exotérique, et ce n'est pas la Wicca, pas celle que j'aime tant. Les deux se ressemblent, les deux peuvent se nourrir, s'enrichir en apprenant l'un de l'autre, les deux sont complémentaires et riches, mais pas pareils. Le bouddhisme, dans mon exemple, n'est autre que ce paganisme syncrétique particulier, qui est la même religion dans les deux voies. Au bouddhisme aussi sont liées d'énormes notions de psychologie.

Ensuite, les lois et les règles. S'il fallait que la Wicca convienne à tous, il lui faudrait des dogmes. Or la Wicca, c'est une religion sans dogmes. Son conseil, le wiccan rede, et un conseil et une base qui sert à poser un jugement éthique. Une éthique, pas une morale, donc qui change d'une personne à l'autre. L'essai sur l'éthique décrit assez bien en quoi ça ne peut convenir à tous, je ne le réécrirai pas. Dans la pratique en coven, il y a des règles, variant d'un coven à l'autre. Ses règles-là ne définissent pas la Wicca et ne sont pas par conséquend des dogmes, elles se contente de définir la manière de fonctionner du groupe. Il y a quelques règles générales sous-entendues, qui découlent directement du respect du voeu de secret et du désir d'intimité, comme de ne pas révéler l'emplacement d'un coven ou le nom des membres. Comme n'importe quoi d'autre pour un wiccan, c'est à penser à chaque fois en fonction de valeurs, en particulier le respect.

Il n'y a pas longtemps, j'ai vu apparaître sur beaucoup de sites wiccans une morale écrite pour les newbies. Ne fais pas si, ne fais pas ça, fais ci, fais ça. Ce que j'ai lu avait beaucoup de sens et provenait directement des notions de respect. Ce qui m'a inquiété, c'est le besoin d'écrire ça. La Wicca serait-elle en train de devenir une religion de masses, de perdre son essence d'indépendance et de liberté? Ceux pour qui c'est écrit sont ceux qui ne sont pas capable d'avoir une éthique, de juger à même les valeurs. Ces gens-là, chercheront-ils? Yront-ils jusqu'à la déesse, la blanche comme la noire, et ses plus rudes mystères? Offriront-ils la bienvenue à la mort qui vient détruire ce qu'ils sont? Quelqu'un qui ne pousse même pas sur le raisonnement personnel de l'éthique, comment pourrait-il faire ça? Est-on en train, pour accomoder cette masse de gens, de détruire ce que l'on a tant appris à aimer? La forme n'a pas changé, mais son essence se perds.

La Wicca se meurt, et on m'a toujours enseigné que ce qui meurt doit renaître, transformé. M'aiderez-vous à faire renaître la Wicca?

Tam



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