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© Grigorovskij, Ocerki Narumskogo Krnja, 1882   

Devin ours

Le chaman Mazotka avait décidé de faire une séance chamanique, sur la demande d’un paysan nommé Egor, à qui on venait de dérober les colliers de ses chevaux. La séance débuta dans l’obscurité la plus complète ainsi que l’exige la coutume.

Mazotka était alors allongé sur le sol, pieds et mains liés, quand il commença d’appeler ses esprits : ours, chiens, renards, les priant de lui révéler la place où étaient cachés les colliers volés. Puis, par trois fois, il prononça une formule magique, incompressibilité pour le commun des mortels khantes.

Un long silence s’ensuivit, soudain troublé par des bruits semblant venir du toit de l’isba desquels se détachait le grognement très distinct d’un ours, suivi de l’aboiement d’un chien, auquel succédèrent les jacassements d’une pie puis un long hululement de grand duc. 

Ces cris se firent entendre à plusieurs reprises. Soudain, les cordes qui enserraient notre chaman se délièrent d’elles-mêmes lorsqu’une force inconnue les projeta au visage d’Egor. Mais durant tout ce temps Mazotka, tel un corps sans vie, gisait sur le sol. Semblant ne plus respirer, il ressemblait à un cadavre. 

Son immobilité parut interminable jusqu’à ce que reprennent les mêmes cris d’animaux. Enfin ce fut le profond silence.

Aux premières lueurs des flammes nous le vîmes toujours allongé sur le sol. Il avait le visage mouillé et sa chemise était trempée par la sueur. Après s’être reposé quelque temps, Mazotka se décida de parler. 

Après la séance, je demandai au chaman ce qu’il lui était arrivé lorsque l’obscurité fut faite en éteignant le feu alors qu’il était ligoté sur le sol. Il m’expliqua que les esprits l’avaient transporté sur les lieux du vol puis lui avaient montré les colliers dans leur cachette. 

Je voulus savoir aussi pourquoi il avait tant transpiré et pour quelles raisons il semblait si fatigué mais il ne sut me répondre sinon en m’assurant que cette séance fut pour lui une épreuve terrible. Et ce fut tout, il ne prononça pas un mot de plus  

Les Khantes sont les derniers hommes de la planète à vénérer l’ours. L’homme à sa mort devient un ours et l’ours est bien un ancêtre de l’homme. Donc le chaman étant homme est aussi ours.  

Il était une fois, dans les temps anciens, un chasseur aussi chaman, pas un simple chaman mais une sorte de magicien-sorcier. Lorsqu‘il allait à la chasse, il passait par une forêt dans laquelle ils s‘arrêtait près d’un certain arbre. 

Cette transformation lui permettait de capturer plus facilement ses proies. La chasse terminée, pour redevenir chasseur, il revenait à l’arbre et en faisait trois fois le tour, mais en sens inverse. 

Tout allait bien ainsi jusqu’au jour où quelqu‘un coupa l’arbre alors qu’il était à ses chasses. De ce fait, jamais l’ours-chaman ne put retrouver sa nature humaine et resta définitivement ours.  

Emmanuel Désveaux, cité par Boris Chichlo, rapporte du Canada, de chez les Indiens Cree, le témoignage suivant, daté du 10 septembre 1980.

Un mauvais et méchant chaman voulait attaquer un de ses confrères. Aussi, pour exécuter ses sombres desseins, il se transforma en ours noir. C’était au milieu de l’hiver et l’autre chaman était dans un camp de chasse, très loin de là. Bien que les ours ne sortent jamais en hiver l’ours noir sortit de la forêt et attaqua le camp. Il renversa les tentes et voulut se ruer sur les gens.

Comme il était féroce et furieux, ceux-ci s’affolèrent. Mais le chef du camp, le chaman contre qui l’attaque était dirigée, était un grand chasseur. il prit alors son fusil et tira. L’ours touché à mort continua cependant comme si de rien n’était. Alors, le chasseur qui était aussi un grand chaman, chargea son fusil avec une balle “avec médecine dedans” et tira à nouveau. 

L’ours s’écroula, tué sur le coup. Au même moment, à plusieurs miles de là, le mauvais chaman mourait lui aussi.

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