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© Archives Gossain, Jens Robins |
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Tambour possédé |
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Nous sommes là, nous arrivons dans votre pays avant l’œil de la journée. Comme les esprits faisaient entendre leurs voix, Avko fut si embarrassé qu’il ne pouvait pas le cacher. |
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Tambour et peaux de rideaux grondèrent et au même rythme Avko frappa le disque de peau. Au milieu d’un fracas étourdissant Avko cria: |
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- Eteignez la lampe! |
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A peine Katuarnak avait-il éteint que le tambour ensorcelé sauta sur Avko et tapa contre son dos nu. Et le tambour continua ainsi, tantôt sur le sol, tantôt sur le dos de son maître. |
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Maintenant Avko était possédé (silanigpok, terme qui signifie à peu près “a reçu le savoir universel”)_ et il arrêta le tambour vivant. Comme Avko était toujours assis en gémissant; Katuarnak lui demanda: |
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- N’as-tu rien vu? |
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Avko répondit.’ |
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- Si, ils sont là. | |||||
Et comme il souffla d’esprit; le tambour chanta sauvagement et les peaux de rideau bruissèrent. Avko se mit à conjurer pour faire partir le souffle de son corps. |
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- Haj, haj’h. |
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Sa voix descendit dans l’abîme et juste au moment où elle se tut; elle resurgit et s ‘associa à son corps. Ceci se répéta plus que trois fois car le souffle des angakok vraiment importants quitte le corps six fois. Les moins doués n’y arrivant que trois fois. |
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La sixième fois qu‘Avko chassa le souffle de son corps, il tomba très profondément dans l’abîme et finit par un cri épouvantable. Avant que l’écho de ce cri se fût éteint; la peau destinée à s‘asseoir se mit à frotter contre les carreaux du sol et le tambour se balança avec une grande force. |
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On entendit un esprit entier tandis que les peaux de rideaux ondoyaient tout doucement. L’esprit poussa un « Aniô, Aniô ». Quelqu’un imita sa voix et l’esprit arriva en planant et s’arrêta devant la personne en question. Aniô plana d’un bout à l’autre de la maison à une vitesse vertigineuse. |
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Enfin l’esprit s’arrêta près du seuil et de là, vola à travers le couloir de l’entrée. | |||||
Les esprits effrayants se succédaient, chacun avec sa voix. On imitait leurs voix et on les fuyait quand ils arrivaient. Chaque fois qu’un nouvel esprit entrait; le tambour s’arrêtait mais les peaux de rideaux ondoyaient doucement. |
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Chaque fois qu‘un esprit quittait la maison, un coup de tempête traversait la maison et le tambour et les peaux de rideaux s’agitaient de façon assourdissante. [..] |
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Ajarqisak poussa un long soupir. le tambour tape plus fort que jamais et les peaux du rideau firent du bruit comme si toutes les puissances les avaient conquises. |
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Ensuite Ajarqisak poussa de longs soufflements et comme il n’était pas possible d’arrêter ni le tambour ni les peaux de rideaux, il sortit par le couloir de l’entrée. |
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Trois soirées de suite Avko conjura ses esprits et personne ne doutait que les grands angakok d’autrefois allaient être réanimés dans le jeune homme. |
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Un jour Avko demanda à Kargardik si quelqu‘un avait envie d’assister à son enlèvement par le grand ours et par le morse. On répondit « oui, nous viendrons pour voir Avko jouer comme un enfant [cette réponse était évidemment très blessante pour Avko mais il ne répondit pas]. |
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Le lendemain, dans le courant de l’après-midi, les gens venus à Norsin étaient très nombreux. Avant que la nuit ne succédât au jour, apporta de longs piquets de tente à l’intérieur de la maison [...]. |
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Des peaux de phoques assemblée étroitement par des lanières solides ne laissant que des sortes de judas entre elles Pipent accrochées à l’intérieur de la tente. Quand tout fut prêt; Avko s’avança sur le sol et assit sur la peau devant l’ouverture d’entrée sans être attaché. |
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Il demeura calme et muet un moment.. Puis soudain il se mit à crier à pleins poumons, à travers le couloir de l’entrée: |
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- Nivnerilepanga ! [Ils ne me croient pas! Venez m’aider]. |
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A peine eut-il crié que le tambour se mit en action et lorsqu‘il fut fortement animé, Avko ordonna d’éteindre les lampes. |
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A l’instant même où les lampes furent éteintes. le loquet commença à craquer. Et les forces qui le secouaient furent de plus en plus puissantes. |
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Tout se mit à gronder et à craquer. Les gens situés derrière en furent stupéfaits. Tout d’un coup loquet; tambour et peaux de rideaux s’arrêtèrent en même temps et un silence oppressant s‘installa. |
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Avko se mit à conjurer et à invoquer pour réanimer le tambour et les peaux mais comme rien ne se passait; il resta assis très calmement. |
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Cependant; de temps en temps, il prononçait quelques mots. Au moment où tout espoir de voir se passer quelque chose semblait perdu, un bruit effroyable se fit entendre tandis qu‘une brève vibration traversait le tambour et la peau. Puis tout redevint silencieux. |
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Par trois fois on assista aux mêmes phénomènes lorsque le silence fut interrompu par un grognement sourd qui semblait s’approcher en augmentant jusqu’à devenir un véritable hurlement. Le son se dirigeait vers le couloir de l’entrée d’où venaient aussi des bruits de grattements provoqués par des griffes probablement énormes. |
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Impatients, tous les gens se groupaient près des judas. On pouvait voir nettement dans la lumière de la pleine lune traversant les fenêtres d’intestin, car elles n ‘étaient pas obturées. |
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A l’extérieur du couloir on entendit alors le monstre mordre dans la dernière peau du rideau qui se détacha en grinçant. Puis le monstre apparut. C’était un ours gigantesque. Il posa ses pattes de devant sur le seuil et avança tout l’avant de son corps dans la cavité de la maison. |
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Il gronda profondément de la poitrine et lorsqu ‘il souffla, une odeur âcre d’algues pourries piqua le nez des spectateurs tandis que le loquet était secoué fortement. |
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Personne ne voyait Avko et au moment où l’on en venait à penser « où est Avko ? », l’ours se mit à flairer le tambour. |
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Il continua de sentir mais arrêta ses reniflements quand il fut de l’autre côté de l’instrument. A ce moment le pauvre Avko se mit à crier, comme fou de douleur. |
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Quand l’ours encore hurlant se traîna les pieds les premiers à travers le couloir de la maison, le cri mourut de façon horrible. |
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Comme la peau du rideau, qui était déchirée, la peau du tambour était crevée. On remit le tambour à sa place d’origine. Avko semblait mort. [..] |
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Les gens se mirent alors à appeler Ajarqisak: | |||||
- Ton maître n ‘est pourtant pas malade, n ‘est pas hors d’état de se réveiller, viens ! viens nous aider! | |||||
Le désarroi était à son comble quand les peaux de rideaux se mirent à claquer. Et tout le monde de se ressaisir et d’encourager au mieux les esprits à revenir. Soudain le tambour tressaillit mais très mollement. Il était très affaibli. Alors on lui cria avec angoisse et espoir: |
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- Tambour, tambour prends donc de la force! | |||||
Le tambour en effet gagna en puissance, de plus en plus, jusqu‘à gronder comme si la peau eût encore été tout entière . |
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