Les Lacunes de l'Education Nationale au Cameroun
Yves Tchapda (10-03-05)
Le Cameroun comme la plupart d'autres pays Africains, continue d'avoir une éducation
qui relève toujours du colonialisme et purement basée sur les données fixées par les Occidentaux
et pour les occidentaux depuis l'ère de la colonisation. Notre éducation a du mal à repondre
aux besoins immediats de l'Afrique, car elle est mal orientée, inadaptée et ineffective.
Perspective Historique
Pendant la periode de colonisation, le blanc a voulu former le nègre à son image.
Cette éducation avait pour but de perpetuer l'asservissement psychologique du noir, visant à le maintenir
dans un état de complexe d'inferiorité, afin qu'il continue de promouvoir les valeurs occidentales.
Pour cela il fallait lui parler des heros Francais, Anglais, Portuguais, Espagnols et Allemands.
On envoyait certains nègres distingués poursuivre leurs études en metropole avec
l'espoir qu'en rentrant au bercail,
ces derniers allaient continuer de repandre la bonne nouvelle de la "civilisation caucasique".
Dans le cas du Cameroun francophone, cette éducation mirroitait l'éducation francaise alors
que dans le Cameroun Britannique, l'on repliquait le systeme Anglais. Aucun effort n'avait jamais été
engagé pour adresser les imperatifs du Cameroun. Pour le colon, le Cameroun bien comme d'autes pays d'Afrique
ne devait servir que d'extension aux valeurs occidentales, sur le plan politique, psychologique et culturel.
Le Systeme Actuel
Après l'independance, l'on aurait pensé que le systeme d'éducation allait changer, avec l'arrivée des
indigènes aux rênes de l'état. Il est
inévitable que le changement n'allait pas se faire du jour au lendemain, mais suivrait un cours
qui, au fil des annees, devait de plus en plus se pencher vers les nécessites locales.
Il est surprenant qu'apres plus de quatre decennies d'independance, rien n'a pratiquement changé. Tout
au contraire, les choses ne font qu'empirer, surtout dans cette globalisation qui menace l'éradication
de la culture Africaine. Le problème de l'éducation au Cameroun se pose à plusieurs niveaux.
Enseignement de l'Histoire
Il est tres evident que beaucoup de Camerounais sont plus aptes à reciter l'histoire de l'Europe que leur
propre histoire. Lorsque j'étais en classe de 5ie, nous étions censés maitriser l'histoire de la France.
Le nègre enseignait au nègre l'histoire de Louis XIV, Marie Antoinette, Napoleon, etc. L'on nous demandait
d'étudier la guerre de Prusse, pour laquelle nous étions les moindres concernés.
Pourquoi faut-il que le nègre d'Afrique soit interessé
à la revolution française ou sur les guerres menées par la France? A quoi cela sert à l'Africain?
Cette histoire nous donne-t-elle quelque valeur que ce soit?
Je m'interroge.
En classe de 4ie, qui était une classe bilingue, la situation etait encore pire. Cette fois il fallait consommer
une double dose de l'histoire Européenne. Non seulement pendant les leçons d'histoire, nous etions soumis
aux recits des exploits de la France, mais qussi durant les cours du "history", nous etions cette fois bourrés
de l'histoire de la Grande Bretagne, se repandant de la reine Elizabeth I
jusqu'aux explorateurs Livingston et Stanley!
Tres peu est connu des héros Camerounais tels que Martin Paul Samba, Douala Manga Bell, etc. Pendant
que les Anglais enseignent à leurs enfants l'histoire de Guy Fawkes qui a failli detruire
le parlement Britannique en 1605, au Cameroun, les enfants n'ont jamais appris
l'histoire de Ouandji, Ndongmo, etc des annees 1970. Les
grands personnages qui ont été vilipendés à tort ou à raison, tels que Um Nyobe,
n'ont-ils aucune place reservée dans l'histoire du Cameroun?
Les Allemands et les Anglais apprennent les degats de la 2ie guerre mondiale, perpetrés par chaque camp,
mais au Cameroun, on refuse à la jeunesse de connaitre les crimes systematiquement orchestrés
par la France dans la region Bamileke.
Enseignement des Langues
Le plus grand drame et les lacunes les plus serieuses sont au niveau de l'enseignement des langues.
Le Cameroun est beni pour sa multitude de langues et sa grande diversité culturelle.
Cette richesse culturelle devrait être un atout à cherir, à
exploiter, et à preserver jalousement. La politique de globalisation que le monde traverse actuellement
est une veritable menace pour nos valeurs culturelles, notre patrimoine. Malheureusement,
beaucoup d'enfants grandissent au cameroun, incapable de s'exprimer dans une langue Camerounaise.
L'important n'est pas seulement de parler la langue de ses parents, mais au moins pouvoir s'identifier
à une langue camerounaise. Il est absolument inadmissible que le Camerounais (Africain) s'exprime couramment
dans une langue occidentale, mais a du mal à parler une langue Camerounaise.
Les parents ont un rôle tres important là-dessus, mais le gouvernement doit
ultimement s'assurer que tel est le cas.
Les jeunes de l'enseignement secondaire sont obligés d'apprendre
l'Espagnol et l'Allemand, et à la vieille epoque, on enseignait meme le latin!
Quelle est l'importance de l'Allemand comme langue internationale?
Beaucoup de Camerounais qui ont emigré en Allemagne, incapable de prononcer un mot en Allemand parle
couramment Allemand. Est-il necessaire d'obliger les jeunes à apprendre une troisieme langue occidentale?
Pourquoi ne pas dedier deux heures par semaine, à leur apprendre
le Douala, le Foulbe, le Bangangté, ou l'Ewondo?
Enseignement de la Philososphie
J'ai déjà eu à debattre ce sujet avec des litteraires Camerounais
et je vais m'évertuer de réiterer ma position dans cette rubrique.
J'ai suivi des cours de philosophie en classe de Terminale C. Jusqu'aujourd'hui, je suis baffoué
par l'importance que l'on attache à cette matière, surtout dans le contexte Africain.
Lors d'une discussion avec mes collegues Anglais, je leur ai demandé de me citer quelques philosophes Anglais.
L'un d'entre eux m'a sarcastiquement demandé ce que c'est que la philosophie. Ils etaient très surpris
qu'en afrique, au lieu de nous concentrer sur une éducation essentielle pour notre
dévéloppement, nous apprenons la philosophie des anciens caucasiens, alors que la famine ravage
ce continent. Ils m'ont fait comprendre qu'ils n'avaient jamais étudié la philosophie et n'en trouvaient aucune
necessité de le faire. La philosophie est très peu enseignée en Angleterre, pourtant L'Angleterre est
actuellement la troisieme économie dans le monde, après l'USA et le Japon.
Avons nous vraiment besoin de cette philosophie en Afrique, alors que nous sommes reduits par la famine?
Ce debat n'a fait que confirmer le faible respect intellectuel que j'ai pour cette matière qui n'apporte
rien à l'Africain.
A quoi sert-il d'apprendre l'existentialisme de Jean-Paul Sartre aux Africains qui ont des besoins
plus pressants? Le doute de Descartes a-t-il place dans cette Afrique affamée?
L'Africain a-t-il besoin de se douter? Descartes a dit:
"Je pense, donc je suis", l'Africain dit: "J'ai faim, donc je suis".
Les Europeens ont atteint un certain niveau où ils peuvent se permettre le luxe de cogiter sur des
principes philosophiques. De nos jours où la science en Europe est en train de prendre des tournures delicates,
la necessité de reflechir sur les conséquences de cette science demande une certqine
approche philosophique. Par exemple,
il y a lieu de prendre du recul et philosopher sur des principes tels que les avancées nucleaires, la génétique,
la dégradation de l'ozone par des abus chimiques, les explorations planetaires, l'importance de la relativité
sur la creation de l'univers, etc. Nous autres Africains n'avons pas atteint ce niveau. Nous avons des besoins
immediats, plus pressants, et autant mieux orienter nos faibles ressources humaines vers ces besoins.
Lorsque l'on debat avec un philosophe Africain, tout ce qui sort de lui ne sont que des
citations des philosophes Occidentaux tels que Voltaire, Rabelais, Jean-Paul Sartre, Kant, etc.
A cette heure des grandes convergences scientifiques et technologiques
entre l'Asie et l'Occident, l'Afrique court le risque d'être abandonnée dans ce monde où la
science et la technologie sont devenues imperativement et irrefutablement liées au dévéloppement. Il ne faut
voir que le miracle des "Tiger Economies" de l'Asie du Sud-Est, pour saisir l'enjeu.
Il revient au gouvernement Camerounais d'orienter les ressources de manière appropriée,
ceci signifie reduire les matières dont l'importance n'est pas immediatement palpable.
Enseignement des Sciences
Dans ce domaine, les lacunes sont aussi retentissantes. L'éducation que nous recevons au cameroun
est l'héritage du système Français, avec toutes ses failles et ses limitations. Pire encore, le modèle
que nous avons adopté depuis de longues dates ne tend qu'a accentuer le succes aux examens, sans
aucun égard sur la praticalité de ce qui est enseigné.
Par exemple, lorsqu'un un élève de Seconde C prend ses premiers cours de Chimie,
on lui apprend le concept des atomes et des molécules. A la fin de l'année, il sait que
la fusion de deux atomes d'Hydrogène et un atome d'Oxygène produit une molécule d'eau (H2O). Il maîtrise que
le sel marin (Chlorure de Sodium) vient de la combinaison entre un atome de Chlore et un atome de Sodium.
Au delà de ces formules chimiques, il n'a aucune idée de ce que cela represente en réalite.
Pourtant, ce sont de simples experiences qui peuvent faire naître l'esprit d'investigation
scientifique à cette étape très importante.
En Première C, les élèves en classe de physique décortiquent les principes de l'électricité.
On leur apprend qu'un conducteur parcouru d'un courant électrique dans un champ magnétique subit une force,
ce qui est le principe du moteur electrique. Cependant aucune séance n'est dediée au laboratoire pour
qu'ils voient de très près le principe appliqué sur des exemples réels. Il en est de meme des élèves de
Terminale C qui sont si aptes à dechiffrer la formule du deplacement d'un electron sur un écran phosphorique
sous l'effet du champ electrique, mais sont incapables de former des similitudes avec le monde réel.
Des brillants élèves de Terminale D sont soumis aux études des sciences naturelles. Ils apprennent
des concepts importants tels que la mitose, l'ADN, les enzymes, les chromosomes, etc. Mais demandez
leur s'ils ont déjà vu une cellule animale ou végétale.
Pourtant à notre epoque, les Anglophones participaient déjà aux séances de laboratoire.
Un Anglophone, au terme de son "A-levels", pouvait associer ses études aux
réalités pratiques, ce qui n'a jamais été vrai pour un bachelier,
à moins qu'il se soit orienté specifiquement dans un domaine technique,
ce qui est restraint.
En bref, il y a une très faible motivation politique de former
de véritables investigateurs scientifiques chez nous.
Notre système a toujours placé un grand accent sur la réussite des examens,
une formation de diplomés, l'élitisme intellectuel, sans aucune orientation vers ce qui est
vraiment important. Il faut seulement prendre l'exemple du système d'éducation de certains
pays du tiers monde comme la Malaysie, l'Indonésie, l'Inde, etc pour comprendre notre retard
du point de vue éducation de base. Pourtant, nous avons des élèves dont l'intelligence
est comparable à n'importe quel élève dans le monde, mais qui malheureusement sortent
d'une université Camerounaise deçus, ayant subi une formation très limitée.
Comment Améliorer Cette Education?
Il y a beaucoup de mesures que le gouvernement pourrait prendre pour adresser
les lacunes de notre éducation, bien sûr après avoir combattu la gangrène de la corruption:
- Se concentrer sur l'enseignement de l'histoire du Cameroun et de l'Afrique. Quelques évènements
significatifs dans le monde peuvent être mentionés, tels que la deuxième guerre mondiale, les differentes
crises de la guerre froide. Mais, l'histoire de l'Afrique devrait rester suprême. Rehabiliter
les heros Africains, relater les effets de la colonisation sous une perspective Africaine,
au lieu de detourner les faits comme c'est le cas en lisant les bouquins ecrits par
les Européens vis à vis de l'Afrique. Le Français ne connait pas l'histoire de l'Angleterre.
L'Anglais a tres peu d'interets sur toute histoire qui n'inclu pas leurs familles royales.
Pourquoi devrait-on appeler l'Africain à connaitre l'histoire des excès de de Napoleon, Louis XIV,
King Henry 8th, Elizabeth I, Victoria, etc.
- Choisir une ou deux langues nationales et les enseigner aux enfants dès leur entrée
à l'école primaire, au meme titre que le Français et l'Anglais.
- Encourager plus la créativité, l'intuition, et la manière methodique de resoudre
les problèmes aussi bien intellectuels que pratiques,
au lieu de toujours se borner sur le système courant des examens, surtout dans les
classes scientifiques.
- Avoir une veritable reflexion sur les necessités scientifiques/techniques, et proceder
à une orientation des ressources vers ce domaine. Actuellement,
L'Afrique en générale, et le Cameroun en particulier souffre d'une carrence aigue de medecins.
Il est impensable que 15% seulement de la population ait accès à des soins de santé.
au Cameroun, il y a un docteur pour chaque 12000 habitants! Bien sûr ce problème est dû à un nombre
de facteurs, mais il faut reconnaître que l'insuffisance d'une formation appropriée de medecins
au Cameroun est l'un des facteurs de cette penurie.
Il y a un grand nombre d'universités au Cameroun, mais c'est dommage qu'il n'y ait officiellement
qu'une seule école de medecine (Sans compter l'Université des Montagnes). Non seulement,
nous avons des difficultés à produire plus de medecins, il devient de plus en plus difficile
de les retenir, alors que les maladies tropicales continuent de faire rage.
Un autre domaine où le gouvernement ferait mieux de lancer un appel à une reflexion et mobilisation
générale est au niveau de l'enseignement d'une technologie adaptée au milieu Africain.
Cet enseignement pourrait évouluer en parallèle avec la formation classique d'ingénieurs.
Si possible, ouvrir des centres de formation specialisés dans le dévéloppement de la technologie
adaptée à l'environement tropical. Encourager les ingénieurs locaux et ceux de la diaspora à concentrer
quelques efforts qui aboutiraient à la mise à jour d'une telle technologie. Cela ne demande qu'une
volonté politique, ce qui est actuellement un problème fondamental pour la plupart des regimes Africains.
- Reconnaître la valeur intrinsèque des enseignants. Dans la plupart des pays Africains,
et au Cameroun en particulier, les enseignants, de nos jours, ne jouissent
plus du respect qu'ils meritent et que la societe se doit de leur donner. Ils sont généralement lésés,
démotivés, alors que la jeunesse a besoin plus que jamais, de leur inspiration, leur dévouement, et leurs
efforts. Comment expliquer qu'on accorde plus d'importance à un simple membre du parti au pouvoir
qu'à un enseignant, qui devrait plutot être consideré comme l'un des pilliers de la societé.
Où sont nos priorités?
- etc, etc.
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