Agar (1955)
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- Je préfère la solitude aux médiocres.
La discussion tourne court. J'ai honte d'avouer que je préfère les médiocres à la solitude.
(p.85)
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C'est une des illusions que je conservai le plus longtemps: croire que je pourrais
convaincre un homme, quelle que fût sa méfiance, en m'ouvrant complètement à lui,
en me livrant sans défense.
(p.139)
(Edition Correa/Buchet /Chastel. 1955. Collection Folio)
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Le Nomade immobile (2000)
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A la suite de l'un de mes romans, on m'a beaucoup interrogé sur le mariage mixte. Ne rédigeant
pas une traité sur le mariage (j'aimerai le faire un jour), je me résume: tout mariage est
difficile à réussir, mais le mariage mixte, surtout religieux, l'est encore plus. En faisant
bien la part, bien entendu, des différences de tempérament, qui sont quelquefois plus
importantes que les différences culturelles. Et en faisant une grande part, surtout , à la
différence qui vient des sexes: nous n'avons pas les mêmes rythmes, ni le même système
émotionnel, ni les mêmes intêrets, ni le même projet existentiel. Hommes et femmes étant
déja bien assez surprenants les uns pour les autres, mieux vaut ne pas ajouter des
difficultés aux difficultés. Ce n'est pas trahir ma compagne que de faire un tel aveu -
nous sommes ensemble depuis cinquante ans: il m'arrive de deviner qu'elle aussi, de temps
en temps, a eu envie d'une vie conjugale moins complexe. Aux jeunes gens qui se lancent
dans cette aventure, je dirais: « Si vous voulez vivre la mixité, demandez-vous d'abord
si vous en avez la force. »
(p.60/61)
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L'exil n'a pas que des inconvénients. Il est aussi riche de fécondités.
(p.97)
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La dimmension Juive
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D'une manière plus générale, je suis préoccupé par le destin des juifs dans le monde.
Non seulement par solidarité, mais aussi parce que je pense que cette commune
condition retentit sur ma vie.
(p.104)
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Les juifs ont porté à l'extrême ce retournement: ils ont fait de leur malheur
historique une élection métaphysique.
(p.106)
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Aucun attachement ne doit être si serré qu'il n'empêche d'avancer.
(p.113)
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L'histoire nous a toujours rattrapés. A Paris même, au moment où j'écris ces lignes,
on recommence à se plaindre d'un trop plein de juifs à la télévision, à la radio,
au barreau, dans le corps médical, comme s'il fallait un quota de juifs à ne pas
dépasser, comme si les juifs n'étaient pas des citoyens comme les autres. Le rappel
des camps nazis commence à agacer comme une incongruité: comme si cette aberration
de l'humanité ne concernait qu'eux.
(p.120/121)
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Qu'est ce qu'être juif? ... il me semble surtout que c'est une condition; c'est-à-dire
un ensemble de relations avec les autres et avec soi-même. Etre juif (comme du reste
être français, ou arabe, ou femme) n'est pas un choix, c'est une contrainte plus au
moins acceptée, mais qui s'impose à nous...
(p.122)
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Quoi qu'il en soit, j'ai soutenu qu'être juif, ce n'est pas seulement être considéré
comme tel, mais être traité d'une certaine manière, subir un certain destin.
(p.122)
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Lorque des juifs iraniens sont menacés de mort, je sens en moi le frisson de la mort.
(p.122)
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Cette condition objective, on peut la revendiquer ou la refuser: on ne peut ni la nier,
ni si soustraire totalement.
(p.123)
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Il s'ensuit qu'être juif n'est pas seulement un fait objectif; c'est une manière
d'expérimenter le monde.
(p.123)
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J'ai tendance à penser que la condition juive est généralement vécue comme une
blessure jamais complètement cicacritée.
(p.123)
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Ce qui nous est arrivé, à nous, juifs, est pire: on a voulu sciemment nous tuer. Tous.
(p.124)
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Etre juif, c'est encore une manière de se conduire pour surmonter les handicaps du
minoritaire et de l'accusé, pour affronter la suspicion dans laquelle on vit, pour
contrer la menace permanente. La solidarité des juifs - on la leur reproche mais c'est
un fait - est une réponde à cette commune condition.
(p.125)
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Je me sens mieux parmi les juifs, parce que j'ai le sentiments, à tord ou a raison,
d'y être moins en danger.
(p.125)
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Le sionisme n'est pas plus critiquable que les autrs mouvements de libération nationale;
plut moins, en vertu de ses ambitions moralisatrices, feintes ou réelles.
(p.129)
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On a le droit d'être différent, on n'a pas le droit d'imposer ses différences aux autres.
(p.131)
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Autres thèmes
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...la culture est devenue la religion des laïques.
(p.156)
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Les Eglises sont par nature exclusives et anthropophages.
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Personne n'a le droit de vous demander de renoncer à vous-même.
(p.207)
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Je croyais trouver dans la philosophie une formule magique pour aborder n'importe quel
problème. Contre mon habitude j'avais même choisi un modèle parmi les grands hommes
de l'Antiquité. our connaître la bonne direction, sinon pour découvrir la solution,
il me suffirait de me demander : «Qu'en aurait pensé Marc-Aurèle ? »; « Qu'aurait
décidé Marc-Aurèle ? ». Pourquoi Marc-Aurèle ? Parce que ce philosophe de l'Antiquité
était un moraliste, et que, sans le savoir clairement, j'en était un. Je le sui toujours.
Ce qui arrive aux homem, ce qu'il faudrait pour qu'ils un sort meilleur, me préoccupe
par dessu-tout.
(p.209)
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J'ai même assez peu d'illusion sur l'emploi qu'on fait généralement de la raison. Ce
n'est le plus souvent qu'un effort, la tentative d'abiller d'une mince pellicule des
comportements dictés par l'émotion, les préjugés,les superstitions, les réactions
spontanées d'appartenance.
(p.217)
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Notre vie est une constante négociation entre le rationnel, l'imaginaire et nos émotions.
(p.217)
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J'ai mis plus de temps à comprendre qu'il fallait en outre être un philosophe heureux.
Non seulement ce n'était pas contradictoire, mais être l'un sans l'autre aurait été une
duperie.(..)
(p.266)
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Qui n'a pas pas été heureux durant sa vie a été floué, en effet, parce qu'il n'y en a
pas d'autre. Pour moi, en tout cas, j'ai lentement appris que c'est en cela
principalement que consiste l'échec d'une vie. La sagesse marche sur deux pattes : la
connaissance et le contentement de soi.
(p.266)
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S'il fallai résumer encore plus, je dirais que j'ai décidé d'être humaniste, laïque et
rationaliste: humaniste pour la morale, laïque pour l'organisation sociale, et
rationaliste pour la pensée.
(p.277)
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Ses désirs se faisant moins vifs, comme le vin, le philosophe se bonifie en vieillissant.
Les pulsions sont moins vives, il est vrai. A l'instar de ces gens qui font graver sur
leur tombe ce qui leur paraît leur principal mérité, je souhaite que l'on mette sur la
mienne : « Il a tenté d'être sage et réussi quelquefois à être heureux. »
(p.277/278)
(Edition Arléa.Octobre 2000)
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liens: Courte note biographique,
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