Jean-Paul Sartre (1905-1980)

Réflexions sur la question juive (1946)

[Une lecture indispensable.]


  • L'antisémitisme ne rentre pas dans la catégorie de pensées que protège le Droit de libre opinion.
    D'ailleurs c'est bien autre chose qu'une opinion. C'est d'abord une passion. (p.10)

  • ..si le Juif n'existait pas, l'antisémite l'inventerait. (p.14)

  • C'est donc l'idée qu'on se fait du Juif qui semble déterminer l'histoire, non la « donnée historique » qui fait naître l'idée. (p.18)

  • Mais comment peut-on choisir de raisonner faux ? C'est qu'on a la nostalgie de l'imperméabilité. (p.20)

  • L'antisémite a choisi la haine parce que la haine est une foi; il a choisi originellement de dévaloriser les mots et les raisons. (p.22)

  • ..un homme qui trouve naturel de dénoncer des hommes ne peut avoir notre conception de l'humain;... (p.24)

  • Aussi nommerais-je volontiers l'antisémitisme un snobisme du pauvre. (p.30)

  • Chacun juge de l'histoire selon la profession qu'il exerce. (p.42)

  • Destructeur par fonction, sadique au coeur pur, l'antisémite est, au plus profond de son coeur, un criminel. Ce qu'il souhaite, ce qu'il prépare, c'est la mort du Juif. (p.58)

  • [A propos de l'antisémite: ]
    Nous somme en mesure, à présent de le comprendre. C'est un homme qui a peur. Non des Juifs certes: de lui-même, de sa conscience, de sa liberté, de ses instincts, de ses responsabilités, de la solitude, du changement, de la société et du monde; de tout sauf des Juifs.
    C'est un lâche qui ne veut pas s'avouer sa lâcheté;... (p.62)

  • En adhérant à l'antisémitisme, il n'adopte pas simplement une opinion, il se choisit comme personne; (p.63)

  • L'antisémitisme, en un mot, c'est la peur devant la condition humaine. (p.64)

  • [Le démocrate: ]
    Ainsi le démocrate, comme le savant, manque le singulier: l'individu n'est pour lui qu'une somme de traits universels. Il s'ensuit que sa défense du Juif sauve le juif en tant qu'homme et l'anéantit en tant que Juif....
    « Il n'y a pas de Juif, dit-il, il n'y a pas de question juive. ». Cela signifie qu'il souhaite séparer le Juif de sa religion, de sa famille, de sa communauté ethnique, pour l'enfourner dans le creuset démocratique, d'où il ressortira seul et nu, particule individuelle et solitaire, semblable à toutes les autres particules. C'est ce qu'on nommait, au Etats-Unis, la politique d'assimilation. (p.67)

  • On peut déceler chez le démocrate le plus libéral, une nuance d'antisémitisme; Il est hostile au Juif dans la mesure où le juif s'avise de se penser comme Juif. (p.68)

  • L'antisémite reproche au Juif d'être Juif; le démocrate lui reprocherait volontiers de se considérer comme Juif. (p.69)

  • ..pour nous, l'homme se définit avant tout comme un être « en situation ». (p.72)

  • Les Juifs qui nous entourent n'ont plus avec leur religion qu'un rapport de cérémonie et de politesse. Je demandais à l'un d'eux pourquoi il avait fait circoncire son fils. Il me répondit: « Parce que ça faisait plaisir à ma mére et puis c'est plus propre. » (p.79)

  • Le Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif: voilà la vérité simple d'ou il faut partir. (p.84)
    [YF:voir l'anecdote du maire de Vienne au début du 20me siècle [Karl Lueger ?] qui malgré ses thèses publique antisémites avait des amis juifs. Lorque lon le lui faisait remarquer, il répondait : « Wer Jude ist bestimme Ich. »(Je décide qui est juif)

  • Ainsi, le Juif est en situation de juif parce qu'il vit au sein d'une collectivité qui le tient pour Juif. (p.88)
    [YF: Voir Georges Friedmann: « Fin du peuple juif ? » (1965)]

  • Vigoureusement attaqué, faiblement défendu, le Juif se sent en danger dans une société dont l'antisémitisme est la tentation perpétuelle [YF:je souligne] (p.89)

  • c'est parce qu'on ne l'accueille jamais comme un homme, mais toujours et partout comme le Juif, que le Juif est inassimilable. (p.121)

  • Le Juif qui rencontre un autre juif dans le salon d'un chrétien est un peu comme un Français qui rencontrerait un compatriote à l'étranger. (p.124)

  • Le rationalisme des Juifs est une passion: La passion de l'universel. (p.134)
    [YF:voir Nietzche - Le gai savoir, $348 p.298 ]

  • Il n'y a pas une manière juive de faire des mathématiques;... (p.135)

  • Ainsi le rationalisme auquel le Juif adhère si passionnément, c'est d'abord un exercice d'ascèse et de purification, une évasion dans l'universel:... [YF:Je souligne] (p.136)

  • Il [le Juif] se méfie de l'intuition parce qu'elle ine se discutte pas, et que par suite, elle aboutit à séparer les hommes. (p.138)

  • Il y a donc chez le Juif une inclination marquée à croire que les pires difficultés se laissent résoudre par la raison;... (p.152)

  • ..le sang juif que les nazis ont versé retombe sur toutes nos têtes. (p.164)

  • Ainsi l'authenticité, lorqu'elle conduit au sionisme, est nuisible aux Juifs qui veulent demeurer dans leur patrie d'originelle,parce qu'elle donne des arguments à l'antisémite. (p.170)

  • la situation du juif est telle que tout ce qu'il fait se retourne contre lui. (p.171)

  • ...c'est une communauté quasiA historique . Ce qui fait le Juif, c'est sa situation concrète; ce qui l'unit aux autres Juifs, c'est l'identité de situation. (p.176)

  • ..nous sommes tous solidaires du juif puisque l'antisémitisme conduit tout droit au national-socialisme. (p.182)

  • [dernière phrase du livre: ]
    Pas un Français ne sera libre tant que les Juifs ne jouiront pas de la plénitude de leurs droits. Pas un Français ne sera en sécurité tant qu'un juif, en France et dans le monde entier , pourra craindre pour sa vie. (p.185)
    voir sur mon site: Un poème du pasteur Niemoëller écrit à Dachau


    (Edition Gallimard. 1954. Collection Idées)



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Le diable et le bon Dieu (1951)


  • Les nouvelles ne sont jamais mauvaises pour celui que Dieu a élu. (Acte I p.14)

  • La violence, c'est bon pour ceux qui n'ont rien a perdre. (Acte I p.16)

  • ...il suffit qu'un seul homme en haïsse un autre pour que la haine gagne de proche en proche l'humanité entière. (Acte I p.101)

  • Quand Dieu se tait, on peut lui faire dire ce que l'on veut. (Acte II p.116)

  • On ne peut pas devenir saint quand on travaille sieze heures par jour. (Acte II p.130)

  • Le jardinier peut décider de ce qui convient aux carottes, mais nul ne peut choisir le bien des autres à leur place. (Acte II p.135)

  • ...je ne réponds pas toujours quand on m'appelle, tant ça m'étonne, parfois d'avoir un nom. (Acte II p.158)

  • Tu ne seras jamais pareil à eux. Ni meilleur ni pire: autre. Et si vous tombez d'accord, ce sera par malentendu. (Acte III p.237)

    (Librairie Gallimard. 1951 . Livre de Poche)



voir:
En bref,   Notes sur Sartre de l'Université de Strasbourg,  

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dernière mise à jour : 14/01/2002