Fanny Swhattzer expliqua à Boudedieu l'originalité des monades comme point de départ à une explication des préoccupations de Biel.
- Je dis bien préoccupations car dans la phénoménologie fondamentale, il faut faire abstraction des réalités telles qu'elles nous apparaissent pour saisir les fondements de la connaissance tels qu'ils sont, par-delà les apparences. On dit dans notre jargon: "faire l'épochè". En d'autres mots, oublier tout ce qu'on connaît pour reconstruire un monde différent, un monde précédant nos perceptions actuelles... Mais je vais passer à l'unité première de la connaissance qu'on appelle monade... Une monade c'est une donnée pure en elle-même, qui existe par elle-même, c'est une existence en soi qui se révèle à nous sous un jour pur, dégagé de toute contingence... D'elle découle toute une conception des perceptions que la monadologie fondamentale va présiser par elle-même en tant qu'existence autre que la nôtre mais pouvant communiquer avec nous comme être en soi. Une monade existe individuellement mais habituellement elle se présente sous forme de groupement. La communication qu'on a avec elle ou le groupement d'ICELLES, est toujours perçue comme pur être, dégagé des simulacres de définitions passées et habituellement accrochées à nous perceptions. Un exemple simple va vous guider vers la compréhension de la perception monadique. Avez-vous déjà éprouvé le coupe de foudre ? Lorsque deux êtres dans une perception immédiate concoivent qu'ils sont faits l'un pour l'autre... La sensation s'accompagne d'absence de réflexion. Elle est entière, dégagée de réflexion... Les deux amoureux se possèdent l'un dans l'autre.
- Comment pourriez-vous me préciser le rapport avec la personnalité de Biel ? demanda Boudedieu qui sans vouloir montrer qu'il ne comprenait pas grand chose désirait tout de même que son enquête avance...
- Nous sommes ici devant la cheminée de l'hôpital... Pour Biel, la vision de cette cheminée n'existe pas. Il ne voit en elle qu'une fusée prête à s'env
oler vers une cible... La cheminée transformée en fusée va occuper le champ de sa conscience. La vision va se multiplier et se décaler. Dans la psychologie traditionnelle, on dira qu'il y a une vision addictive... En phénoménologie, on dira qu'il y a une monade qui s'est présenté dans le champ de la perception pour l'occuper entièrement... Dans la gestalttheorie, on dira qu'une forme s'est juxtaposée pour obnubiler les formes de pensées précédentes. Et une m^me monade peut provoquer une multiplication des perceptions mais d'une seule forme. Passez à une autre monade, celle d'un monde détruit par la guerre. Les deux monades vont s'associer pour laisser voir la fusée et le ravage causé à un block de maisons. Vous avez Monsieur Boudedieu une première monade... Considérez celle-ci, qui se présente à vous au haut de la côte et qui constituera dans une perception monadique pure un désastre, même si vous savez fort bien qu'il s'agit de la réfection de bâtiments délabrés... La première monade "fusée", la seconde monade "maisons délabrées" vont créer un groupement de monades qui fera penser, dans une esprit comme celui de Biel, à fusée-lancée-sur-bâtiments-guerre.