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Le récit de grand'maman Antoniche dura encore un bon bout de temps, malgré l' impatience visible du mari, Anton, sur le visage duquel l'émotivité perçait. Il sembla cependant à Boudedieu que l'activité des enfants, même fébrile, ne pouvait,à elle seule, être la cause d'une telle agitation, de la part du mari qui n'envisageait pas le détective... | ||||||||||||
Profitant d'un moment de relâche de la dame, il demanda à Anton Antoniche si Biel Biguel avait pris part au banquet. - Je n'y étais pas, Monsieur... La maladie dont je souffre m'empêche de faire bien des choses. Regardez ce corps, siège des joies de vivre, dans le passé... Ce faisant, Anton montrait ses mains, ses bras décharnés....tout en continuant de parler... -... devenu aujourd'hui une prison de douleurs. Oh ! Je n'exagère pas vous savez... Tout bascule dans la maladie; tout s'assombrit; tout s'atonie, devrais-je dire... Plus d'intérêt, plus d'ambition.... Regardez ma terre. Elle vous apparaît bien entretenue ? Bien... Je n'y ai mis aucun travail. Tout a été fait par des employés... - Allons, Anton, monsieur Boudedieu t'a demandé si tu avais vu Biel... Il ne t'a pas interrogé sur ton état de santé - C'est ça ! C'est ça ! Plus même le droit de parler ! Vous voyez où ça mène la maladie, Monsieur ? Plus le droit à l'expression... Une vraie calamité ! Comme en régime totalitaire... Non, non, je n'ai pas vu Biel, je n'y étais pas. Non, je ne vis plus en démocratie... - Quant à moi, enchaîna dame Antoniche, le repas m'avait fatiguée, Je suis montée à ma chambre presque tout de suite, ajouta-t-elle, d'une voix plus calme. J'ai vu mon beau-fils vers la fin de la soirée, après qu'on m'eut prévenue du départ prochain des mariés. Biel dansait alors en compagmnie de la belle-mèere de la jeune épouse. - Comment était-il ? demanda le détective. - Le contraste était frappant, reprit de plus belle la vieille dame en se méprenant sur le sens de la question. Elle était énorme, courte, vêtue d'une robe d'organza verte... Evidemment, elle souffrait de graisse, d'éléphantisme... Oui, le mot convient mieux... Biel était grand, très fort, tout en muscles. Elle avait le front large, les yeux vifs, le menton volontaire d'une femme de commerce. Il la dominait avec un visage violacé, marqué de plaques rouges, stigmates d'un alcoolisme avancé. Il avait les yeux dans le vague. Il avait bu beaucoup... Ils ont dansé ensemble jusqu'au départ des mariés. |
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