" Qu'est-ce que c'est que ça ?" fut la première pensée de Boudedieu à la vue de l'homme.
Bozo avait les lèvres épaisses: il tenait en quelque sorte du gorille. Ensuite, il avait les yeux enchassés dans des arcades sourcilières sombres, fanées, pour ne pas dire noires. Le nez était long mais écrasé, en forme de tomate trop mure. Les dents avancées ressemblaient à des mandibules de fourmis. Les oreilles battaient au vent comme des portes de granges. Des cheveux d'ébène poussaient en désordre sur un crâne luisant qui se laissait apercevoir sous les poils rares. Et pardessus-tout, le corps était petit, rattatiné, comme celui d'un petit vieillard de quatre-vingts ans...
Lanchard, qui connaissait Bozo, observait le visage impavide de Boudedieu. Il devinait sous cette apparence désinvolte la surprise sinon la déroute de son chef. Mais, il avait tendance à prendre la chose à la légère. "Quand il aura fait connaissance avec Bozo, j' aviserai à propos des conduites à adopter pour l'occasion."
- Benoît-Onézime-Zoé-Ovide De La Ribambelle,dit-il en enlevant le masque et les survêtements dont il s'était affublés pour amuser ses hôtes.
Boudedieu fit mine de rien, comme s'il avait eu été prévenu par Lanchard. Ensuite,il décrivit l'état de l'enquête qu'il menait. Il ajouta qu'il y avait possibilité de meurtre sur la personne de Biel Biguel, mais, on en était encore à l'état des présomptions, des suppositions, des hypothèses, quoi!
- L'objectif principal de votre travail sera de découvrir s'il y a eu des activités de Biel qui le reliaient à la drogue. Et de là, s'il se pourrait que Martine, sa femme, fut elle-même mêlée à ce commerce. Vous avez l'entière liberté concernant les moyens à utiliser pour découvrir si les hypothèses sont fondées.
- Tu ne t'ennuieras pas à Québec, de ce temps-ci, on est en pleine saison touristique. Mais, au fait, as-tu visité la ville ?
- Pour en avoir entendu parler... C'est la première fois que j'y viens... J'entends passer quelques heures avec toi pour me renseigner et ensuite j'explorerai, seul, les diverses avenues de mon travail.
- Vous pouvez disposer, fit Boudedieu à l'adresse de Lanchard et de Bozo. Pourquoi n'iriez-vous pas en ville, tous les deux, pour parler de ce que ton invité pourrait désirer savoir tout en lui montrant les plus beaux paysages du coin.
- Non! non! répartit Bozo. J'aime bien connaître mon public tout seul. C'est au bureau que je parlerai avec Lanchard.