Mesmerizing

Liz Phair Articles



Liz Phair
la fille prodigue
interview Bruno juffin

[NOTE: The following article is in French -- YES, French. If any kind soul who can read French is willing to translate this article, it would be much appreciated!]


Il y a fort à parier que pas une fée ne manquait à l'appel lorsque la petite Liz étrenna son premier berceau. Dire de la demoiselle qu'elle a l'esprit agile serait un euphémisme: dans le genre belle mécanique intellectuelle elle est assez impressionnante et se paie le luxe d'avoir sorti presque par mégarde un disque qui ressemble fort à un classique instantané. Laissant aux martyres professionnels le soin de gravir leur Golgotha binaire, elle concilie avec une étonnante souplesse passion et dilettantisme. Si Claire Bretecher avait troqué ses crayons contre une guitare rythmique, elle n'aurait pas mis davantage de férocité allègre à croquer le portrait du petit peuple rock...


LIZ PHAIR: Je suis née dans une famille très bourgeoise, mon père est docteur. Mes parents aimalent la musique classique et aussi les Beatles, Joni Mitchell et le jazz. Je me souviens avoir entendu des opéras rock comme Jesus Christ Superstar, la musique était tenue en haute estime dans notre famille. Mais mes parents n'aimaient pas trop tout ce qui est "culture pop", en fait, mon père détestait ça. Donc, en un sens, on peut considérer le fait que je me sois mise au rock comme un petit acte de rébellion. Quand j'étais enfant, j'ai pris des leçons de piano et fatalement, je me suis lassée de faire des exercices et de dechiffrer des partitions. Donc, j'ai entrepris d'écnre mes propres chansons et quand je suis entrée au lycée. je me suis mise à la guitare parce que ma meilleure amie prenait des leçons de guitare et que j'en étais très jalouse. J'ai pris des cours et la même chose s'est produite: je n'avais pas envie de jouer des chansons de James Taylor et donc, j'ai commencé à composer mes chansons. J'étais censée jouer les chansons des artistes folk préférés de mon prof de guitare mais ça ne me plaisait vraiment pas et je n'ai jamais pris beaucoup de plaisir à faire des reprises. J'aimais tout ce qoi passait à la radio, le rock, la pop, mais je n'ai jamais été une collectionneuse de disques. Je dois avoir une demi douzaine d'albums chez moi, un Jesus & Mary Chain, le "Sorry Ma" des Replacements, un Soul Asylum et du reggae dub, des chants de moines...

Et "Exile on Main Street"...
LIZ: Celui là j'ai bien dû l'écouter cent cinquante fois! C'est le seul disque dont je ne me sois jamais lassée.

Songiez vous à l'album des Stones lorsque vous ayez composé les chansons d'"Exile in Guyville"?
LIZ: Non, pas exactement. Je n'ai pas écrit en fonction de l'album des Stones, mais je m'en suis servi pour structurer mon disque. J'ai juxtaposé mes chansons sur celles des Stones, ça m'a permis de leur donner on ordre.

Ainsi "6'1"" serait l'équivalent de "Rocks off" et "Strange loop" correspondrait à "Soul survivor" ?
LIZ: Exactement. C'est juste une question de préférences personnelles, j'adore ce groupe...

"Exile on Main Street" est peut-être le disque le plus brouillon des Stones, et votre album donne l'impression dêtre sous-produit plutôt que sur-produit. Est-ce volontaire?
LIZ: Oui, toot à fait. J'ai été remarquée par Matador parce que j'avais enregistré sur un quatre pistes et que les bandes avaient pas mal circulé. Ensuite, je n'ai pas voulo trop m'éloigner de ce que j'avais fait. J'ai accepté que l'on ajoute quelques détails, mais le moins possible. Je ne suis ni une grande chanteuse ni une super guitariste, ce sont mes chansons que je voulais faire ressortir.


Ce disque n'est pas un journal intime. J'écris sans forcément me confesser! J'ai crée un petit monde imaginaire au sein duquel je raconte des histoires qui ne sont pas nécessairement autobiographiques.


Votre jeu de guitare évoque parfois celui de Keith Richards et sur "Mesmerizing", vous avez une façon de chanter "I like it" qui fait penser à "It's only rock'n'roll"...
LIZ: Oui, et pourtant ces chansons avaient déjà été écrites lorsque j'ai décidé de calquer l'agencement de mon disque sur celui des Stones. Je pense m'être bien débrouillée dans ce domaine en me contentant de petites allusions et d'échos... Mais je n'ai jamais repris les chansons des leurs, à part "Beast of Burden".

Les Stones ont longtemps pratiqué la provocation à connotations sexuelles. et vous avez pu remarquer que tous les critiques citent les mêmes extraits de votre album. Des paroles comme "Je veux être la reine des pipeuses" vous ont rapidement rendue célèbre...
LIZ: C'est idiot, mais c'est ainsi que fonctionne la presse. Je ne prends pas ça trop au sérieux et mes parents non plus. Le fait que ce soient toujours les mêmes citations accrocheoses qui ressortent ne prouve rien sinon l'incapacité des joornalistes à trouver quelque chose d'intéressant ou d'original à raconter. Je m'y suis faite.

Quand dans "Fuck and run" vous parlez d'une gamine de douze ans qui multiplie les aventures d'une nuit, il ne faut donc pas le prendre trop au sérleux?
LIZ: Bien sûr qur non. C'est de l'imagination pure et simple. C'est ce que beaucoup de gens semblent avoir du mal à comprendre. Ce disque n'est pas un journal intime. J'écris sans forcément me confesser! J'ai creé un petit monde imaginaire au sein duquel je raconte des histoires qui ne sont pas nécessairement autobiographiques.

Il y a des titres plus légers, comme "Soap Star Joe" oú vous semblez vous payer Ia tête de l'Américain tel que la télé le représente....
LIZ: Oui, les Américains se croient obligés de se voir eux-mêmes en ces termes. On les élève en leur inculquant des idées ridicules et ils avalent ça tout rond. Le modèle auquel ils tentent de se conformer n'est qu'un personnage de télévision; un petit pantin de carton-pâte. Mais ils font de gros efforts pour lui ressembler et ils sont très fiers quand ils y parviennent. C'est un idéal tellement creux que l'on ne peut que s'en moquer. Même ceux qui aujourd'hui prétendent avoir de plus nobles aspirations ne sont pas fondamentalement différents. Maintenant c'est très a la mode de se prendre pour une grande conscience, mais ça ne prouve rien.

Et croyez-vous que les adolescentes vont prendre leur raquette de tennis et poser devant leur miroir en jouant de la guitare comme Liz Phair?
LIZ: J'en suis sûre! J'ai déjà vu cela se produire. Mais il n'y a pas encore de clones de Liz Phair, car je n'ai pas de look très facilement identifiable. Je m'habille de façon très ordinaire.

Et ces photos déshabillées sur le livret du CD, d'où viennent-elles?
LIZ: Ce n'est pas moi qui pose sur ces photos; sauf sur la demière. II s'agit d'une fille nommée Christie Stevens qui pose, je voulais que la pochette illustre la façon dont l'image de la femme est façonnée par les hommes. Christie pose et les photos de garçons qui restent bouche bée sont passablement ridicules. C'est une plaisanterie, une sorte de petite bande dessinée...

Vous jouez donc sur l'ambigüté de ces photos, et vos paroles aussi peu vent être à double tranchant, voire même franchement mystérieuses, comme sur "Help me Mary", où vous chantez "Ils jouent avec moi comme avec un pitbull dans une cave". Que voulez-vous dire par là?
LIZ: C'est ma façon d'évoquer le traitement que j'ai parfois subi dans le milieu rock, et le pitbull est une référence à la façon dont on dresse les chiens de garde en les excitant, en les provoquant et en les battant au fond d'une cave. Les gens que je visais dans cette chanson sont les "rock'n'roll dudes", les mecs branchés rock, qui m'ont vraiment mise en colère. C'est pour ça que je chante que "je ferme ma porte à clef...". Ces mecs sont comme une putain d'armée! Tous les types qui veulent être des "rock'n'roll dudes" doivent porter les mêmes vêtements, mener la même vie, avoir la même collection de disques et acheter les mêmes fanzines! C'est complètement régenté! Et tout ce genre de chose me dégoûte, donc quand j'ai vu que ma vie menaçait d'être envahie par ces mecs qui mènent de petites vies dénsoires, j'ai réagi! Ils sont tous pareils, ils ne valent pas mieux que des midinettes, même les plus intellectuels d'entre eux suivent le mouvement comme des lemmings! Ils se targuent d'être des individus originaux mais ils sont totalement ringards. Donc une femme qui en arrive à faire du rock sans avoir suivi le parcours orthodoxe et qui a un point de vue qui n'a pas été contaminé par le petit fétichisme rock masculin aura fatalement un regard ironique sur ces mecs. Si vous allez au lycée en Amérique, vous verrez les "jocks" (les gros bras pas très futés) s'en prendre aux "wimps" (les intellos binoclards), et donc quand les intellos grandissent, ils sont en colère et ils forment leur propre armée, ils se servent de leur intellect comme d'une arme et ils considèrent qu'ils en savent plus que tout le monde. Ils adoptent un uniforme, portent des chemises en flanelle et de grosses chaussures de travail, ce qui leur donne l'impression dêtre virils et d'appartenir à la classe ouvrière....

C'est de là que vient le mot "guyville"?
LIZ: Oui, Guyville c'est ça. C'est l'armée B. L'armée A est composée des gens qui ont la force physique et l'armée B de ceux qoi détiennent la force intellectuelle, et qui marchent au pas sans utiliser cette force intellectuelle pour vivre libres. Ils l'utilisent pour former un clan et se sentir en sécorité. Ils forment le bataillon des meet branchés rock. C'est Guyville! Je préférerais mourir plutôt que de sortir avec un habitant de Guyville!


"Les mecs se targuent d'être des individus originaux mais ils sont totalement ringards. Donc une femme qui en arrive à faire du rock sans avoir suivi le parcours orthodoxe et qui a un point de vue qui n'a pas été contaminé par le petit fétichisme rock masculin aura fatalement un regard ironique sur ces mecs."


A l'évidence, vous n'êtes pas du genre facilement impressionnable. Comment ces types réagissent-ils face à vous?
LIZ: Suit ils m'adorcnt, soit ils refusent complètement d'avoir affaire à moi. A Guyville, ce qu'il faut c'est être capable de dire ce que l'on pense. C'est pour ça qu'un type comme Steve Albini, qui ne mâche pas ses mots, est idolâtré par les "rock dudes". C'est un petit jeu constant qui veut que vous prouviez que vous ne vous dégonflez jamais. D'ailleurs, j'essaie maintenant de mettre un peu d'eau dans mon vin, parce que j'ai passé tellement de temps à réagir contre Goyville que maintenant j'essaie de vivre avec des êtres humains normaux, de redevenir mol-même.

Vous êtes-vous fait une réputation d'emmerdeuse castratrice auprès de ces types?
LIZ: Je me suit fait une réputation de mangeose d'hommes... On me contidere comme one cassepieds avec qui il est impossible de travailler, je sais qu'on m'a surnommée "Princesse", et sûrement bien d'autres choses encore. On dit que je suis une enfant gâtée, une intrigante. Mais les filles m'aiment bien. Ce sont les jeunes femmes qui réagissent le plus favorablement à ce que je fais: elles se reconnaissent assez facilement dans mes chansons. J'en suit d'ailleurs ravie car j'ai longtemps soupçonné que bien des filles éprouvaient ce genre de ras-le-bol. Mais ce dont je vous parle là ne concerne que cet album en particulier. Quand j'enregistrerai mon deuxième disque, je passerai à autre chose et on verra bien alors si ça touche autant les gens. Cet album a été très calculé, très construit et il a sa propre cohérence interne. Mais la plupart de mes autres chansons n'ont rien à voir avec les mecs, ni avec mes histoires d'amour.

Vous analysez vous-mêmes votre disque avec une parfaite lucidité et un vocabulaire choisi. Est-ce le fruit d'une éducation poussée?
LIZ: Pendant mon adolescente, j'étais une élève modèle. J'aimais apprendre, j'avait l'esprit de compétition. Vers la fin de mes années de lycée, j'ai plus ou moins laissé tomber tout ça, j'ai perdu le goût du succès pour le succès. J'en ai eu assez de toute cette pression qui pesait sur moi, j'en ai eu assez de toujours devoir me surpasser. Ce n'est qu'à l'Université que j'ai vraiment trouvé mon rythme et que j'ai pu me concentrer sur ce qui me plaisait vraiment. J'étudiais l'histoire de l'art et les arts plastiques. On me connaistait plutôt en tant que telle qu'en tant quc musicienne.

Et vous avez renoncé à tout cela?
LIZ: En fait, j'aimerais bien reprendre mes études. Je suit jalouse de mes amis qui sont à la fac en ce moment et qui travaillent. Le rock'n'rolI n'est pas un domaine dant lequel on a tellement l'occasion de faire fonctionner son esprit! Souvent, les gens intelligents qui s'investissent dans le rock ne le font que pour s'encanailler, pour avoir l'illusion de découvrir un mode de vie bohème; je pense être un peu trop cérébrale pour me contenter de ça, j'aimerais me confronter à des défis plus stimulants, écrire un livre, prendre des risquet... Cela étant, j'ai appris pas mal de choses grâce à "Guyville": avant j'étais capable d'étudier et d'écrire, mais je n'étais pat en mesure de me débrouiller dans la vie quotidienne, maintenant, je suit devenue une petite femme d'affaires assez avisée et ça ne m'a pat pris tellement de temps.

Vous avez fait allusion aux arts plastiques et dans "Stratford on Guy"; vous comparez un paysage vu d'avion à un générique de film se déroulant sur un écran. Seriez-vous cinéphile?
LIZ: Et comment! Je vais mettre en scène ma prochaine vidéo que j'ai déjà commencé à filmer et pour ce qui est do cinéma, je suis carrément boulimique. J'aime les cinéastes qui se soucient de l'impact visuel de leurs images, qui ne se soucient pas seulement du fond mais aussi de la forme. Hier soir, nous sommes allés voir "La Belle et la bête" de Cocteau et nous avons ensuite passé des heures à discuter de la façon dont il crée une atmosphère fantastique en utilisant des procédés relativement simples. C'est surtout une question d'éclairage, de jeu entre l'ombre et la lumière... J'ai passé ma vie à voir des films...

Le film de Cocteau entre dans la catégorie que l'on appelait autrefois "Art et Essai". Est-ce là ce que vous préférez?
LIZ: Non, bien sûr que non; je suis tout sauf une snob! J'adore "Star Wars" ou "Alien", je me fiche de savoir si un film est soi disant artistique. Par exemple, j'adore "Blood simple" des frères Coen, à cause des petites surprises que réserve le scénario. Mais quand les frères Coen deviennent trop théâtraux, je les aime moins. Je les préférais quand ils restaient plus proches de la réalité, et se contentaient d'y ajouter une petite touche sinistre.

Vous allez être reçue haut la main à votre U V de cinéma! Et "Barton Fink", qu'en avez-vous pensé?
LIZ: Je l'ai beaucoup aimé, mais ça ne m'a pas vraiment touché au niveau émotionnel. J'ai trouvé l'histoire très habilement construite, mais je ne me suis pas vraiment attachcée au personnage. Il y a cette scène à la fin où Barton Fink semble ignorer l'incendie, si bien que l'on se demande si celui-ci a vraiment lieu. C'est habile, ça crée une ambiguïté intéressante; ce n'est pas comme la fin d'"Angel heart", où pour que tous les spectateurs comprennent bien que l'on a affaire au diable, un producteur a insisté pour que les yeux de Robert De Niro lancent des éclairs rouges. Là, ils prennent les gens pour des imbéciles, et vous voyez, quand une fin est trafiqucée comme ça, je m'énerve franchement. Dans "Barton Fink", la scéne où il se réveille à côté de Judy Davis assassinée est brillante, très surprenante, mais elle me semble un peu gratuite. On ne sait pas si Barton est censé éprouver le moindre sentiment à ce moment, c'est un film virtuose mais un peu gratuit, alors que dans "Blood simple", on se sentait vraiment entramé à la suite des personnages, même quand ils allaient dans un champ pour enterrer un cadavre.

Pour en revenir à "Stratford on Guy", c'est la chanson la plus abstraite de votre disque, je veux dire par là qu'il n'y a pas de rapports affectifs, à l'inverse de la plupart des autres chansons.
LIZ: C'est vrai et, en fait, c'est plus représentatif des chansons que j'écris habituellement. Pour "Exile", je suis partie d'une histoire d'amour que j'ai vécue, une histoire assez floue que je ne suis jamais parvenue à tirer au clair, une histoire pleine de non-dits, qui s'est en grande partie déroulée dans ma tête. J'ai essayé de transcrire dans le disque ce que je croyais s'être produit. Pourtant, la plupart des chansons avaient été écrites longtemps avant que cette histoire ne se produise et, en fait, c'est plutôt dans l'agcncement du disque que j'ai tenté de revenir sur ce qui m'était arrivé. Et dans l'"Exile" des Stones, les paroles de Mick semblent souvent se référer à des personnages spécifiques.

Une des caractéristiques de l'"Exile" des Stones est que le chant est perdu au fond du mix et que les paroles sont quasi indéchiffrables Avez-vous volontairement utilisé le même procédé?
LIZ: Oui, c'est une de mes petites idées. Mais dans le disque des Stones, même si je ne comprends pas tout, il me semble que j'ai une assez bonne idée de ce que chante Mick. J'ai tellement écouté ce disque, que petit à petit en additionnant des bribes de paroles, j'en suis arrivée à avoir l'impression de bien comprendre ce qui se passe dans ces chansons. Par exemple, dans "Rocks off", il y a un personnage qui rentre chez lui, après s'être envoyé en l'air avec une danseuse, et il rencontre une femme qui lui dit "What's the matter with you boy, you don't come around no more, is this gonna close the door on me...?" Donc il y a cette femme qui a l'impression que Mick se detache d'elle, et je me suis misc it sa place, mais je chante que je mesure un mètre quatre vingt au lieu d'un mètre soixante et que je n'en ai plus rien à faire de lui... Dans le disque, soit j'aborde les mêmes sujets que les Stones mais en adoptant un point de vue féminin, soit je réponds aux paroles de Mick, soit encore, je le contredis. Ce sont là mes trois stratégies possibles.


"Le rock'n'roll n'est pas un domaine dans lequel on a tellement l'occasion de faire fonctionner son esprit! Souvent, les gens intelligents qui s'investissent dans le rock ne le font que pour s'encanailler, pour avoir l'illusion de de'couvrir un mode de vie bohème; je pense être un peu trop cérébrale pour me contenter de ça, j'aimerais me confronter à des défis plus stimulants, écrire un livre, prendre des risques...


C'est assez peu fréquent de rencontrer un artiste qui avoue avoir bâti son æuvre en partie en riponse à une æuvre anténeure. La plupart n'aiment pas les comparaisons. Comment réagissez-vous quand vous lisez votre nom et celui de PJ Harvey dans la même phrase?
LIZ: PJ Harvey est très bien, mais c'est quand même révélateur qu'il y ait si peu d'artistes féminines qu'automatiquement on me compare à elle. Pourtant, nous ne faisons pas la même chose! Mais effectivement s'il me fallait moi même me comparer à quelqu'un d'autre, je choisirais sans doute quelqu'un comme elle, ne serait-ce qu'en raison de sa position au sein de l'industrie. Elle est indépendante, elle contrôle tous les aspects de sa carrière, ses vidéos. J'apprécie cela.

Elle vient d'un coin perdu de in campagne anglaise, ce qui ajoute à son image d'indépendance. Dans votre cas, le fait de travailler à Chicago a-t-il eu une influence sur votre image ou votre musique?
LIZ: Pas vraiment. J'ai découvert la musique au gré de mes déménagements, j'ai vécu à New York et à San Francisco. Au lycée, j'écoutais les Buzzcocks ou les Ramones mais je n'ai jamais pris la musique trop au sérieux. Aujourd'hui encore, je peux vous sortir des théories sur le cinéma jusqu'à ce que mort s'en suive, mais si vous me branchcz sur PJ Harvey, je vais vite m'ennuyer. Pour moi, la musique est un peu comme la nourriture: je t'avale, la digère, ensuite, ça ressort... C'est plus proche d'un processus alimentaire que d'un processus analytique. Pour ce qui est de Chicago, je vis dans un quartier qui s'appellc Wicker Park, c'est là que se passe tout ce qui est musique ou ant. C'est le quartier de l'"avant garde", mais c'est aussi un endroit très laid. Les habitants sont assez pauvres, beaucoup sont latinos, ça n'a rien dc joli, en ce moment, quand vient novembre, c'est franchement très moche, au point de presque en devenir effrayant. Mais là, je rentre d'unc tournée et à choisir, je préfère encore la vie à Wicker Park.

Vous n'êtes pas sensible au vieux mythe de la vie sur la route?
LIZ: Quelle gatère! Trimbaler son équipement ça peut devenir franchement pénible. Devoir se réfugier deritère son livre pour avoir la paix...

Vous lisez beaucoup?
LIZ: Pas autant quc je le devrais, je suis un peu la honte de ma famille car mes parents sont de gros lecteurs et m'ont souvent reproché de ne pas en faire assez dans ce domaine. Mais là, je viens de finir "Time's Arrow" de Martin Amis.

L'histoire de l'ancien médecin des camps de la mort qui voit sa vie passer à l'envers?
LIZ: Oui, c'est assez horrible mais il y a pas mat d'humour noir dedans. En fait, c'est un super bouquin et en tournée, c'est vital d'en avoir un sous la main. Sinon, on deviendrait vite totatement abrutie.

Sur scène, quel effet cela vous fait-il de jouer ces vieux riffs à la Keith?
LIZ: En concert, ça va. Les gens ont été bon public jusqu'à présent et je peux me dissimuler derrière ma guitare. Elle me protège des spectateurs, si quelqu'un me jette quelque chose dessus, elle peux me servir de bouclier. Mais ça n'est en rien un substitut à un quelconque phallus! J'étais déjà du genre à savoir ce que je voulais longtemps avant d'en jouer et je n'ai vraiment jamais eu besoin d'un supplément d'hormones mâles!


· discographie MATADDIUMEDIA 7


[Thanks to Fabrice Antonmattei of Paris, France for providing me this magazine.]


Rock Sound, December 1993



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