Il y a fort à parier que pas une fée ne manquait à l'appel lorsque la petite Liz étrenna son premier berceau. Dire de la demoiselle qu'elle a l'esprit agile serait un euphémisme: dans le genre belle mécanique intellectuelle elle est assez impressionnante et se paie le luxe d'avoir sorti presque par mégarde un disque qui ressemble fort à un classique instantané. Laissant aux martyres professionnels le soin de gravir leur Golgotha binaire, elle concilie avec une étonnante souplesse passion et dilettantisme. Si Claire Bretecher avait troqué ses crayons contre une guitare rythmique, elle n'aurait pas mis davantage de férocité allègre à croquer le portrait du petit peuple rock...
LIZ PHAIR: Je suis née dans une famille très bourgeoise, mon père est docteur. Mes parents aimalent la musique classique et aussi les Beatles, Joni Mitchell et le jazz. Je me souviens avoir entendu des opéras rock comme Jesus Christ Superstar, la musique était tenue en haute estime dans notre famille. Mais mes parents n'aimaient pas trop tout ce qui est "culture pop", en fait, mon père détestait ça. Donc, en un sens, on peut considérer le fait que je me sois mise au rock comme un petit acte de rébellion. Quand j'étais enfant, j'ai pris des leçons de piano et fatalement, je me suis lassée de faire des exercices et de dechiffrer des partitions. Donc, j'ai entrepris d'écnre mes propres chansons et quand je suis entrée au lycée. je me suis mise à la guitare parce que ma meilleure amie prenait des leçons de guitare et que j'en étais très jalouse. J'ai pris des cours et la même chose s'est produite: je n'avais pas envie de jouer des chansons de James Taylor et donc, j'ai commencé à composer mes chansons. J'étais censée jouer les chansons des artistes folk préférés de mon prof de guitare mais ça ne me plaisait vraiment pas et je n'ai jamais pris beaucoup de plaisir à faire des reprises. J'aimais tout ce qoi passait à la radio, le rock, la pop, mais je n'ai jamais été une collectionneuse de disques. Je dois avoir une demi douzaine d'albums chez moi, un Jesus & Mary Chain, le "Sorry Ma" des Replacements, un Soul Asylum et du reggae dub, des chants de moines...
Et "Exile on Main Street"...
LIZ: Celui là j'ai bien dû l'écouter cent cinquante fois! C'est
le seul disque dont je ne me sois jamais lassée.
Songiez vous à l'album des Stones lorsque vous ayez composé les
chansons d'"Exile in Guyville"?
LIZ: Non, pas exactement. Je n'ai pas écrit en fonction de
l'album des Stones, mais je m'en suis servi pour structurer mon disque.
J'ai juxtaposé mes chansons sur celles des Stones, ça m'a permis de leur
donner on ordre.
Ainsi "6'1"" serait l'équivalent de "Rocks off" et "Strange loop"
correspondrait à "Soul survivor" ?
LIZ: Exactement. C'est juste une question de préférences
personnelles, j'adore ce groupe...
"Exile on Main Street" est peut-être le disque le plus brouillon
des Stones, et votre album donne l'impression dêtre sous-produit plutôt que
sur-produit. Est-ce volontaire?
LIZ: Oui, toot à fait. J'ai été remarquée par Matador parce que
j'avais enregistré sur un quatre pistes et que les bandes avaient pas mal
circulé. Ensuite, je n'ai pas voulo trop m'éloigner de ce que j'avais
fait. J'ai accepté que l'on ajoute quelques détails, mais le moins
possible. Je ne suis ni une grande chanteuse ni une super guitariste, ce
sont mes chansons que je voulais faire ressortir.
Votre jeu de guitare évoque parfois celui de Keith Richards et sur
"Mesmerizing", vous avez une façon de chanter "I like it" qui fait penser à
"It's only rock'n'roll"...
LIZ: Oui, et pourtant ces chansons avaient déjà été écrites
lorsque j'ai décidé de calquer l'agencement de mon disque sur celui des
Stones. Je pense m'être bien débrouillée dans ce domaine en me contentant
de petites allusions et d'échos... Mais je n'ai jamais repris les chansons
des leurs, à part "Beast of Burden".
Les Stones ont longtemps pratiqué la provocation à connotations
sexuelles. et vous avez pu remarquer que tous les critiques citent les
mêmes extraits de votre album. Des paroles comme "Je veux être la reine
des pipeuses" vous ont rapidement rendue célèbre...
LIZ: C'est idiot, mais c'est ainsi que fonctionne la presse.
Je ne prends pas ça trop au sérieux et mes parents non plus. Le fait que
ce soient toujours les mêmes citations accrocheoses qui ressortent ne
prouve rien sinon l'incapacité des joornalistes à trouver quelque chose
d'intéressant ou d'original à raconter. Je m'y suis faite.
Quand dans "Fuck and run" vous parlez d'une gamine de douze ans
qui multiplie les aventures d'une nuit, il ne faut donc pas le prendre trop
au sérleux?
LIZ: Bien sûr qur non. C'est de l'imagination pure et simple.
C'est ce que beaucoup de gens semblent avoir du mal à comprendre. Ce
disque n'est pas un journal intime. J'écris sans forcément me confesser!
J'ai creé un petit monde imaginaire au sein duquel je raconte des histoires
qui ne sont pas nécessairement autobiographiques.
Il y a des titres plus légers, comme "Soap Star Joe" oú vous
semblez vous payer Ia tête de l'Américain tel que la télé le
représente....
LIZ: Oui, les Américains se croient obligés de se voir eux-mêmes
en ces termes. On les élève en leur inculquant des idées ridicules et ils
avalent ça tout rond. Le modèle auquel ils tentent de se conformer n'est
qu'un personnage de télévision; un petit pantin de carton-pâte. Mais ils
font de gros efforts pour lui ressembler et ils sont très fiers quand ils y
parviennent. C'est un idéal tellement creux que l'on ne peut que s'en
moquer. Même ceux qui aujourd'hui prétendent avoir de plus nobles
aspirations ne sont pas fondamentalement différents. Maintenant c'est
très a la mode de se prendre pour une grande conscience, mais ça ne prouve
rien.
Et croyez-vous que les adolescentes vont prendre leur raquette de
tennis et poser devant leur miroir en jouant de la guitare comme Liz
Phair?
LIZ: J'en suis sûre! J'ai déjà vu cela se produire. Mais il
n'y a pas encore de clones de Liz Phair, car je n'ai pas de look très
facilement identifiable. Je m'habille de façon très ordinaire.
Et ces photos déshabillées sur le livret du CD, d'où
viennent-elles?
LIZ: Ce n'est pas moi qui pose sur ces photos; sauf sur la
demière. II s'agit d'une fille nommée Christie Stevens qui pose, je
voulais que la pochette illustre la façon dont l'image de la femme est
façonnée par les hommes. Christie pose et les photos de garçons qui
restent bouche bée sont passablement ridicules. C'est une plaisanterie,
une sorte de petite bande dessinée...
Vous jouez donc sur l'ambigüté de ces photos, et vos paroles
aussi peu vent être à double tranchant, voire même franchement
mystérieuses, comme sur "Help me Mary", où vous chantez "Ils jouent avec
moi comme avec un pitbull dans une cave". Que voulez-vous dire par
là?
LIZ: C'est ma façon d'évoquer le traitement que j'ai parfois
subi dans le milieu rock, et le pitbull est une référence à la façon dont
on dresse les chiens de garde en les excitant, en les provoquant et en les
battant au fond d'une cave. Les gens que je visais dans cette chanson sont
les "rock'n'roll dudes", les mecs branchés rock, qui m'ont vraiment mise en
colère. C'est pour ça que je chante que "je ferme ma porte à clef...".
Ces mecs sont comme une putain d'armée! Tous les types qui veulent être
des "rock'n'roll dudes" doivent porter les mêmes vêtements, mener la même
vie, avoir la même collection de disques et acheter les mêmes fanzines!
C'est complètement régenté! Et tout ce genre de chose me dégoûte, donc
quand j'ai vu que ma vie menaçait d'être envahie par ces mecs qui mènent de
petites vies dénsoires, j'ai réagi! Ils sont tous pareils, ils ne valent
pas mieux que des midinettes, même les plus intellectuels d'entre eux
suivent le mouvement comme des lemmings! Ils se targuent d'être des
individus originaux mais ils sont totalement ringards. Donc une femme qui
en arrive à faire du rock sans avoir suivi le parcours orthodoxe et qui a
un point de vue qui n'a pas été contaminé par le petit fétichisme rock
masculin aura fatalement un regard ironique sur ces mecs. Si vous allez au
lycée en Amérique, vous verrez les "jocks" (les gros bras pas très futés)
s'en prendre aux "wimps" (les intellos binoclards), et donc quand les
intellos grandissent, ils sont en colère et ils forment leur propre armée,
ils se servent de leur intellect comme d'une arme et ils considèrent
qu'ils en savent plus que tout le monde. Ils adoptent un uniforme, portent
des chemises en flanelle et de grosses chaussures de travail, ce qui leur
donne l'impression dêtre virils et d'appartenir à la classe ouvrière....
C'est de là que vient le mot "guyville"?
LIZ: Oui, Guyville c'est ça. C'est l'armée B. L'armée A est
composée des gens qui ont la force physique et l'armée B de ceux qoi
détiennent la force intellectuelle, et qui marchent au pas sans utiliser
cette force intellectuelle pour vivre libres. Ils l'utilisent pour former
un clan et se sentir en sécorité. Ils forment le bataillon des meet
branchés rock. C'est Guyville! Je préférerais mourir plutôt que de sortir
avec un habitant de Guyville!
A l'évidence, vous n'êtes pas du genre facilement
impressionnable. Comment ces types réagissent-ils face à vous?
LIZ: Suit ils m'adorcnt, soit ils refusent complètement d'avoir
affaire à moi. A Guyville, ce qu'il faut c'est être capable de dire ce que
l'on pense. C'est pour ça qu'un type comme Steve Albini, qui ne mâche pas
ses mots, est idolâtré par les "rock dudes". C'est un petit jeu constant
qui veut que vous prouviez que vous ne vous dégonflez jamais. D'ailleurs,
j'essaie maintenant de mettre un peu d'eau dans mon vin, parce que
j'ai passé tellement de temps à réagir contre Goyville que maintenant
j'essaie de vivre avec des êtres humains normaux, de redevenir mol-même.
Vous êtes-vous fait une réputation d'emmerdeuse castratrice auprès
de ces types?
LIZ: Je me suit fait une réputation de mangeose d'hommes... On
me contidere comme one cassepieds avec qui il est impossible de travailler,
je sais qu'on m'a surnommée "Princesse", et sûrement bien d'autres choses
encore. On dit que je suis une enfant gâtée, une intrigante. Mais les
filles m'aiment bien. Ce sont les jeunes femmes qui réagissent le plus
favorablement à ce que je fais: elles se reconnaissent assez facilement
dans mes chansons. J'en suit d'ailleurs ravie car j'ai longtemps
soupçonné que bien des filles éprouvaient ce genre de ras-le-bol. Mais ce
dont je vous parle là ne concerne que cet album en particulier. Quand
j'enregistrerai mon deuxième disque, je passerai à autre chose et on verra
bien alors si ça touche autant les gens. Cet album a été très calculé,
très construit et il a sa propre cohérence interne. Mais la plupart de mes
autres chansons n'ont rien à voir avec les mecs, ni avec mes histoires
d'amour.
Vous analysez vous-mêmes votre disque avec une parfaite lucidité
et un vocabulaire choisi. Est-ce le fruit d'une éducation poussée?
LIZ: Pendant mon adolescente, j'étais une élève modèle.
J'aimais apprendre, j'avait l'esprit de compétition. Vers la fin de mes
années de lycée, j'ai plus ou moins laissé tomber tout ça, j'ai perdu le
goût du succès pour le succès. J'en ai eu assez de toute cette pression
qui pesait sur moi, j'en ai eu assez de toujours devoir me surpasser. Ce
n'est qu'à l'Université que j'ai vraiment trouvé mon rythme et que j'ai pu
me concentrer sur ce qui me plaisait vraiment. J'étudiais l'histoire de
l'art et les arts plastiques. On me connaistait plutôt en tant que telle
qu'en tant quc musicienne.
Et vous avez renoncé à tout cela?
LIZ: En fait, j'aimerais bien reprendre mes études. Je suit
jalouse de mes amis qui sont à la fac en ce moment et qui travaillent. Le
rock'n'rolI n'est pas un domaine dant lequel on a tellement l'occasion de
faire fonctionner son esprit! Souvent, les gens intelligents qui
s'investissent dans le rock ne le font que pour s'encanailler, pour avoir
l'illusion de découvrir un mode de vie bohème; je pense être un peu trop
cérébrale pour me contenter de ça, j'aimerais me confronter à des défis
plus stimulants, écrire un livre, prendre des risquet... Cela étant, j'ai
appris pas mal de choses grâce à "Guyville": avant j'étais capable
d'étudier et d'écrire, mais je n'étais pat en mesure de me débrouiller dans
la vie quotidienne, maintenant, je suit devenue une petite femme d'affaires
assez avisée et ça ne m'a pat pris tellement de temps.
Vous avez fait allusion aux arts plastiques et dans "Stratford on
Guy"; vous comparez un paysage vu d'avion à un générique de film se
déroulant sur un écran. Seriez-vous cinéphile?
LIZ: Et comment! Je vais mettre en scène ma prochaine vidéo que
j'ai déjà commencé à filmer et pour ce qui est do cinéma, je suis carrément
boulimique. J'aime les cinéastes qui se soucient de l'impact visuel de
leurs images, qui ne se soucient pas seulement du fond mais aussi de la
forme. Hier soir, nous sommes allés voir "La Belle et la bête" de Cocteau
et nous avons ensuite passé des heures à discuter de la façon dont il crée
une atmosphère fantastique en utilisant des procédés relativement simples.
C'est surtout une question d'éclairage, de jeu entre l'ombre et la
lumière... J'ai passé ma vie à voir des films...
Le film de Cocteau entre dans la catégorie que l'on appelait
autrefois "Art et Essai". Est-ce là ce que vous préférez?
LIZ: Non, bien sûr que non; je suis tout sauf une snob!
J'adore "Star Wars" ou "Alien", je me fiche de savoir si un film est soi
disant artistique. Par exemple, j'adore "Blood simple" des frères Coen,
à cause des petites surprises que réserve le scénario. Mais quand les
frères Coen deviennent trop théâtraux, je les aime moins. Je les
préférais quand ils restaient plus proches de la réalité, et se
contentaient d'y ajouter une petite touche sinistre.
Vous allez être reçue haut la main à votre U V de cinéma! Et
"Barton Fink", qu'en avez-vous pensé?
LIZ: Je l'ai beaucoup aimé, mais ça ne m'a pas vraiment touché
au niveau émotionnel. J'ai trouvé l'histoire très habilement construite,
mais je ne me suis pas vraiment attachcée au personnage. Il y a cette
scène à la fin où Barton Fink semble ignorer l'incendie, si bien que l'on
se demande si celui-ci a vraiment lieu. C'est habile, ça crée une
ambiguïté intéressante; ce n'est pas comme la fin d'"Angel heart", où pour
que tous les spectateurs comprennent bien que l'on a affaire au diable, un
producteur a insisté pour que les yeux de Robert De Niro lancent des
éclairs rouges. Là, ils prennent les gens pour des imbéciles, et vous
voyez, quand une fin est trafiqucée comme ça, je m'énerve franchement.
Dans "Barton Fink", la scéne où il se réveille à côté de Judy Davis
assassinée est brillante, très surprenante, mais elle me semble un peu
gratuite. On ne sait pas si Barton est censé éprouver le moindre sentiment
à ce moment, c'est un film virtuose mais un peu gratuit, alors que dans
"Blood simple", on se sentait vraiment entramé à la suite des personnages,
même quand ils allaient dans un champ pour enterrer un cadavre.
Pour en revenir à "Stratford on Guy", c'est la chanson la plus
abstraite de votre disque, je veux dire par là qu'il n'y a pas de rapports
affectifs, à l'inverse de la plupart des autres chansons.
LIZ: C'est vrai et, en fait, c'est plus représentatif des
chansons que j'écris habituellement. Pour "Exile", je suis partie d'une
histoire d'amour que j'ai vécue, une histoire assez floue que je ne suis
jamais parvenue à tirer au clair, une histoire pleine de non-dits, qui
s'est en grande partie déroulée dans ma tête. J'ai essayé de transcrire
dans le disque ce que je croyais s'être produit. Pourtant, la plupart des
chansons avaient été écrites longtemps avant que cette histoire ne se
produise et, en fait, c'est plutôt dans l'agcncement du disque que j'ai
tenté de revenir sur ce qui m'était arrivé. Et dans l'"Exile" des Stones,
les paroles de Mick semblent souvent se référer à des personnages
spécifiques.
Une des caractéristiques de l'"Exile" des Stones est que le chant
est perdu au fond du mix et que les paroles sont quasi indéchiffrables
Avez-vous volontairement utilisé le même procédé?
LIZ: Oui, c'est une de mes petites idées. Mais dans le disque
des Stones, même si je ne comprends pas tout, il me semble que j'ai une
assez bonne idée de ce que chante Mick. J'ai tellement écouté ce disque,
que petit à petit en additionnant des bribes de paroles, j'en suis arrivée
à avoir l'impression de bien comprendre ce qui se passe dans ces chansons.
Par exemple, dans "Rocks off", il y a un personnage qui rentre chez lui,
après s'être envoyé en l'air avec une danseuse, et il rencontre une femme
qui lui dit "What's the matter with you boy, you don't come around no more,
is this gonna close the door on me...?" Donc il y a cette femme qui a
l'impression que Mick se detache d'elle, et je me suis misc it sa place,
mais je chante que je mesure un mètre quatre vingt au lieu d'un mètre
soixante et que je n'en ai plus rien à faire de lui... Dans le disque,
soit j'aborde les mêmes sujets que les Stones mais en adoptant un point de
vue féminin, soit je réponds aux paroles de Mick, soit encore, je le
contredis. Ce sont là mes trois stratégies possibles.
C'est assez peu fréquent de rencontrer un artiste qui avoue avoir
bâti son æuvre en partie en riponse à une æuvre anténeure. La plupart
n'aiment pas les comparaisons. Comment réagissez-vous quand vous lisez
votre nom et celui de PJ Harvey dans la même phrase?
LIZ: PJ Harvey est très bien, mais c'est quand même révélateur
qu'il y ait si peu d'artistes féminines qu'automatiquement on me compare à
elle. Pourtant, nous ne faisons pas la même chose! Mais effectivement
s'il me fallait moi même me comparer à quelqu'un d'autre, je choisirais
sans doute quelqu'un comme elle, ne serait-ce qu'en raison de sa position
au sein de l'industrie. Elle est indépendante, elle contrôle tous les
aspects de sa carrière, ses vidéos. J'apprécie cela.
Elle vient d'un coin perdu de in campagne anglaise, ce qui ajoute
à son image d'indépendance. Dans votre cas, le fait de travailler à
Chicago a-t-il eu une influence sur votre image ou votre musique?
LIZ: Pas vraiment. J'ai découvert la musique au gré de mes
déménagements, j'ai vécu à New York et à San Francisco. Au lycée,
j'écoutais les Buzzcocks ou les Ramones mais je n'ai jamais pris la musique
trop au sérieux. Aujourd'hui encore, je peux vous sortir des théories sur
le cinéma jusqu'à ce que mort s'en suive, mais si vous me branchcz sur PJ
Harvey, je vais vite m'ennuyer. Pour moi, la musique est un peu comme la
nourriture: je t'avale, la digère, ensuite, ça ressort... C'est plus
proche d'un processus alimentaire que d'un processus analytique. Pour ce
qui est de Chicago, je vis dans un quartier qui s'appellc Wicker Park,
c'est là que se passe tout ce qui est musique ou ant. C'est le quartier de
l'"avant garde", mais c'est aussi un endroit très laid. Les habitants sont
assez pauvres, beaucoup sont latinos, ça n'a rien dc joli, en ce moment,
quand vient novembre, c'est franchement très moche, au point de presque en
devenir effrayant. Mais là, je rentre d'unc tournée et à choisir, je
préfère encore la vie à Wicker Park.
Vous n'êtes pas sensible au vieux mythe de la vie sur la
route?
LIZ: Quelle gatère! Trimbaler son équipement ça peut devenir
franchement pénible. Devoir se réfugier deritère son livre pour avoir la
paix...
Vous lisez beaucoup?
LIZ: Pas autant quc je le devrais, je suis un peu la honte de ma
famille car mes parents sont de gros lecteurs et m'ont souvent reproché de
ne pas en faire assez dans ce domaine. Mais là, je viens de finir "Time's
Arrow" de Martin Amis.
L'histoire de l'ancien médecin des camps de la mort qui voit sa
vie passer à l'envers?
LIZ: Oui, c'est assez horrible mais il y a pas mat d'humour noir
dedans. En fait, c'est un super bouquin et en tournée, c'est vital d'en
avoir un sous la main. Sinon, on deviendrait vite totatement abrutie.
Sur scène, quel effet cela vous fait-il de jouer ces vieux riffs
à la Keith?
LIZ: En concert, ça va. Les gens ont été bon public jusqu'à
présent et je peux me dissimuler derrière ma guitare. Elle me protège des
spectateurs, si quelqu'un me jette quelque chose dessus, elle peux me
servir de bouclier. Mais ça n'est en rien un substitut à un quelconque
phallus! J'étais déjà du genre à savoir ce que je voulais longtemps avant
d'en jouer et je n'ai vraiment jamais eu besoin d'un supplément d'hormones
mâles!