La Chaine Litteraire
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MARRAINE DE GUERRE

Correspondance d'un Matelot Corse à une Jeune Canadienne
pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
ISBN 0-9685368-0-8


Carmen et Yolande 1939

 
AVANT-PROPOS
 
Je savais depuis mon enfance que maman avait un correspondant pendant la guerre 39-45, j'ai toujours été curieuse de savoir les secrets que ces lettres contenaient. Maman gardait précieusement toutes les lettres de cet ami lointain et elle nous refusait toujours la permission de les lire. Elle les gardait cachées et sous clé, pour une raison qu'elle ne nous a jamais dévoilée. Nous pensions qu'elle considérait probablement ces lettres comme des lettres d'amour. . . . Quelques mois avant sa mort en 1983, elle a donné à ma nièce Julie un petit coffret de cèdre contenant ses précieuses lettres avec l'instruction de les conserver en bon état.

En 1993, à l'occasion d'une visite à Québec chez ma soeur Jocelyne, je me suis rappelé d'un fait que je voulais vérifier dans le précieux courrier de ce cher matelot corse. J'avais mentionné à une amie que ce monsieur était l'ami intime d'Antoine de St-Exupéry(1). Je me suis toujours demandé si c'était bien vrai. J'avais un bon souvenir que maman m'ait parlé de son correspondant de guerre et qu'elle m'avait encouragée alors à lire un de ses livres, 'Le Petit Prince'.

À la lecture de ces documents vieux de cinquante ans, qui nous était interdite, j'ai découvert pourquoi j'avais le souvenir d'avoir associé St-Exupéry à Carmen. Dans la lettre du 10 février 1949, il lui avait envoyé une photo de Vincent, son bébé, lui écrivant qu'il l'avait surnommé Le Petit Prince. J'avais huit ans à l'époque et c'est à la suite de la lecture de cette lettre que maman m'avait encouragée à lire l'histoire du Petit Prince d'Antoine de St-Exupéry. C'est donc de là que l'idée d'amitié entre Carmen et Antoine s'établit dans mon esprit.

À huit ans, élevée à la campagne, loin du brouhaha de la grande ville, ce correspondant qui écrivait de si loin était pour moi quelque chose d'unique parce que les enfants de mon entourage n'avaient pas, à ma connaissance, un parent qui recevait des lettres d'outre-mer. Maman m'avait expliqué que l'Europe était très très loin, et que la mer nous en séparait. Je connaissais la mer et son immensité pour avoir vécu plusieurs étés en Gaspésie chez mes grands-parents maternels qui demeuraient à New-Richmond sur la Baie des Chaleurs. A cet âge, j'étais bien impressionnée par l'immensité d'eau de la Baie des Chaleurs et maman me disait que la mer était bien plus grande. Donc mes rêves de pays lointains et surtout que maman avait des liens avec une personne de là, était pour moi très précieux.

M. Pischella faisait partie de la marine française attachée à la base navale de Toulon(2). En 1939, quelques mois avant que la guerre commence en Europe, maman était à lire une annonce dans un journal hebdomadaire de sa région, Demandes de correspondantes par des matelots, des soldats français et aussi canadiens, qui je suppose, voulaient des correspondantes du Canada avec qui ils pourraient parler de leurs intérêts, de leur travail, tout en respectant la censure bien entendu, de leurs joies et de leurs peines, de leurs espoirs que tous les événements qui se déroulaient dans ces mois-là soient résolus sans trop de détresse pour leurs familles et pour eux-mêmes. Les mois qui précédèrent les conflits semblent avoir été très chargés de crainte, considérant que le fou allemand du nom d'Hitler(3), pour paraphraser M. Pischella, voulait le monopole, la régie de toute l'Europe.

À cette époque-là, maman était une adolescente de 18 ans, toute juste sortie du pensionnat des Ursulines de Gaspé. La curiosité d'une jeune femme de savoir ce qu'un jeune européen pourrait bien lui raconter, l'idée d'une aventure littéraire lui sourit. Elle envoya donc une lettre à ce monsieur Perrot qui, au moment de recevoir sa lettre, avait déjà trouvé une correspondante. Il donna alors la lettre à M. Pischella qui avait aussi le désir de correspondre avec des jeunes femmes d'outre-mer. Après quelques échanges timides, les lettres devinrent une forme de réconfort pour Monsieur Pischella et maman continua assiduement la correspondance. On peut comprendre qu'à mesure que le conflit européen prenait de l'ampleur, les soldats et les matelots devenaient plutôt dépendants de nouvelles qui n'avaient aucun rapport avec les bouleversements causés par la guerre.

Quand ma nièce me laissa les lettres, mon idée première était seulement de les lire, de les savourer tout comme maman faisait des années auparavant. Leur contenu m'a donné le désir de retrouver un peu de ces sentiments d'amitié qui lui étaient si précieux. Après en avoir lu quelques-unes et les trouvant des plus intéressantes, j'ai pensé partager la beauté de ces lignes pensant que le lecteur pourrait aussi en apprécier la lecture, s'identifier aux sentiments d'amitié que ces deux jeunes êtres tout juste sortis de leur adolescence pouvaient exprimer dans des lettres assidues et attendues avec impatience de part et d'autre de l'Atlantique. Il faut réaliser aussi que les médias d'information n'étaient pas ce que nous connaissons de nos jours. En 1939-40, ils avaient la radio qui leur donnait quelques renseignements sur les événements importants, mais quand il s'agissait de la vie de tous les jours des européens, on n'en savait pas grand chose. Donc maman, de son métier d'institutrice, était intéressée à correspondre avec un européen, de savoir ce que les gens d'ailleurs pensaient, comment ils vivaient, leurs joies et leurs peines, etc. . . .

La guerre n'était pas la meilleure période pour en apprendre sur leur vie de tous les jours mais M. Pischella avait une prose qui ferait honneur à n'importe lequel instituteur de nos jours. Ses descriptions d'événements, de lieux pittoresques sont des plus intéressantes. Il savait captiver l'attention de sa lectrice et je suppose qu'elle lui faisait parvenir des missives très intéressantes concernant sa vie, ses espoirs, ses amours, ses voyages. Je pense qu'elle avait beaucoup à lui raconter surtout quand elle fit la connaissance de son futur époux, mon père. Dans la lettre de M. Pischella datée du 10 avril 1940, il lui donne quelques conseils pertinents concernant les Don Juan. Elle était en voyage quand elle rencontra mon père. À ce moment-là, il courtisait une cousine de maman à Squatec où plus tard elle ira s'installer avec lui.

Maman s'était toujours demandé ce qui était advenu de cet ami lointain. Elle le retrouva en 1949 quand elle envoya une lettre à sa soeur, Mme Bartoli, à Ajaccio. Ils ont correspondu quelques mois et ensuite plus rien. En 1960, elle essaya de le retrouver mais sans succès. Elle le pensait décédé dans un accident de voiture vu qu'il était souvent sur la route à cause de son travail de commis voyageur en Algérie.

J'ai fait les démarches nécessaires pour retrouver son fils Vincent. J'ai eu de la chance tout de même de le retrouver. Il m'écrit que Carmen était bien vivant en 1960 et s'occupait à son amour de jeunesse, la pêche sur la Méditerranée.
Bonne lecture.


Toutes les lettres sont intégrales et inédites ainsi que les photos.
Remerciements sincères à ma nièce Julie Côté pour la permission d'utiliser ces textes à cette

INTRODUCTION
Deuxième Grande Guerre Mondiale de 1939-1945
L'origine du conflit réside essentiellement dans la volonté d'Hitler d'affranchir le IIIe Reich(4) du diktat de Versailles de 1919 qui mit fin à la Première Guerre mondiale (1914-1918) et de dominer l'Europe. L'Allemagne ne cessa de manifester son ressentiment à l'égard de nombreuses clauses du traité, notamment de celle dite clause de la culpabilité de la guerre par laquelle les Allemands avaient dû reconnaître que cette responsabilité leur incombait. L'Allemagne ressentait aussi de l'amertume à propos des sommes énormes qu'elle devait verser aux Alliés, à titre de réparations, quoique, en réalité, elle ne s'acquitta jamais des montants qui lui étaient réclamés, notamment par la France. Irrités par l'atteinte portée à leur fierté nationale, et par l'état de déchéance financière à laquelle l'Allemagne avait été réduite par la grande crise de 1929, les gens étaient prêts à accepter la dictature violente d'Adolf Hitler, fondateur du Parti nazi et du national-socialisme.

Après avoir rétabli le service militaire obligatoire en 1935 pour disposer d'une puissante armée de terre, de mer et de l'air, le Wehrmacht(5), où de 1939 à 1945 près de 18 millions d'hommes passèrent dans ses rangs, Hitler remilitarise la rive gauche du Rhin en 1938, met en place une redoutable police secrète d'État, la Gestapo, l'instrument le plus redoutable du régime policier nazi pendant toute la guerre, puis annexe l'Autriche à la suite du coup de force national-socialiste du 11 mars (Anschluss)(6) et une partie de la Tchécoslovaquie(7). En 1938, la reconnaissance du fait accompli à Munich par la France et la Grande-Bretagne l'encourage à poursuivre cette politique de force. Hitler s'empare alors du reste de la Tchécoslovaquie en mars 1939, s'assure l'appui italien le 22 mai par le pacte d'Acier, un pacte d'assistance militaire germano-italien signé à Berlin par Ribbentrop(8) et Ciano(9), et obtient la neutralité bienveillante de l'U.R.S.S. avec son accord Ribbentrop-Molotov(10) du 23 août pour un partage de la Pologne. L'incorporation le 1er septembre 1939, de Dantzig(11) au Reich, qui donnait à la Pologne un accès à la mer peut alors servir de prétexte au déclenchement d'un conflit qui, à l'origine européen, embrase finalement le monde.(12)

A cela venait s'ajouter la carence de la Société des Nations fondée après la Première Guerre mondiale, dans le but de préserver la paix du monde. Le Président Woodrow Wilson des États-Unis avait été l'un des architectes de la Société. Lorsqu'il ne réussit pas à persuader son propre pays d'en devenir membre, il prédit que la Première Guerre mondiale devrait être livrée une seconde fois, et il avait sans aucun doute raison.


NOTES

1. Antoine de St-Exupéry, aviateur et écrivain français né à Lyon, France en 1900, disparu en mission en 1944. Ses romans (Vol de Nuit, 1931, Terre des Hommes, 1939, Pilote de Guerre, 1942) et ses récits symboliques (Le Petit Prince, 1943) cherchent à définir le sens de l'action et des valeurs morales dans la société moderne vouée au progrès technique.

2. Base navale, 840 km au sud-est de Paris, sur la Méditerranée (rade de Toulon). Siège de région maritime. Centre administratif et commercial. Le 27 novembre 1942, la flotte française s'y saborda pour ne pas tomber entre les mains des Allemands.

3. Voir lettre du 13 mai 1940.

4. Mot allemand qui signifie Empire. On distingue le 1er Reich, ou Saint-Empire romain germanique (962-1806), le IIe Reich (1871-1918), réalisé par Bismarck, et le IIIe Reich (1933-1945), ou régime national-socialiste.

5. Le général Eisenhower commanda en chef les forces qui défirent la Wehrmacht en 1945 à Reims et à Berlin après les débarquements en Afrique du Nord en 1942, en Italie en 1943 et en Normandie en 1944.

6. Rattachement de l'Autriche à l'Allemagne imposé par Hitler en 1938, et qui cessa en 1945.

7. Le pays doit accepter les décisions de la conférence de Munich et céder à l'Allemagne les Sudètes. En 1939, l'Allemagne occupe la Bohême-Moravie et y instaure son protectorat, la Slovaquie forme un État séparé la même année.

8. Ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich de 1938-1945. Il fut condamné à mort par le tribunal de Nuremberg.

9. Gendre de Mussolini, ministre des Affaires étrangères (1936) puis ambassadeur auprès du Saint-Siège (1943); hostile à la poursuite de la guerre, il fut exécuté sur l'ordre du parti fasciste.

10. Commissaire du peuple aux Affaires Étrangères de 1939-1949.

11. Dantzig est un port de la Pologne, sur la baie de Gdansk, près de l'embouchure de la Vistule où il y a des constructions navales.

12. Le Petit Larousse Illustré, 1994.


Venez lire la première partie.

Copyright © 1997, 1999 Claudette Pelletier Deschênes
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