TEXTE SOUMIS DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE SONDAGEM
LES FONCTIONNAIRES AU SERVICE DU PUBLIC
Il y a des centaines de programmes fédéraux, provinciaux,
régionaux, municipaux auxquels on peut venir remplir son écuelle.
En principe, tous les Québécois peuvent profiter de l'éducation
et du réseau de la santé, des allocations familiales et pensions
de vieillesse, de l'assurance chômage, de programmes comme les Prêts
et bourses, les subventions pour création d'emplois ou d'entreprises
et l'aide financière à la culture, à l'agriculture,
à la construction, à la location de logements, etc.
En pratique, ce n'est pas le cas. Parce qu'il y a tant de programmes et
tant de formalités à remplir que le monde ordinaire en est
exclu, plus souvent qu'autrement, au profit de ceux qui connaissent bien
les rouages de "l'État". L'État qui, au Québec,
veut dire un gouvernement fédéral, un gouvernement provincial,
quelques douzaines de sociétés para-publiques et toutes les
administrations régionales et locales: CUM, MRC, etc. Connaître
tous les programmes de l'État et en retirer sa juste part exige aujourd'hui
des connaissances que la plupart des gens n'ont pas
L'État crée des "guichets uniques" où la
population peut s'informer, mais c'est bien insuffisant. Parce que, même
quand il existe un vrai guichet plutôt qu'une messagerie vocale, c'est
encore un fonctionnaire qui est derrière le guichet. Un être
qui parle le langage des fonctionnaires, et dont le véritable objectif
est de remplir les formules et d'acheminer les dossiers qui constituent
la mesure de sa performance au travail, pas de résoudre le problème
des clients. Insuffisant, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'aiguiller
le client vers le bon bureau; il faudrait parcourir avec lui tout le labyrinthe
qui mène à une décision administrative et à
son application. Il faut faire mieux que le guichet unique.
Chaque individu devrait avoir un &laqno;cicerone», un spécialiste
connaissant à fond les mécanismes des divers paliers de gouvernement
et qui pourrait aider le citoyen à s'y retrouver dans ce fouillis.
Pas seulement en indiquant à quelle porte frapper, mais en frappant
à cette porte, en remplissant les formules, en appelant les bonnes
personnes, en faisant le suivi des démarches jusqu'à ce que
la réponse soit obtenue, que la décision soit prise et que
le chèque ait été reçu et touché.
Chacun devrait avoir son cicerone, membre d'un corps professionnel contingenté
régi par l'Office des Professions. Chaque citoyen choisirait le sien
et, pour chaque individu inscrit au bureau d'un cicerone, celui-ci recevrait
de L'État un montant mensuel. Une dépense pour l'État?
Au contraire, une énorme économie. Etre cicerone exige une
connaissance en profondeur des programmes de l'État et la capacité
d'établir de bonnes relations avec leurs responsables; ce sont des
fonctionnaires qui deviendront cicerones. L'objectif est de réduire
le nombre de fonctionnaires et d'améliorer l'efficacité en
remplaçant un fonctionnaire qui travaille pour l'État par
un professionnel qui travaille pour ses clients.
Le cicerone verra les besoins de ses clients et comment les programmes de
l'État peuvent y répondre. Le client aurait-il intérêt
à devenir propriétaire ou, s'il l'est déjà,
à rénover sa propriété en bénéficiant,
dans un cas comme dans l'autre, des subventions disponibles? Ne pourrait-il
pas obtenir une subvention et, sur cette base, créer sa propre entreprise,
seul ou avec d'autres? D'autres qui seront clients du même cicerone
ou de l'un ou l'autre de ses confrères. Le réseau des cicerones
deviendra rapidement un élément mobilisateur important..
Le cicerone sera un homme d'autant plus occupé qu'il lui incombera
aussi de guider son client auprès de tous ces corps publics et parapublics
avec lesquels on a parfois des relations si pénibles: commissions
scolaires, MRC, Régie automobile, Régie du logement, etc...
Retirer un permis, avoir la bonne formule, remplir tous ces questionnaires,
voilà qui est facile pour celui qui sait... mais qui est l'enfer
pour le monde ordinaire. Les cicerones deviendront les conseillers privilégiés
des gens en ce qui touche les relations avec l'État, et donc pour
la gestion d'une bonne part de leurs affaires.
En prévoyant un cicerone pour mille personnes, on est donc extrêmement
conservateur. La tendance de l'avenir devrait être d'augmenter le
nombre de ces professionnels auto-motivés et responsables devant
leurs clients ... et de diminuer considérablement celui des fonctionnaires
derrière leur guichet. Il est juste de mettre en place, à
coté des grands lobbyistes qui déambulent déjà
dans les couloirs du pouvoir, quelques milliers de cicerones qui deviendront
en quelque sorte les "lobbyistes" du monde ordinaire mais dont
chacun ne pourra disposer, en somme, que d'un pouvoir bien fragile. Il est
urgent d'aider l'immense majorité des gens qui n'e s'y retrouvent
pas à avoir enfin accès à tous ces programmes faits
pour eux.