97.11.12
DES GOÛTS ET DES COULEURS...
Des goûts et des couleurs on peut discuter longtemps. On discute
depuis 1917 des goûts comparés du beurre et de ce qu'on appelait
alors l'oléo-margarine... La discussion sur les couleurs est venue
plus tard, vers les années cinquante. Parce qu'il fallait, d'abord,
que les fabricants de margarine PUISSENT colorer leur produit d'un jaune
crédible avant qu'on ne décide de les en empêcher. Ce
que fit Duplessis, si mon souvenir est bon, grand ami des cultivateurs et
qui se fichait comme d'une guigne des exportation agricoles, insignifiantes
à l'époque.
Le débat sur la couleur de la margarine revient à la surface
aujourd'hui, plus important que jamais , puisque d'un coté il y a
l'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA)- dont au premier
rang les producteurs laitiers, bien sûr, qui ne veulent pas que la
margarine se déguise en beurre - et de l'autre, a l'avant garde (mais
tout le contingent des exportateurs suit derrière) Unilever, l'un
des trois premiers fabricants mondial du secteur alimentaire qui tient mordicus
à ce que son produit s'habille de la couleur qui lui plait
Ce n'est pas un combat de poids-plume. l'UPA, c'est près de 5 miliards
de production dont près de 40 % est exporté. Et c'est là
le hic. Si nous voulons continuer à exporter, il faut jouer le jeu
du commerce international, et donc ne pas mettre trop de barrières
aux importations. De la margarine couleur Crisco ne se vend pas autant que
de la margarine jaune beurre; donc, contrainte au libre commerce, nous dit
Unilever, et si le commerce n'est pas libre, les poulet et les petits cochons
québécois pourraient en souffrir, sans parler, à plus
long terme, de l'aluminium, des pâtes et papiers et de Celine Dion...
Faut-il protéger nos producteurs laitiers à tout prix... ou
prendre le parti des exportateurs en général ? JE N'EN SAIS
RIEN. Je ne crois pas que quiconque sache vraiment les conséquences
à moyen terme de cette décision sur nos exportations, sur
notre production agricole ou sur notre société rurale. Ce
que je sais, c'est qu'il s'agit d'une situation absurde parce que le problème
de fond est mal posé.
Le problème de fond, c'est que chaque jour de nouveaux progrès
technique rendent possibles des choses qui ne l'étaient pas auparavant,
rendent disponibles à meilleurs coûts des produits qui, inévitablement,
si la population y trouve satisfaction, remplaceront les produits plus coûteux.
On peut mener des combats d'arrière-garde pour défendre les
mouchoirs contre les Kleenex, les bas de soie contre le nylon, les montres
a ressort contre les Timex... mais, tôt ou tard, la population aura
ce qu'elle veut. Il y a une certaine cruauté bête à
vouloir que l'assisté social, qui boucle un budget de misère,
soit privé de l'illusion même de mettre du beurre sur son pain.
Il y a surtout une bêtise bien cruelle, qui consiste à défendre
contre le changement les produits et les métiers que la technologie
met en péril: c'est la tchnologie qui va gagner.
La solution n'est pas de défendre les produits, elle est de défendre
les producteurs. Si de vendre la margarine à la couleur qui en facilite
la vente réduit la production de produits laitiers, il faut offrir
aux producteurs de produits laitiers une aide financière suffisante
pour que certains d'entre eux se mettent à la production d'autre
chose. Autre chose qui réponde à un besoin vrai de la population,
pas un besoin maintenu artificiellement par l'imposition de contraintes
saugrenues aux produits de substitution.
Et ce qui est vrai pour le beurre et la margarine est vrai pour tout. Il
n'y a rien de plus futile, de plus nocif pour le bien commun que de vouloir
"préserver" des emplois. Les emplois de production qui
disparaissent sont ceux qui ne sont plus utiles. Ils ne faut pas essayer
de les maintenir, il faut, au contraire, soutenir À CENT POUR CENT
le revenu des travailleurs déplacés par le progrès
technologique, les recycler, et produire ce dont nous avons besoin: la santé,
l'éducation, les services, la culture, les loisirs.
Quand aurons-nous un gouvernement qui, au lieu de s'opposer au changement
et au progrès, un progrès qui est dans l'intérêt
commun, fera tout en son pouvoir pour accélérer le changement
vers l'avenir mais en protégeant fermement les intérêts
de ceux que le changement affecte?
Pierre JC Allard
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