98.11.25
LE DIABLE ET LE BON DIEU
La Nature vient de faire au Honduras ce que les Américains ont
fait en Iraq il y a quelques années: détruire à peu
près tout ce qui pouvait se détruire. Mais la Nature ayant
des moyens plus puissants que le Grand Satan des Iraniens, elle l'a fait
en mieux.... c'est-à-dire en pire. 15 000 morts, 2 millions de sans-abri,
3 milliards de dommages, surtout au niveau des infrastructures.
J'ai déjà assez d'ennemis en hauts lieux sur cette terre,
je ne me lancerai certainement pas ici dans le rouspétage théologique.
Disons donc pudiquement que les voies de Dieu sont insondables... et concentrons
sur ce qui est la faute du Diable, la faute du Système.
Ce qui est la faute du Système, c'est qu'il faudra une génération
au Honduras pour se remettre des séquelles de la catastrophe, alors
que quand un ouragan frappe la Floride, - ou un tremblement de terre le
Japon ou la Californie - faisant 10 fois plus de dégâts matériels,
on n'en voit plus guère de traces l'année suivante.
Quand le Bon Dieu frappe les pays riches, les pays riches reculent d'un
pas et avancent de deux. Quand Il frappe les pays pauvres, les pays pauvres
restent à terre longtemps. Le niveau de vie du Hondurien moyen est
trente (30) fois moins élevé que celui d'un Américain;
il en faut du temps pour économiser le prix d'une nouvelle route...
La différence entre un an et une génération, c'est
la faute du Diable
Pourquoi les Honduriens sont-ils pauvres? Des milliers de bouquins sont
écrits pour expliquer le sous-développement dans le monde
moderne, la plupart évitant soigneusement d'en donner les vraies
raisons. Je vais vous les dire en 4 paragraphes courts. Quand on vous dira
" Ce n'est pas si simple", demandez doucement en quoi ce n'est
pas si simple et insistez pour qu'on vous explique... et tenez moi au courant.
1. Il y a un peu plus de deux cents ans, nous étions tous pauvres;
on cultivait pour manger et on vivait et mourait au rythme des famines.
En Occident, la révolution industrielle est venue qui a permis que
de moins en moins de travailleurs suffisent à produire la nourriture
dont nous avons besoin... et que nous devenions riches de tous ces biens
produits par les 97% (au Canada) de la population qui n'ont plus a produire
de nourriture.
2. Tous ces produits manufacturés - mais surtout la NOURRITURE ELLE
-MÊME - nous pouvions, grâce au machines dont nous disposions,
la produire en Occident en surabondance et à bien meilleur prix que
les pays qui n'avaient pas pris dès le départ le chemin de
l'industrialisation. En vendant ces produits et cette nourriture à
vil à ceux-ci, on s'est assuré qu'il ne serait pas avantageux
d'y produire ces produits et cette nourriture et que ces pays ne pourraient
JAMAIS nous faire concurrence. Ils devraient, au contraire, limiter leur
production à ce que nous, Occidentaux, ne produirions pas parce que
les machines ne pouvaient le produire.
3. La conséquences perverse immédiate a été
que les pays non industrialisés ont cessé les cultures de
subsistance - facilement mécanisables - dont ils avaient besoin pour
nourrir leur population et se sont spécialisés dans les monocultures
à haute intensité de main-d'oeuvre: café, cacao, bananes...
Mais comme ils sont bien trop nombreux à cultiver des bananes, on
les leur achète au prix que NOUS fixons alors que nous leur vendons
les produits alimentaires essentiels et les produits manufacturés
au prix qui fait NOTRE affaire. C'est ce qu'on appelle le libre-échange.
4. Pour le "fine tuning", nous leur offrons une aide bilatérale
et multilatérale internationale liée à l'achat de NOS
produits... mais qui reste toujours inférieure à l'intérêt
que nous leur chargeons chaque année sur leur dette cumulée.
Il n'y a donc dans les pays sous-développés que l'argent que
NOUS décidons qu'il y soit, ce qui permet d'y garder tous les salaires
au prix que NOUS souhaitons, et d'y produire à rabais les composantes
de la production industrielle que NOUS choisissons d'y produire sans nuire
à NOTRE propre équilibre de main-d'oeuvre... pour la défense
et l'enrichissement optimal de NOS exploiteurs. Le Honduras et les autres
pays sous-développés seront donc toujours aussi pauvres que
NOUS le voudrons.
Je dis NOUS, les Occidentaux, parce que c'est en bloc que nous sommes perçus
comme responsables dans les pays du tiers-monde et, aussi, parce que nous
sommes tous plus ou moins coupables de fermer les yeux et de ne rien faire
pour que les choses changent. Mais, en réalité, nous savons
bien que quelques uns seulement parmi nous bénéficient de
cette exploitation criminelle du tiers-monde.
Ce sont les mêmes qui travaillent inlassablement à réduire
aussi au niveau de subsistance la majorité des populations occidentales.
Ceux qui sapent les acquis sociaux pour équilibrer les budgets. Ceux
qui ont laissé stagner notre niveau de vie depuis 20 ans, empochant
TOUS les gains de productivité réalisés depuis une
génération. Ceux qui sont les multiples avatars du Système,
les multiples visages du Diable.
Pierre JC Allard
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