07.01..21
Maginot et les murs du ridicule
«Par dix, par cent, par mille »... Comme Moustaki, Melina
Mercouri
chantait aussi « Le Métèque » En fait, les « métèques » nous
arrivent maintenant par millions
et, s'ils étaient Grecs, on n'en parlerait même pas ! Les millions
d'immigrants qui nous arrivent sont de culture bien plus différente que
ça de la nôtre, de sorte que, tous ensemble au salon, on n'est
plus toujours d'accord sur ce qu'on veut voir à la TV. Il se pourrait
que l'on sache de moins en moins quelle société l'on veut,
ce qui n'améliore pas les chances de la bâtir.
On peut aimer ou ne pas aimer le brassage des cultures; j'en
donne souvent
le pour et le contre, ailleurs sur ce site. Ce dont je veux parler ici,
ce n'est pas des mérites du multiculturalisme, c'est des mesures
à prendre pour que le brassage qu'on souhaite soit bien celui qu'on
aura. À chaque pays de choisir la teinte de son colorant, mais si
on demande blond ou châtain, il ne faut pas sortir du coiffeur rose, cuivre, ni
platine.
Il n'y a pas qu'en France que l'immigration cause problème.
Aujourd'hui,
les Américains sont inquiets. 11 millions de Mexicains et autres
Latinos sont entrés illégalement aux USA. Ils y vivent, y
travaillent, vont à l'école et payent des taxes. On les a
laissé faire, ça faisait bien l'affaire. Mais maintenant,
aux USA, on a la teinte qu'on voulait. Stop. On parle d'une politique
d'immigration,
mais qu'est-ce qu'on fait pour qu'elle soit respectée ? Les Américains
vont bâtir un mur...
Pour quelques milliards de dollars, les USA vont mettre,
entre eux et
l'Amérique des métissés au Sud, un long mur de béton.
On pense déjà à bâtir aussi quelques milliers
de kilomètres de mur au Nord, à travers forets et Grands lacs pour bien dire où finit le Canada.
On aura ainsi complété le dispositif de défense du
nouveau Yankee Festung. On réfère déjà à la première partie comme à un deuxième "Mur de la Honte"; pour l'oeuvre finie, l'Histoire
retiendra peut-être une expression plus juste : les Murs du Ridicule.
Reprenant le vieux couplé de Hara-kiri, on peut dire que ces
murs
sont bêtes et méchants. Je ne reproche pas en ce cas aux USA
d'être méchants - leurs ennemis s'en chargent ! - mais d'être
bêtes, ce qui est le problème de leurs amis... Bêtes, parce
qu'une digue n'arrête la marée que si elle est étanche.
Une muraille n'interdit l'entrée que si toutes les portes en sont
fermées. Elle n'est vraiment efficace que si elle est férocement
défendue contre tout venant - comme le fut la Muraille de Chine - et si
l'on ne peut pas, comme la Ligne Maginot, simplement en faire le tour.
Or,
qu'on les dise de la honte ou du ridicule, les murs que va bâtir
l'Amérique
ne rempliront aucune de ces conditions.
Ils ne le pourront pas, parce que des centaines de milliers
de personnes
DOIVENT chaque jour traverser la frontière entre les USA et le Canada
pour leur travail. Des milliers de camions passent aussi du Mexique aux
USA, avec tout ce que l'Amérique y fait produire à vil prix,
pour le consommer elle-même ou le réexporter à profit.
Incontrôlable. Les frontières des USA sont infiniment poreuses
et, si on les scelle, l'Amérique étouffe. Une
« Forteresse
Amérique » est une aberration, ultimement aussi indéfendable que la Festung
Europa de triste mémoire.
Les Murs de l'Amérique seront plus longs que la Muraille de
Chine.
On les verra peut-être eux aussi de la Lune, mais, sur la Terre, ils
n'arrêteront personne ; ils ne serviront qu'à vendre quelques
hectares d'épures et quelques tonnes de béton. Ils seront
la version bushiste de la clôture barbelée texane, pour garder le
bétail dans l'enclos et les coyotes à l'extérieur.
Une Ligne Maginot, mais même pas fortifiée.
Ces murs n'arrêteront personne, car pour les franchir il
suffit
de faire un détour. Si on veut vraiment arrêter l'immigration
illégale, ce n'est pas en cherchant à colmater les frontières
physiques qu'on y parviendra, c'est en verrouillant la structure des
services.
Il faut comprendre, en effet, que ce n'est pas à un
territoire
que l'immigrant veut accéder, mais à une société.
Une société perçue, à juste titre, comme un lieu
où l'on donne et reçoit des services. Plutôt que d'interdire
l'accès au territoire, une mesure pénible et dont l'efficacité
est douteuse, c'est l'accès à la structure de services qu'il
faut contrôler. On peut ainsi n'admettre dans la société
que ceux qu'on choisit d'y admettre.
Ce contrôle est facile. Il suffit d'exiger la présentation
d'une « Carte de Citoyen » - ou donnons-lui le nom qu'on
voudra - pour obtenir un emploi, toucher un salaire qui sera pour l'employeur
une dépense reconnue, ouvrir un compte bancaire, obtenir un permis
de conduire ou une ligne téléphonique, utiliser une carte
de crédit, être admis à l'école ou à l'hôpital,
toucher une aide sociale quelle qu'elle soit, etc.
S'il faut présenter cette Carte et prouver ainsi que l'on est
formellement membre en règle de la collectivité pour pouvoir
y obtenir des services, il devient alors sans intérêt de s'introduire
subrepticement dans un pays pour en devenir illégalement résidant
de fait, puisque c'est au palier de l'obtention des services que
l'intrus
est refoulé.
En restreignant l'accès aux services, on enlève les deux
petites étoiles à côté du nom USA, dans le Guide
Rouge du bonheur que la rumeur colporte dans les pays pauvres. Sans cet
accès aux services, l'Amérique ne vaut pas le détour et l'immigration
illégale va rayer l'Amérique de ses plans de voyage.
Plutôt que de bâtir des murs, pourquoi l'Amérique
n'adopte-t-elle pas cette solution, de restreindre l'entrée à
la structure de services? Parce qu'en Amérique - où la tradition
du Far West veut que quiconque puisse errer incognito et porter un
pistolet
- exiger une identification pour avoir accès aux services ne semble
pas si facile. L'Américain moyen, qui peut aller partout sans papiers,
se plait à penser qu'il est anonyme, protégé par une
sorte de « burqa » sociale
La réalité est bien autre. Le citoyen américain
se promène déjà aussi nu qu'un ver, sous l'oeil des
caméras et dans le champ des tables d'écoute de la NSA. Mais
il l'ignore... Il va falloir montrer à John Doe que l'approche
transparente
qui consiste à s'identifier clairement serait plus respectueuse de sa
liberté et de ses droits, que le contrôle occulte qui en tient
lieu et que le gouvernement des USA a mis en place, lequel inclut le
suivi
de tout ce qu'il fait, la lecture de tout ce qu'il écrit, l'écoute
possible de tout ce qu'il dit.
On va le lui montrer et l'on ne tardera pas trop, car la
transparence
nécessaire pour restreindre l'accès aux services et assurer
ainsi un contrôle efficace de l'immigration illégale est aussi
de plus en plus nécessaire pour tout et à chaque pas. Une
société d'interdépendance ne peut tolérer l'anonymat.
On se dévoile... ou l'on n'en est pas
On tardera un peu à le lui dire, toutefois, car il faudra
trouver
les mots politiquement corrects pour le faire. On comprend qu'il
faille
du temps, car on lui a dit le contraire si longtemps... En attendant,
on
va construire des murs pour ne pas le lui dire tout de suite, s'excuser
de lui passer une ficelle au poignet, pour qu'il ne sente pas trop vite
les chaînes qu'il a aux pieds et la corde qu'il a au cou.
En Europe, le problème de l'immigration est aussi grave
qu'aux USA, mais il peut aussi être parfaitement contrôlé
par un verrou posé à la porte de la structure des services.
Cette solution y est plus facile à mettre en application,
car il y a longtemps en Europe que l'on demande « vos
papiers »...
Il n'y a pas d'excuse valable pour ne pas le faire.
Évidemment, il faudrait aussi avouer qu'on en sait plus sur
les
individus que l'on ne prétend en savoir, mais ceci n'est pas en Europe
un obstacle, comme ce l'est aux USA. Les Anglais ont appris l'an
dernier,
lors des attentats du métro de Londres, que dans la seule City 7
000 caméras les espionnaient ! La France est sans doute tout aussi
surveillée.
Ce n'est PAS un scandale. Une société d'interdépendance
est vulnérable et fragile. Cette transparence est une nécessité
incontournable dans un monde complexe, où chacun a un terrible pouvoir
de nuire. Il faut l'accepter et le dire. C'est une insulte à
l'intelligence
de la population de se défendre de regarder par le trou de la serrure,
quand il y a bien longtemps que les fenêtre n'ont plus de volets
L'Europe a l'information et les outils nécessaires pour
contrôler
l'immigration à l'entrée de la structure des services plutôt
qu'aux frontières. Ce
serait une coûteuse duplicité de prétendre ignorer ce
que l'on connaît, et de s'en autoriser pour ne pas faire ce qui doit
être fait. Il ne faut pas gaspiller des milliards pour
contrôler autrement ce qu'on contrôle déjà !
Il est urgent de le faire, car aussi longtemps que l'écart
entre
pays riches et pays pauvres ira s'aggravant, la question de
l'immigration
va se poser avec de plus en plus d'acuité. On ne pourra que voir
de plus en plus de barques à la dérive cherchant à
gagner les Canaries, puis la côte espagnole, la Sicile, les Îles
grecques...
La seule VRAIE solution, ce serait que cet écart se résorbe
et c'est ce que ce site propose. En attendant, cependant, il faut
contrôler
les flux migratoires qui s'emballent et, quelles que soient les limites
posées à l'immigration, il faut que ces limites soient respectées.
Pour l'Europe non plus, un contrôle frontalier ne sera pas la solution.
En verrouillant la structure des services et en rendant l'Europe
moins « attrayante », on ne stoppe pas l'immigration, mais on
parvient à avoir précisément l'immigration qu'on veut.
Pas cuivre, pas platine, juste la couleur qu'on veut.
On donne ainsi un nouveau sens au mot de Guitry. Pour
immigrer, il ne
s'agit plus seulement « d'y être » mais «
d'EN être.
On pourra continuer, bien sûr, à refuser l'entrée du
territoire national à ceux dont on ne veut pas, mais il ne sera pas
nécessaire d'en faire une chasse à l'homme. Ceux qui ne pourront
pas "en être" n'y viendront plus.
Il est temps d'avouer que l'on peut contrôler l'immigration
et
que le problème n'est donc pas l'immigration illégale, ni
en Europe ni aux USA, mais tout simplement le flux migratoire
incontrôlé.
Toute immigration culturellement inassimilable. Une immigration croissante, dont la cause est
l'injustice,
le déséquilibre des échanges mondiaux, une répartition
inéquitable de la richesse.
Il faut avoir le courage, d\abord, de dire que l'on a ce
pouvoir d'arrêter le flux migratoire incontrôlé. Le
courage, ensuite, de choisir la politique d'immigration qui nous
convient
et de l'appliquer. Il faut que la population soit consultée, que
l'on choisisse la teinte de la mixture sociale qu'on voudra... et que
l'État
annonce franchement la couleur.
Pierre JC Allard
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