Moments ordinaires et extraordinaires d'un simple diplomate.

Anton avait rendez-vous cet après-midi même avec Melch ibn Zraht au Centre de Politique Extérieure Galactique. Il était impératif que l'horaire soit respecté car les relations diplomatiques extraplanétaires exigeaient, selon des valeurs millénaires, de représenter au mieux les vertus de centaines de civilisations différentes, vertus incluant invariablement la ponctualité. Enfilant sa veste d'alpaga gris neutre, il entra dans le local de voyage rapide.

La salle était baignée de lumière halogène, ce qui lui conférait un éclairage blanc violent et surnaturel. La cage de départ en céramique trônait au centre d'un appareillage informatique au design épuré. Un vacarme de ventilateurs envahissait la salle.

Heureusement pour Anton, la téléportation était presque au point. Elle était encore réservée au monde de la politique ainsi qu'au cercle de plus en plus refermé de gens de plus en plus riches. Loin d'être instantané, le procédé Spunsen-Cox de décomposition-recomposition moléculaire prenait très exactement dix-neuf minutes dans sa totalité et pour toute destination. Ceci réglait une bonne fois pour toute les problèmes de retards en tous genres. Etrangement, le procédé ne recomposait pas toujours de façon satisfaisante les tissus non organique.

Ces menus défauts avaient plus d'une fois grillé le pantalon d'un diplomate en mission à l'extérieur. Cela était même arrivé à Anton il y avait de ça environ cinq ans. Précipité sur une estrade devant une assemblée de cent-trente-deux Melgiens en grande pompe, le procédé lui avait brûlé sa veste et sa chemise du col jusqu'au sternum, ainsi que le bas de la jambe droite de son pantalon. Il s'était trouvé tout simplement ridicule, et cela fut sans aucun doute l'échec le plus cuisant de sa carrière de secrétaire d'état affilié aux richesses et à l'environnement Terrien.

Anton prit place dans le caisson et ajusta la sangle sensée le retenir en cas de tempête magnétique. Il jetta un coup d'oeil au pupitre de commande. Un jeune type mangeais du riz dans une boite tupperware tout en touchant à un nombre impressionnant de boutons.

- Encore sept minutes, lança le préposé aux commandes, la bouche pleine de riz cantonnais. Je lance la séquence.

Le Centre de Politique Extérieure Galactique était basé sur la lune, décrétée zone neutre après la tentative ridicule des Etats d'Amérique Unis pour la monopoliser. D'autres ministères d'intérêts planétaires s'étalaient largement sur la surface lunaire, mais Anton n'avait jamais eu l'occasion de les visiter. Son parcour dans le batiment était bien délimité, et il n'avait en aucune mesure la possibilité de fouiner seul à sa guise dans les affaires du ministère planétaire. Lui-même n'était d'ailleurs qu'un des 32456 secrétaire d'état répertoriés sur Terre, et sa participation aux affaires galactique était dirigée par des hommes de l'ombre, dont ils ne saurait jamais dire ni retenir les noms.

- C'est parti! La voix de l'opérateur se fondit dans le bruit des ventilateurs. Le néant entoura Anton et il pria le grand Chelm d'épargner son costume d'alpaga Hugo Boss.


  Lorqu'il arriva sous la cloche en treillis métallique de l'appareil de recomposition Spunsen-Cox, Anton jetta fébrillement un coup d'oeil à son costume et vit qu'il avait été une fois de plus épargné. Soulagé, il se détendit brusquement et se jetta dans un fauteuil pour récupérer quelques instants. Melch ibn Zraht devrait l'attendre un peu. Il ne supportait plus ces incessants voyages rapides "spunx" qui lui retournaient l'estomac.
Le Centre de Politique Extérieure Galactique, basé sur la lune, fut décrétée zone neutre après la tentative ridicule des Etats Unis d'Amérique pour la monopoliser. D'autres ministères d'intérêts planétaires s'étalaient largement sur la surface lunaire, mais Anton n'avait jamais eu l'occasion de les visiter. Son parcour dans le batiment était bien délimité, et il n'avait en aucune mesure la possibilité de fouiner seul à sa guise dans les affaires du ministère planétaire. Lui-même n'était d'ailleurs qu'un des 32456 secrétaire d'état répertoriés sur Terre, et sa participation aux affaires galactique était dirigée par des hommes de l'ombre, dont ils ne saurait jamais dire ni retenir les noms.

Un homme entra dans la petite pièce à recomposer. Il était très grand mais marchait comme un vieillard le ferait, cassé à partir des reins et la tête tirée devant lui.

- Monsieur Anton Villégia, sans doute ? L'homme cassé en deux avait formulé sa question dans un français hasardeux. Son teint Pâle trahissait une vie de termite sous la surface lunaire et Anton conclut qu'il n'avait sans doute pas prit de vacances au soleil depuis longtemps.

- Est-ce-que Melch ibn Zraht est arrivé? J'ai moi-même un certain laps de temps de retard. Voyez-vous, ces voyages m'épuisent plus qu'ils ne devraient et...

- Melch ibn Zraht nous a fait savoir un retard de plusieurs dizaines de minutes, trancha machinalement l'homme cassé avec sa voix de stentor. Aussi cela devrait vous permettre de souffler un peu.

- pourrais-je disposer de la salle de réunion dès à présent pour préparer mon élocution ?

- Hélas monsieur, la commission Truquet a elle aussi pris du retard. Un problème épineux semble t-il. La salle E-64 est donc inaccessible pour encore au moins vingt-trois heures.

- Mais où vais-je prononcer mon allocution ? La salle E-64 est spécialement équipée pour les besoins naturels des Angélistes. De plus, Melch ibn Zraht est un personnage très regardant quand à la qualité des systèmes lumineux et sonores...

- Vous m'en voyez désolé mais ceci n'est pas de mon ressort. Le ministère vous a attribué la salle B-12 prévue pour des cas similaires.

Anton commençait sérieusement à douter de l'éthique diplomatique aussi bien au niveau du ministère que du retard de L'angéliste. Qu'était devenu l'exactitude qu'arborait fièrement tout diplomate galactique du temps de ses débuts au gouvernement Français ? Le laisser aller était une des conséquence de l'entropie, mais se soumettre à celle-ci lui déplaisait. Il était une personne de principes, et s'honorait de les respecter. Un de ces principes était la rigueur. Et aujourd'hui tout foutait le camps.

L'homme fit mine de conduire Anton vers la salle B-12, mais se laissa dépasser pour mieux l'observer. Anton sentait la silhouette de l'homme se tordre sur lui comme un vautour affamé, mais il attribua ce sentiment à l'éclairage tout en sfumato des couloirs du ministère. Il rompit le silence avec la première question qui lui passa par la tête :

- Et vous travaillez depuis longtemps pour le ministère ? Il me semble ne vous avoir jamais vu .

- Monsieur Villégia, vous me posez la même question à chaque fois que vous venez sur la lune!

Anton ne savait pas s'il ironisait, mais il était sûr de ne jamais l'avoir vu auparavant. Un type comme çà ne s'oublie pas! Il n'alla pas plus loin dans la discussion, mais la réponse pour le moins inattendue de l'homme-vautour cassé en deux lui fourni matière à douter.


 

Anton était seul au milieu de l'immense salle B-12. Comment allait-il organiser tout cet espace pour qu'une assemblée de moins de dix personnes se sente à l'aise? Il tournait en rond depuis quelques minutes à l'affut d'un hypothétique trait de génie. Aucune installation audio-visuelle que les Angélistes affectionnent tant. Pas d'humidificateur d'air. Pas de thermostat. Rien que des chaises et des tables. Une vulgaire salle de cours d'établissement scolaire. Il s'assis à une place du premier rang, et s'alluma une cigarette de Shiva light. Que dirait son chef de bureau s'il le voyait ainsi, confronté à une crise si bassement dépourvue de noblesse. Anton se cassait les dents sur un problème minable. Un marché de cent millions de tiges sur 25 ans vole en éclat pour un problème de local de réunion. Jamais on ne le lui pardonnerait.

Nom de Derk! Il avait horreur de sortir de chez lui, ce qui est délicat lorsque l'on est diplomate. Mais c'était plus fort que lui, il pensait sans cesse à rentrer chez lui. Il n'aimait pas la téléportation, et ne supportait pas ses collègues de bureau! Crénom de Derk!

Et Melch ibn Zraht qui devait arriver d'un instant à l'autre. Anton commençait à perdre ses moyens.

  Soudain, un crescendo de trompettes jaillit de nulle part, imitant à merveille la bande son d'un antique péplum; suivi d'un tourbillon de poussière étincelante. Melch ibn Zraht venait d'apparaitre, suivi de six acolytes Angélistes. Anton était lassé de ces apparitions théâtrales et finissait par les trouver ridicules, mais cela faisait parti des moeurs Angélistes de vouloir épater les espèces intelligentes technologiquement moins avancées. D'habitude de marbre, Anton fut néanmoins pris par surprise. Il espérait gagner encore un peu de temps afin d'amménager la salle.

- Bonjours, monsieur le ministre, lâcha Melch ibn Zraht en épousetant sa longue tunique pourpre. Je suis désolé de cette arrivé impromptue. J'avais pourtant programmé une fugue pour piano et deux ou trois petites distortions visuelles, mais mon système de recomposition n'en fait qu'à sa tête. Anton pensa qu'il aurait pu s'excuser de son retard déplacé, mais il chassa cette idée de sa tête.

- Je vous attendais dans quelques minutes, marmonna-t-il nerveusement, comme vous pouvez le voir, la salle n'est pas encore prête. Il y a eu un petit contre temps avec ...

- Ne vous excusez pas, trancha Melch ibn Zraht. Nous n'allons pas rester bien longtemps.

- Mais...

- Assez d'inquiétude, monsieur Villégia. Nous discuterons à tête reposée chez moi, loin de tout ce système bureaucratique et administratif qui me déplait tant.

- Je m'en voit honoré, mais que dirais-je à mon gouvernement ? Ils doivent d'ailleurs être à l'affut des résultats de cet entretien, à Paris... Anton ne pouvait se détendre connaissant sa situation actuelle. L'air suffisant de Melch ibz Zraht le rendait furieux.

- Partons sur le champs, commanda Melch ibn Zraht à ses acolytes. L'un d'eux accrocha à la ceinture d'Anton une petite boite rectangulaire qui clignotait frénétiquement.

- C'est un disrupt. Il vous permettra de voyager avec nous. Ne le perdez pas, il est en location.

- Allons-y, avec la grâce du Chelm tout puissant. Anton n'avait jamais vraiment eu confiance en ces gadjets extraterrestres, mais il s'évapora avant même d'avoir prit ses notes qui trainaient sur le bureau.


 

La mission du ministre de l'environnement français était pourtant simple : persuder les autorités Angélistes que les pieds de vigne français étaient de loin supérieurs à tous les autres sur terre et qu'accepter de traiter un marché vinicole avec les américains était une ironie au bon goût. Anton avait confiance dans sa tâche puisqu'il n'était même pas obligé de mentir. Ses notes contenaient l'avis favorable des plus grand oenologues terriens et la
  réussite était l'évidence même. Mais les Angélistes sauraient-ils faire la différence entre un Margaux 2124 et un ersatz californien ? Lui-même avait un mal fou à comparer deux préparations différentes de flimate centaurien. L'exotisme à outrance avait en effet pour lui un rien de pathétique. Que les Angélistes apprécient le vin terrien était une chose, mais il aurait du mal à avaler quoi que ce soi sur Mood 6, berceau de Melch ibn Zraht.

Ils apparurent en plein carrefour d'une ville en pleine activité. Ils durent courrir vers le trottoir le plus proche s'ils voulaient survivre à ce flux initerrompu de véhicules.

- Saloperie de disrupt! maugréa Melch ibn Zraht. Toujours à déconner au moment crucial! Ce truc me rendra dingue!

Anton rigola mesquinement. Ces extraterrestres qui voulaient toujours vous en mettre plein la vue avaient eux aussi leurs faiblesses.

- Soit, entama l'angéliste avec dépit, allons jusqu'à chez moi à pieds. Je n'ai pas pris d'argent avec moi et il est devenu dangereux de frauder le Métatram.

Anton ne pu réprimer un air goguenard. Melch ibn Zraht le foudroya du regard.

Ils se dirigèrent vers une immense place où trônait une admirable fontaine de verre et d'onyx fauve, rejetant ses embruns parfumés au gré du vent doux de cette saison. Ebloui par la douceur de ses formes et la tranquile harmonie de sa composition, Anton s'approcha lentement d'elle. Enfin il reconnaissait au peuple angéliste un rien de bon goût, chose qu'il n'espérait pas vraiment tout à l'heure en voyant apparaitre les sept individus bouffis dans leur odieuse djellabah de satin pourpre, ne laissant dépasser qu'une paire d'horribles poulaines en feutre vert canard aux pieds et une fraise de tulle jaune au cou.

Une plaque de bronze était posée à un coin de la fontaine. On pouvait lire l'inscription suivante: IGNACIO DELERA, 2108, MILAN. Décu, Anton se rappela le marché des fontaines soufflés par les macaronis à la France et à l'Espagne à la suite de l'effondrement de l'Europe Unie. Le commerce galactique était encore mal réglementé sur Terre et les petits pays du monde entier faisaient choux gras de "l'exception culturelle", habile argument de vente national.

Continuant leurs chemin, Anton, Melch ibn Zraht et ses sbires se noyèrent dans la masse des piétons aux couleurs farfelues et échappèrent par miracle à l'effondrement catastrophique d'une tour expérimentale japonaise en construction. Le marché de l'environnement terrien était partout présent et Anton comprit que les négociations seraient plus difficiles que prévues.

Ils entrèrent dans un petit hôtel particulier d'une architecture typiquement victorienne -encore ces foutus bouffeurs de gelée anglaise!- et traversèrent une cour intérieure fleurie de tulipes hollandaises du plus bel effet. C'était la demeure de Melch ibn Zraht, lequel, comme devait l'apprendre ultérieurement Anton, vivait à la mode terrienne depuis son premier transit sur la planête bleue. Et il n'était manifestement pas le seul. La mode terrienne était un luxe, une façon de vivre selon les Angélistes qui niait l'évidence de la fonctionnalité. Le charme de l'inutile envahissait donc Mood 6. Il devrait savoir en tirer parti. Quelques pieds de vigne de Cabernet-Sauvignon ou de Merlots n'allaient sans doute pas les effaroucher... Et Anton pourrait même, il le savait, leur conseiller le fameux ministère de la culture Français et vanter les mérites de la mode et du prêt-à-porter.


 

  - Ne vous inquiétez surtout pas pour vos notes, Anton. A propos, je peux vous appeler Anton, n'est-ce pas?

 Le ton paternel de Melch ibn Zraht avait le don d'exaspérer Anton. Ce dernier était assis en face de lui, avec à sa droite son conseiller Bouhrreht Massterkardd.

-Bien sûr, vous le pouvez! Mais il est raisonnable de m'inquiéter de juste mesure!

-oh oh oh, mais si je vous dit de ne pas vous inquiéter, c'est que la signature de votre contrat est quasiment décidée. Mon gouvernement est enchanté par votre perspicace proposition. Il eut un long sourire de bouddha.

-Mais je n'ai pas de contrat sur moi, je n'ai même pas de stylo!

- L'affaire sera réglée en haut lieu en bonne et dûe forme. Vous pouvez être fier de vous, Anton, vous avez rempli votre mission avec brio.

- ah... Anton se relâcha et se vautra dans un fauteuil louis-philippe parfaitement imité. Il prit quelques minutes pour se calmer et quand il fut parfaitement calme, il se servit un verre de flourme gazeux -une des râres boissons angéliste qu'il appréciait-. Puis il hasarda :

- Quand dois-je partir ?

  - Cet après-midi. Un disrupt vous sera offert en gage d'amitié. Faites en bon usage. Melch ibn Zraht se leva de son pouf absorbant et sortit sur la pointe des pieds. Anton se cala mieux dans son fauteuil, ferma les yeux et se concertra sur LA question qui restait sans réponse : pourquoi le gouvernement français l'avait parachuté dans cette affaire, puisque l'affaire en question était déjà réglée ?

L'après-midi ne fut pas spécialement mouvementé, hormi les conséquences gastriques que peut apporter pour un humain l'absorbtion de Manrousse à la sauce Taspe. La nausée lui vînt sournoisement au cours du dessert, une salade de fruits de Mood 6, ce qui déclencha l'hilarité de Melch ibn Zraht qui visiblement n'en loupait pas une pour rabaisser le terrien.

Il resta alité tout le reste du temps qu'il passa sur Mood 6. Melch ibn Zraht vint le voir réculièrement, lui faisant boire une décoction appelée Mlafé de Gäâl, qui lui décoinça les boyaux en moins de deux jours. Puis, se sentant aussi bien ragaillardi et inutile à toute action diplomatique, il prit congé de ses hôtes en toute solennité.

Il leur souhaita tout ce que le ministère lui avait apprit à souhaiter, régla son distrans sur les coordonnées initiales et s'évanouit dans l'atmosphère comme s'il n'avait jamais été.

S'i y avait bien une chose à laquelle Anton n'eut pensé, c'était bien de se retrouver dans un endroit pareil. Enfoncé dans un lac de boue jusqu'au cuisses, il contemplait avec une moue de résignation le paysage figé qui l'entourait . Aucune chance qu'une telle contrée puisse se rencontrer sur terre. Ni sur la lune ou même sur aucun monde de sa connaissance, limitée il est vrai.
  Partout à l'horizon des arbres difformes de teinte bleue couverts de plantes parasites multicolores, une débauche de formes outrancières emmêlées masquant l'horizon. Ces arbres devaient bien atteindre les deux cents mètres de moyenne, et prennaient racine dans un sol boueux à demi liquide. La lumière verdâtre était désagréablement fadâsse et donnait à Anton un tein maladif.
Celà ne correspondait pas du tout à l'atmosphère étouffante de Socra 2, le monde des stoîciens. Ni à la végétation de Bourr, la lune proxienne de l'empire Autro- boréen. Ni même aussi triste que la Normandie française.
Où était-il ? Pourquoi une telle journée ? Anton regardait tristement son costume maculé. En vain. il était bloqué sur un monde inconnu.

Il remua lentement la jambe gauche et réussi à lever le mollet. Sa pompe vernie était restée au fond. Qu'importe, il continuerai pieds nus si le fallait. Il n'en était plus à de simples détails matériels. Seule l'envie de rentrer chez lui lui importait.

Il arriva bientôt sur un sol plus sec, lisse comme peau de batracien, ainsi que très glissant comme il put le constater après s'être étalé de tout son long. La peau élastique l'obligait à effectuer de petits sauts ridicules, rebondissant sous ses pieds nus comme un vaste trampoline. Il se dirigeait tant bien que mal vers l'orée de la forêt.

Arrivé au bord de l'intense végétation bleue, il reprit son souffle et paradoxalement s'alluma une cigarette. Il se rendit compte que le sol était devenu rocheux, sans qu'aucune transition n'eut put être décelée. C'était déconcertant. Les arbres autours de lui était en fait d'énornes fungoîdes tuméfiés, entortiées les uns aux autres dans de pesantes grappes de glandes de sécrétions. Celà ne l'inspirait pas vraiment, mais le seul moyen d'aller voir ailleur était de traverser cette saloperie de forêt. Il était apparu en plein millieu d'un trou boueux, entouré d'une ceinture de peau élastique, elle même entourée d'une forêt de champignons peut-être infiniment étendue. La journée continuait vers un but inconnu d'Anton, qui lui faisait penser à certains ce ses mauvais rêves.

Il écrasa son mégot de cigarette et avança à pas prudents entre deux gros arbres bleus. Le sol rocheux semblai bien solide. Il progressa de quelques dizaines de mètres, et constata que la déclivité du terrain augmentait. Un bruit de succion se fit entendre non loin de lui et il vit aussitôt une boule de glue rouge de la taille d'une balle de tennjet rouler dans sa direction. Elle stoppa à quelques centimètres de ses pieds alors qu'il reculait vivement en arrière. Il y avait une phrase incrite en vert pomme sur la sphère. Il se pencha et lu: PRENEZ-MOI. Que faire ?

Il pensait à toucher la sphère du bout d'un long bâton, mais il fut bien incapable d'en trouver un du regard. Il prit son courage à deux mains et poussa doucement la chose du bout du pied. Elle absorba le mouvement et ne bougea pas. A demi-convaincu, il prit la sphère dans ses mains et fut surpris de sa déconcertante texture. Il mit la sphère dans sa poche après s'être assurée que celle-ci ne collerait pas comme de la gelée royale d'oeufs de Ruth. Il étudierait la chose plus tard. Pour le moment, il devait trouver quelqu'un pour savoir où il était. Il continua son chemin dans la même direction, persuadé d'avoir découvert un porte bonheur. Il ne pouvait d'ailleurs pas expliquer ce sentiment de sécurité qu'il allouait à cette sphère.

Il entendit le bruit d'une source, estimant l'importance et la position de l'écoulement à l'intensité sonore. Il descendit ce qui lui semblait être une petite corniche et se retrouva les pieds dans l'eau. Le contact froid du liquide le fit bondir en arrière. Il y avait là un canal en peau de batracien de soixante centimètres de largeur, incrusté dans la roche sans liaison visible. Les deux matières semblaient littéralement fondues ensembles. L'eau avait l'air claire, mais pour rien au monde il n'en aurait bu une gorgée. Le courant était assez fort et Anton se sentait déporté dans la pente, mais pas assez violament pour tomber et se noyer. Il continua à marcher dans le sens du courant et bientôt le terrain autour du canal ne fut plus pratiquable. La pente devenait plus forte.

Puis soudain, devant lui, le panorama se découvrit à lui: Il était en haut d'une immense cirque, face à un vide de quelques kilomètres de profondeur. Après une longue contemplation de cet insolite panorama, lui évoquant l'afrique montagneuse de l'ex Ouganda du XXI ème siècle. Il ne voyait qu'un seul chemin pratiquable pour descendre vers ce qui lui semblait être un village de vallée, tapi au fond du cirque et cerné d'une végétation redoublante. Il sauta dans le canal et se laissa entrainer vers la vallée.