logo2.gif (765 octets)

Point Com

Abonnez-vous gratuitement à Point Com !

ARTICLE - Novembre 1999

 

Première page
Dossiers
Archives
Revue de presse

Agenda
Courrier des lecteurs
Liens

Infos sur Point Com
Abonnement

Accueil AAE-ESIT


Traduire pour le Parlement européen : Pourquoi devoir répondre à des appels d'offres ?

Un article de Philippe Graas, chef de la division du planning du Parlement européen.

Les opinions énoncées par l'auteur n'engagent en rien l'institution.

Le 27 septembre 1997, à l’occasion du cinquantenaire de la SFT, j’avais eu le plaisir d’expliquer dans quelles conditions le Parlement européen avait été amené à lancer des appels d’offres pour la traduction de ses débats. A cette occasion, j’avais rencontré votre présidente, Mme Croix. Au mois d’avril de cette année, elle m’avait demandé par lettre de rédiger un article pour votre Bulletin sur "les conditions à remplir par les traducteurs libéraux pour répondre aux appels d’offre lancés par les institutions européennes, plus particulièrement par le Parlement ". J’espère que les informations contenues dans cet article répondront dans une large mesure à votre attente.

Mais il me semble opportun, avant d’aborder le sujet de la traduction des débats du Parlement européen, d’une part, et de la traduction au bénéfice des différentes divisions de traduction et notamment de la division française du Parlement européen, d’autre part, d’expliciter dans quel cadre politique et juridique le Parlement européen est obligé de travailler.

Contexte politique

Le Parlement européen, de par sa nature, est obligé de fonctionner dans les onze langues officielles, ce qui induit 110 combinaisons linguistiques. Lorsque l’élargissement à cinq nouveaux pays sera concrétisé, le nombre de langues officielles passera de 11 à 16, soit 240 combinaisons linguistiques. Si le nombre total de pays membres de l’Union européenne devait un jour s’élever à 22 pays, le nombre de combinaisons atteindrait le chiffre record de 462 combinaisons linguistiques !

Dans la perspective des futurs élargissements, le Bureau du Parlement européen a adopté au mois d’octobre 1998 un code de conduite qui permettra de garantir "l’échange multilingue d’informations écrites". En effet, il faut permettre aux membres du Parlement européen de recevoir dans leur langue les documents soumis au vote. Il faut également leur permettre d’écrire dans leur langue pour qu’ils puissent ne serait-ce que déposer des amendements à un texte législatif sur lequel le Parlement européen est soit consulté soit associé à la procédure de co-décision avec le Conseil.

Ce code de conduite définit le type de documents qui doivent être traduits à l’intérieur du Parlement européen par les 11 divisions de traduction et ceux qui peuvent être traduits en free-lance.

Succinctement, la traduction par les services internes du Parlement européen est réservée aux documents législatifs, tandis que tous les documents "non législatifs" peuvent être traduits à l’extérieur. La traduction "en interne" dans toutes les langues est par conséquent réservée aux documents qui sont soumis aux membres en séance plénière, à savoir tous les textes soumis au vote tels que les rapports, les avis, les résolutions, les amendements, les questions orales et écrites et le procès-verbal de la séance plénière par exemple, sans que cette liste ne soit exhaustive. Les autres catégories de documents sont soit traduites en interne ou par les free-lances selon les cas.

Contexte juridique

Les principes généraux qui fondent notre action sont :

  • l’article 6 du traité de Rome qui interdit toute discrimination sur la base de la nationalité,
  • l’article 59 du traité de Rome sur la libre prestation des services,
  • l’égalité de traitement et
  • la proportionnalité.

Nous devons également appliquer les dispositions du règlement financier. Celui-ci contient les différents articles relatifs aux procédures d’appel à la concurrence et notamment ceux qui fixent les seuils de marchés publics, soit 13.200 ? pour les ententes directes, 46.000 ? pour la consultation obligatoire de la Commission consultative des achats et des marchés et 200.000 ? pour l’oganisation d’un appel d’offres.

La directive 92/50 du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics dans le domaine des services définit les règles d’application en la matière, les spécifications techniques, les procédures de publicité ainsi que les critères de sélection et d’attribution. Elle s’applique aux institutions européennes en tant qu’autorités contractantes. Cette directive envisage 3 procédures :

  1. la procédure ouverte qui est "ouverte" à tous les prestataires de services et qui se déroule en une seule étape ; deux procédés d’attribution sont autorisés : le prix le plus bas, soit une adjudication ouverte ou l’offre économiquement la plus avantageuse ;
  2. la procédure restreinte qui se déroule en deux étapes, la première étant la recherche des candidats (selon le type de marché, par appel à manifestation d’intérêt, …) et l’établissement de la liste des candidats par l’ordonnateur ; le cahier des charges est ensuite remis aux candidats retenus au stade de la sélection ; les candidats remettent leur offre de prix sur la base de ce cahier des charges ; l’ordonnateur sélectionne le ou les candidat(s) ;
  3. l’entente directe (ou procédure négociée) qui permet à l’ordonnateur, dans le respect du plafond de 13.200 ? (cf. supra), de consulter les fournisseurs de son choix ou de négocier les termes du contrat avec un ou plusieurs fournisseurs.

Les appels d’offres du Parlement européen de 1997 (traduction du CRE)

En 1996, le Bureau du Parlement européen avait voulu supprimer la traduction des débats du Parlement européen (CRE, acronyme pour Compte rendu in extenso) dans les 11 langues en estimant que le coût en était trop élevé. L’Assemblée plénière a toutefois décidé pendant l’examen du budget de l’exercice 1997 de poursuivre la traduction des débats dans toutes les langues officielles et leur publication au Journal Officiel. L’Assemblée imposait un délai de 3 semaines pour effectuer la traduction et l’assemblage des débats.

Auparavant, les débats du PE étaient traduits par des centaines de traducteurs libéraux dans les pays membres et assemblés au PE par le service de l’unité free-lance. Les conditions imposées par l’Assemblée plénière ne permettaient plus de fonctionner de cette manière.

Il fut donc décidé de lancer un appel d’offres ouvert pour connaître les fournisseurs capables de traduire les débats du PE à partir de 10 langues cible vers 11 langues source, soit un appel d’offres par langue officielle sachant que les débats seraient mis à la disposition des agences/groupements de traducteurs sur le site Internet du PE " Europarl ". A l’époque, cet appel d’offres fut très mal accueilli par la plupart des traducteurs libéraux et notamment en France parce qu’ils avaient le sentiment d’être exclus de cet appel d’offres. En réalité, cet appel d’offres offrait la possibilité aux traducteurs indépendants de se regrouper, ce qui fut le cas pour trois des prestataires sélectionnés (ES, NL et PT).

La traduction des débats du PE et leur assemblage ne pouvaient être assumés par une personne seule. Comment connaître 10 langues source et comment traduire une moyenne de 1.300 pages par période de session de Strasbourg tout en assurant l’assemblage des débats ?

Le cahier des charges précisait donc que les groupements de traducteurs étaient autorisés et il stipulait que "Dans le cas d’une offre soumise par un groupe de prestataires de services, les informations visées au présent paragraphe 6 doivent être fournies pour chaque membre du groupe. Les informations qui, en raison de leur nature, portent sur l’interopérabilité des membres du groupe doivent indiquer les arrangements qui seront conclus si le contrat est adjugé au groupe ".

En outre, le groupe ne devait être légalement constitué que s’il remportait le marché de la traduction des débats. Aucun statut juridique précis n’était exigé, l’association ne devait être formalisée qu’après notification de son succès mais avant la signature du contrat.

En 1997 également, le Parlement européen avait lancé deux appels d’offres restreints pour les langues cible suédoise et finnoise pour lesquelles il avait prévu de faire appel soit à des agences de traduction soit à des groupements de traducteurs. En effet, les deux "nouvelles divisions de traduction " créées après l’adhésion de la Finlande et de la Suède ne pouvaient faire face au volume important de traduction qui leur était confié. Il avait donc été décidé d’envoyer 10.000 pages de traduction en free-lance par an alors que les autres divisions de traduction ne confiaient que 2.000 pages par an à l’extérieur de l’institution. La décision avait été prise de confier ces travaux de traduction soit à des agences, soit à des groupements de traducteurs eu égard au volume important de pages à traduire par an. Tout comme pour le CRE, il est également apparu dans ce contexte que la meilleure qualité était fournie par les groupements de traducteurs.

Fort de ces deux types d’expérience, le Parlement européen va lancer de nouveaux appels d’offres dans le domaine de la traduction externe au bénéfice des 11 divisions linguistiques à la fin de cette année ou au début de l’an 2.000 en coopération avec le Centre de Traduction. Ces appels d’offres seront uniquement lancés sur Internet, plus précisément sur le site Web du PE (et publiés au Journal Officiel des Communautés européennes, pour respecter les dispositions de la directive 92/50).

Prochains appels d’offres du PE dans le domaine de la traduction externe

A l’heure actuelle, le Parlement européen envoie donc 2.000 pages par division (10.000 pour les divisions FI et SV) à l’extérieur. Il est prévu d’augmenter progressivement ce volume. Il devrait passer, par langue cible, de 7.000 pages en l’an 2.000 à 12.000 pages environ en l’an 2.002 pour atteindre le seuil de 20% du volume total de traduction au PE hors débats.

Nous pensons qu’il est bon que les traducteurs se groupent, pas seulement pour répondre aux appels d’offres du PE, mais aussi en raison de l’évolution rapide du marché de la traduction. Nous pensons que les traducteurs ont tout intérêt à se regrouper pour être en mesure de suivre l’évolution du matériel et des logiciels informatiques (développement du Web, transfert des documents par serveurs ftp ou htttp, informations en lignes sur le Web,…) et pour travailler plus efficacement dans un plus grand nombre de langues. Le groupement leur permet aussi de mieux préparer les traductions, d’harmoniser la terminologie des longs documents, de se constituer des bases de données terminologiques communes, et partant de continuer à offrir des traductions de qualité face aux agences de traduction en assurant soit une véritable révision des traductions soit au moins un contrôle croisé avant livraison de la traduction définitive. Le groupement leur permet aussi de s’accaparer une part plus importante du marché, ce qui n’est pas négligeable sur le plan économique.

Dans le cadre de ses prochains appels d’offres, le Parlement européen

  • donnera la préférence aux agences qui lui garantissent la création d'une équipe chargée spécifiquement des traductions pour le PE ou aux groupements de traducteurs qui offrent la même garantie. Les candidatures individuelles ne seront pas éliminées pour autant et seront examinées selon leurs mérites;
  • accordera un avantage sous forme de points supplémentaires au moment de la phase d'attribution du marché aux candidatures qui offrent plusieurs langues source vers une langue cible (au moins quatre), qui garantissent la traduction dans des délais courts de textes peu longs et/ou panachés et qui proviennent d'agences ou de groupements de traducteurs qui sont également en mesure d'assurer un volume important de traduction par mois.

Tout comme pour les appels d’offres relatifs au CRE, le Parlement européen n’exigera pas que le groupe soit légalement constitué au moment de l’offre. En revanche, si un groupement figure sur la liste des prestataires de service retenus, le groupement devra être formalisé avant la signature du contrat sous quelque forme d’association que ce soit, pour autant que celle-ci soit reconnue par la législation nationale ou européenne et dans la mesure où une personne assume les responsabilités inhérentes au contrat. Aucun statut juridique précis ne saurait être exigé, le Parlement européen n’ayant pas la prétention de connaître toutes les formes d’association dans l’Union européenne.

Nous nous félicitons donc que le Bulletin de l’Association des anciens élèves de l’Esit publie, en parallèle à cet article, un article de Mme Croix sur les possibilités offertes par la législation française permettant aux traducteurs libéraux de formaliser a posteriori (c’est à dire après l’attribution du marché) ce type d’association.

© Copyright 1999 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés.