Stéphane Guetchev

Cycle: Les Prédications du pope Bogomil (extraits)

Chers lecteurs, la littérature bogomile originale contient une mythologie qui dépasse la foi. Si nous prenons, par exemple, le “Livre secret” des bogomiles, on y rencontre un mélange d’émotions, d’idées et d’images très denses. C’est donc beaucoup plus qu’une simple doctrine religieuse, c’est aussi une littérature admirable, écrite dans le même style que celui qui caractérise la plupart des autres écrits apocryphes,rédigés ou remaniés par les bogomiles, “La Vision d’Isaïe”, “L’Enfance de Jésus”, “L’Evangile de Nicodème”, “Le Livre d’Enoch”. L’étude scientifique du bogomilisme qui a commencé au XIX-ème siècle a été influencée par un esprit analytique, desséché, au detriment de l’imagination et de l’émotion qui sont inséparables de ce mouvement qui a attiré des milliers ou, plutot, des millions de gens. C’est donc un aspect essentiel du bogomilisme. Sa puissance d´appel artistique et esthétique a été jusqu’à présent sous-estimée. On ne connaît pratiquement pas d’efforts sérieux pour la reconstruire. Le cycle des “Prédications du pope Bogomil”, composé par le grand écrivain et penseur bulgare Stéphane Guetchev, heureusement change cette situation en reconstituant l’imagerie ardente et énigmatique de cette littérature méconnue et, en même temps, ce langage oublié des sermons et de la révélation des bogomiles. GV

La Deuxieme prédication est traduite par Lydia Denkova

Les Prédications III, IV, V, VII, VIII, XI - sont traduites par Alain Vuillemin et Guéorgui Vassilev

III  Prédication

IV   Prédication

V    Prédication

VII  Prédication

VIII Prédication

XI   Prédication

 

DEUXIEME PREDICATION DU POPE BOGOMIL

 

Je ne suis pas venu, frères, vous enseigner morale,

je suis venu me confesser.

Car la meilleure morale -

c'est le voisin avec ses péchés.

 

Je ne suis pas venu vous donner du pain,

je vous porte révélation: vous avez faim.

Je ne suis pas venu vous donner la liberté,

je vous donne à saisir qui vous êtes: esclaves.

Et je ne porte pas la lumière,

mais le vent.

 

N'ayez pas peur du vent.

Le vent craignent ceux qui sont contents -

ceux qui veulent que les choses restent

jusqu'à la fin comme maintenant:

Que la pluie fertilise toujours leurs champs,

Que le soleil vivifie sans cesse leur terre,

Qu'au dessus leur tête ne tombent jamais des orages et des tonnerres,

Que les eaux noires ne montent guère

jusqu'à leurs habitations.

 

Mais vous, vous n'ayez pas peur du vent.

Il pousse les bas et les gris nuages faisant de l'air.

Et dans le sein de ces nuages

Sont enfouis les déluges du renouveau. Et les éclairs.

Frères, je suis venu me confesser -

Moi, je suis vent et je veux aussi

vous transformer en vents - sinon

vous resterez jusqu'au bout des tristes opprimés

sans même en avoir conscience.

 

    (Et devant ses disciples):

A vous je parle de cette manière:

La voie la plus rapide et difficile vers la liberté

Est de vous soumettre.

Trouvez le plus méchant maître pour le servir, et tous ses désirs

accomplissez-les en laquais dociles.

Alors de jour en jour votre coeur sera grand ouvert pour la liberté.

Et quand vou sentirez que votre maître

est devenu esclave - quittez-le avec beaucoup de pitié.

Traduction de Lydia Denkova

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TROISIEME PREDICATION

(De l’oignon)


Comme je vous le disais autrefois, mes frères,

sous ce même chêne centenaire,

orné de guirlandes et de verroteries –

le dieu de vos ancêtres – j’ai erré

par des routes sans fin, couvertes de poussière, 

j’ai traversé des montagnes enneigées et des plaines brûlantes,

les lèvres craquelées par la soif.

Que recherchai-je, moi, l’insensé ?

Je recherchais mon dieu.


 
Jadis, j’ai été le serviteur du Crucifié, 

mais, après avoir approfondi ma méditation, 

j’ai me suis mis à douter :

il est mort d’abord – et après ?

On le dit – “ ressuscité ” ? Et après?

Parce que, s’il n’y a pas “ après ”,

                                      ce serait une éternité ennuyeuse,

cela voudrait dire – la mort !

Un dieu signifie-t-il la mort ?


 
En une terre lointaine,

les gens vénéraient un autre dieu. J’ai préféré cela

parce qu’il n’était pas unique : en face de lui, il en était un autre, son égal.

Donc on pouvait choisir à qui s’unir.

Et les deux étaient en bataille éternelle.

Alors, après la question, arrive la réponse – lutter .

Mon âme était tentée de lever une épée franche 

et d’abattre – de vaincre l’un des dieux –

celui que j’avais choisi.

Mais, plus tard, j’ai compris que c’était un péché

si l’un triomphait de l’autre ,

parce que, de nouveau, il n’en resterait qu’un seul 

et que tout serait comme au commencement,

et je n’aurai plus la possibilité de choisir.


 
Et mon âme enfin fût écœurée

de ces dieux étrangers et de ces gens incrédules,

Voilà pourquoi je suis revenu vers vous,

Vers ma terre natale avec ses paumes bigarrées.    


 
Et les routes s’entrelaçaient devant moi,

on eût dit une immense toile d’araignée,

jetée sur moi par des démons et des dieux pour me saisir.


 
Et, pour deviner mon véritable chemin, celui qui mène ici,

j’ai été mû par un seul souvenir –

celui de l’odeur de l’oignon.


 
Oh ! l’odeur de l’oignon,

frit par ma mère au-dehors de la maison,                               

ou écrasé par le poing de mon père. Nous deux, assis, 

engloutissions avec du pain 

ses pelures piquantes et appétissantes… Sachez, donc, mes frères,

la terre a été créée par le diable

et les sages s’en détournent.

Néanmoins, laissons les moines balbutier et égrener des saintes paroles,

tandis que nous – vivons comme l’oignon.

nourrissons les gens et faisons-les pleurer.

Et bien. Je ne suis pas venu vous prêcher la consolation,

ni la souffrance. Je suis venu pour vous dire –

niez, tous, ce que vous aimiez 

et aimez ce que vous allez renier.


 
(Et à l’écart, face à ses disciples) :

               Si vous ne comprenez-pas les paroles mais le sens,

               écrivez, gravez dans votre mémoire :

               pour atteindre la perfection de l’esprit,

               je vous le dis, moi, votre maître :

                                              exterminez l’oignon !

               Pourtant, quand vous partirez pour le paradis,

               munissez-vous d’un bulbe avec une longue tige.

               Peut-être en aurez-vous besoin, 

               Si vous voulez vous élever –

                                              ou descendre.

 
 
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QUATRIEME PREDICATION



 (Du vagabondage)


Partez, frères, à l’aventure.
Présentement, vous êtes des racines enfoncées dans le sol
Vous êtes retenus par les branches rigides des arbres fruitiers,
les blés vous ligotent de leurs nœuds d’or,
la terre vous a enfermés de ses chaînes d’argile.

Gonflez vos muscles, détachez-vous

et partez à l’aventure 

par les chemins de la terre.

Des arbres inconnus surgiront devant vous,

vous captivant de leurs chants

et de l’arôme de leurs fleurs et de leurs fruits

pour vous inciter à demeurer auprès d’elles.

Mais devinez leur chanson traître.

Dans votre dos, les lances vertes

et les flèches vibrantes de la peur vont siffler,

Mais vous, les êtres libres, vous irez plus vite :

c’est le mouvement qui vous apportera la liberté.


 
Sur les chemins, vous rencontrerez

des bêtes et des idoles et des gens.

Alliez-vous aux bêtes,

et, après, – tuez-les. 
 
Adorez les idoles 

et, après, brisez-les.

Parlez aux gens 

et, après, abandonnez-les.


 
De cette manière, vous apporterez à tous liberté,

haine, amour et pitié.


 
Et, à part, face à ses élèves) : 

Mais, si vous voulez être libres 

pour errer par tous les chemins

sous la terre et en dessous de la terre –

ne bougez pas de votre place

et contemplez, immobiles, profondément,

une de ces petites fleurs jaunes

en lui demandant tout humblement

de vous changer vite en pissenlit. 
 
 
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CINQUIEME PREDICATION 

(Des arbres – extrait) 


 
Pour savoir unir, 

apprenez d’abord à séparer.

C’est pour cela que je vous révèle qui est le dieu et qui est le 

diable. 

………………………………. 

Quand je serai parti, qui vous l’enseignera ? 

N’osez pas l’apprendre de la pierre, 

Ce n’est pas pour vous.

Apprenez de nos arbres.


 
Apprenez, par exemple, du chêne.

Il est l’arbre le plus puissant, le plus grand, 

mais il est celui qui produit de tout petits glands – 

une nourriture pour les cochons. 


 
Apprenez du châtaignier. 

En été, ses feuilles sont les plus complaisantes, 

tandis que, en automne, ses fruits sont les plus piquants. 


 
Apprenez du tremble.

Ses feuilles tremblent également 

quand il y a du vent

et quand un grand silence règne tout autour. 


 
Mais, surtout, apprenez du peuplier.

Il pousse, les branches un peu de côté, 

en préservant ses forces pour s’élever…

…………………………………………………………………………………………

 
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SEPTIEME PREDICATION

(Ainsi dite “en colère”)


 
Pardonnez-moi, mes frères, aujourd’hui, je suis en colère.

Mais pas contre vous – contre toutes les gens.

Or, n’êtes-vous pas des êtres humains ?

Et non contre vous – contre tous les dieux.

Or, n’êtes-vous pas des dieux ?


 
Des sages racontent comment dieu vous a modelés

de sa main aimante

                          d’après son image.

Et il pensait qu’il vous avait créés parfaits.

Non pas parfaits – il vous avait créés innocents.

Ce qui veut dire – que vous ne connaissiez ni le bien ni le mal,

ce qui veut dire – purs, vrais, mais un peu niais,

dignes de son paradis.

Mais quelle est la valeur d’une pureté qui, pas une seule fois, n’a été éclaboussée ?

Et Satan, ce sage qu’il est, ne vous a pas approuvés.

“ Dieu vous a faits, ainsi disait-il – 

comme les arbres et comme les hannetons, 

comme les ouailles avec leurs ombres blanches.

Mais vous n’êtes ni des arbres ni des hannetons,

ni de petites ouailles – vous êtes des humains! ”

Et il a ajouté, ce Satan clément : 

“ Mangez cette pomme, pour savoir 

ce qui est bon de ce qui est mal.

Ainsi, en passant par le mal et le bien,

on dirait – en passant par le feu et la glace, 

vous obtiendrez la sagesse et la connaissance, 

en étant capables de choisir par vous-mêmes.

Le paradis, le – quoi, donc ?

Aurait été le même si je vous avais faits et envoyés aux enfers.

(Car je vous dévoilerai ce secret :

a l’instant où dieu a créé le paradis,

moi, j’ai créé les enfers –

pour sauver l’univers de la mort).

Donc – pour que vous passiez par plusieurs épreuves,

et, après avoir acquis sagesse et connaissance, 

pour que vous plantiez un autre paradis – le vôtre,

apres tant de siècles noirs et verts écoulés, 

que le paradis divin ne vous manque pas maintenant

ni l’enfer du diable – 

                          vous avez besoin de la terre !

(Encore dirai-je un autre secret :

                          sans dieu

                                   même moi, je ne le peux guère).

Bonne chance et retenez bien, 

apprenez par vos épreuves terrestres, 

ne vous hâtez pas de choisir, de prime saut,

la béatitude, le bien,

entraînés par le souvenir du paradis.

Parfois, il sera préférable pour vous 

d’accepter la douleur et le mal.

Donc, quoi et quand choisir,

vous l’apprendrez par vous-mêmes.

Ne vous fiez pas aux révélations et aux miracles ”.

Ainsi parlait et prêchait

le sage Satan. Et Dieu ne l’en a pas empêché.


 

Et vous, quoi donc ?


Vous acceptez avec résignation ce que

la vie vous offre. Sans choisir.

Vous ne vivez pas, vous subissez la vie

comme des bêtes.

Mais que vous dis-je ?

Vous avez oublié le bien des animaux 

et des arbres,

de l’humain, vous n’avez rien appris d’autre que le mal.

Cruels pour les faibles,

on vous dirait des bêtes de proie les plus féroces, 

face à ceux qui sont plus forts,

vous faites semblant d’être des scarabés morts,

Si l’on vous dit : “ tue! ”, vous tuez.

- “ A genoux ” ! Vous vous agenouillez.

Intimement, en votre cœur, vous désirez

non pas que les maîtres disparaissent

mais que, vous-mêmes, vous deveniez des maîtres.


 
Un ignorant dirait que vous avez choisi le diable. Mais non !

Ceux qui suivent la voix du Satan

commettent le mal avec la même pureté, fierté 

et humilité, 

que ceux qui ont choisi la voie qui mène vers Dieu

et qui pratiquent le bien. Et vous ?...


J’ai décidé de partir dans les bois les plus profonds

et, là, tel un insensé, de crier et de prêcher

aux arbres, aux lézards, aux bêtes.

D’ailleurs, ils n’ont aucun besoin de leçons…


 
Pardonnez-moi, mes frères, aujourd’hui, je suis en colère. 

Non pas contre vous ni contre les dieux.

Mais contre moi-même…


 
(Et, à part, face à ses élèves) :

Je vous ai dit que j’étais en colère.

A vous, je le dis : non, je suis au désespoir !...

Dans un livre ancien, loin d’ici, en Orient,

j’ai lu un tel vers :

“ Un homme sanglote au fond d’un abîme noir,

tandis que, là-haut, en une nuit odorante,

un Enfant joue avec sa flûte une mélodie douce. ”

Où est cet enfant ? Quand viendra-t-il ?

Si vous avez compris, vous comprendrez 

aussi ma raison d’être si désespéré en mon abîme…

 
 
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HUITIEME PREDICATION

(Avec proverbe)


 
 
J’ai ouï dire, 

parmi vous, 

que je ne serais pas un véritable maître

parce que les anciens maîtres 

enseignaient à l’aide de paraboles et de légendes.


 
Je ne vous ai jamais dit être un maître,

moins encore – un saint.


 
Soit. Moi aussi,

je vous raconterai une parabole. Voyons

si cela vous rendra plus savants.

 
Autrefois, aux temps anciens, il était un sage.

Il avait atteint une grande sagesse et une profonde connaissance, 

assis, les jambes croisées, en contemplant

une antique amphore, sur la quelle

des symboles sublimes et mystérieux,

ceux d’une connaissance suprême,

avaient été écrits, voici longtemps, par la main d’un dieu…

A l’instant où le sage avait senti qu’il arrivait à la perfection,

miracle ! –

un bélier était apparu d’on ne sait où, volant

et tenant une lourde pierre en sa gueule

pour la lâcher et la laisser tomber sur l’amphore

et la briser en mille morceaux.

(Mais, vous me demanderez – comment ? Quel est ce mouton ?

Un mouton ne vole pas, il ne pourrait emporter aucune pierre !

Si je vous avais dit qu’un aigle 

avait apporté cette pierre, où, alors, aurait résidé le miracle ?

Ce sont des paraboles et des miracles que vous espérez,

N’est-ce pas ?)

Le saint, désespéré, se mit à crier, 

qu’il avait perdu en vain tout son travail, 

qu’il ne parviendrait pas à la sagesse suprême,

qu’il ne pénétrerait pas au paradis.

Et, fixant son regard sur l’amas de tessons brisés,

il décide de se remettre au travail

et d’en recoller les morceaux

pour achever son œuvre glorieuse.

               Trois années

le vieillard a œuvré, jour et nuit, 

et le temps aurait peut être été le double

si une passion et une profonde inspiration 

n’avaient sans cesse guidé sa main.


 
Et le diable (il est toujours là

quand une grande chose doit naître),

se taisait en regardant comment ce sage vénérable

travaillait, jour et nuit, suant à grosses gouttes, 

comment il parvenait à recoller les petits débris d’argile sèche.

Alors, le diable prit peur : il allait réussir, ce vieillard,

a restaurer l’amphore et à connaître

ce savoir qui lui manquait pour accéder au paradis

(On sait que la besogne du diable, c’est

d’empêcher, autant que possible,

les gens de découvrir

la voie qui mène vers le paradis.)


 
C’est pourquoi, à l’instant où l’amphore fut prête

et où le vieillard, extenué,

s’était endormit, le diable refit son apparition, 

S’empara de l’amphore et l’emporta en l’une de ses antres.

Au jour suivant, il est retourné vers le vieillard 

et lui a parlé avec douceur :

– “ J’ai volé l’amphore, celle que tu as recollée

au prix d’un travail si dur

pour découvrir grâce à elle la sagesse et le paradis.

Je te la rendrai si tu signes

de ton sang (en te faisant une petite plaie),

que, après ta mort , ton âme 

m’appartiendra. Je la veux

en rien pour quoi que ce soit d’autre,

mais pour pouvoir, grâce à elle, 

me purifier, moi aussi, et me fondre

en ta sagesse et en ton paradis.


 
“ Tu peux garder l’amphore – lui répondit le sage –

Je n’en ai plus besoin pour parvenir à mon dieu.


 
Et le vieillard de se soulever avec peine 

et d’écrire sur une planche, en de belles lettres :

“ La colle des pots brisés.”

Il sortit et l’a posa devant sa porte.

Le diable a hoché la tête et s’en fut.

“ La vieillesse et la fatigue ont troublé ce vieillard –

songea le diable, heureux que ce sage, lui aussi,

resterait aveugle à la sagesse.


 

 Et vous, qu’en pensez-vous ?

Que signifie cette longue parabole ?

Je vous le dirai pour vous en épargner la peine :

Le sentier le plus direct vers le paradis –

c’est de toujours faire ce

que l’on sait le mieux.


 
(Et, uniquement pour ses élèves) :

Pour vous, cette parabole peut avoir un autre sens.

Si vous voulez vous libérer de diable,

imitez le fou et l’insensé.

Parce qu’il n’est personne de plus de raisonnable que lui

ni sur la terre ni au ciel.

 
Et, en effet, le plus raisonnable fuit le fou


de la même manière qu’on fuit le feu.

 
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ONZIEME PREDICATION

(“Secrète”)

(Seulement pour ses élèves)

 
 
 
Ne soyez pas étonnés, mes frères, si, en présence des autres,

J’affirme une idée et, devant vous – son contraire,

mais apprenez à fondre ensemble des affirmations opposées,

pour devenir des Sages.


 
Dans leur livre sacré, il est écrit :

Dieu – c’est le bien .

Mais comment existerait-il un bien sans un mal ?

En niant le diable, ils renient aussi leur dieu.


 
Ces pauvres frères, qui sont au- dehors,

je leur enseigne 

qu’il existe un dieu et un diable,

qui pèsent autant sur la balance.

A vous, j’apprends : fondez ensemble,

en vous, en une seule entité, le dieu et le diable.

C’est uniquement alors que vous entrerez en possession

du secret entier de l’homme, 

des esprits et de la pierre.


 
Dans leur livre, il est encore écrit :

Dieu est amour .

Mais comment comprendrait-on qu’on aime

si on ne haït pas ?

Pourriez-vous aimer d’une manière absolue, 

sans, au même moment, haïr d’une manière aussi absolue ?

A ces pauvres frères, qui sont au-dehors, 

j’apprends à aimer un morceau de pain,

un dahlia dans un jardin,

une poule, un œuf,

un cochon, du blé, leurs enfants, la bûche,

a détester  les courtisans et les popes,

a détester les mauvaises herbes, les palais, les couteaux, 

parce que, de cette manière, ils deviendront des êtres humains.


 
A vous, je le dis :

unissez en votre cœur 

le grand amour avec la haine profonde

pour pouvoir contempler

en même temps 

le ciel et la terre, 

afin que le secret du ciel

et que le mystère terrestre

deviennent une seule et même entité

et pour que vous deveniez parfaits .
 
 
Soyez des flammes brûlantes sur l’eau. 

Et, si vous partez pour aller prêcher, 

Soyez compatissant – divisez-vous vous-mêmes, soyez : 

pour ceux qui ont soif, de l’eau,

pour ceux qui grelottent – du feu.

 
Vous en aurez besoin, mes frères, 

quand vous monterez sur le bûcher.

Donc, préparez-vous à unir 

la vie et la mort en une seule réalité,

pour que vous puissiez vivre jusqu’en des temps immémoriaux

et, même, au-delà.