Manakara
doit son essor d'entre les deux guerres à la construction de la ligne
de fer Fianarantsoa - Côte Est (FCE). Ce voyage de 170 kms prend 9
heures en traversant la forêt où vivent les Tanala. C'est
l'occasion de nouer des contacts avec la population locale et de jouir
de magnifiques panoramas, à partir des hautes terres.
Fini
les départs mora-mora (doucement le matin, pas trop vite le soir)
depuis les récents investissements de la FCE : l'organisation
met un point d'honneur à respecter l'horaire vasaha. Le train s'ébranle
donc à 6h45 dans une ambiance conviviale, tandis que les derniers
voyageurs espèrent encore trouver un petit siège capitonné dans
l'unique wagon de 1ère classe.
A peine parti, la bête humaine
s'arrêtera dans une des 17 gares qui jalonnent sa progression. Déjà,
les vendeurs s'agglutinent aux fenêtres des compartiments, guettant le
moindre geste d'un passager qui céderait au désir de croquer un
beignet de banane, un oeuf dur voire une écrevisse.
A mesure que l'on descend, le paysage se fait plus
sauvage : on quitte les forêts de remplacement (eucalyptus, sapins)
pour s'immerger dans une végétation épaisse traversée par de
magnifiques cascades. Le voyageur est tenté d'énumérer les quelques
espèces qu'il reconnaît (carottes, radis...???) mais bientôt
abdique sa prétention devant une diversité qui le submerge.
La pluie commence à tomber, et, curieuse,
s'invite à bord grâce à la complicité
d'espagnolettes fatiguées. Capricieuse, il lui arrive même d'obliger
les voyageurs à descendre pour alléger le convoi qui patine sur des
rails mouillés.
Parfois, on entend les passagers relater à voix
basse les circonstances d'un déraillement passé comme pour conjurer le
mauvais sort. Mais, la fragilité du système de frein tenu par quelques
rafistolages astucieux démasque la vanité de cet exorcisme verbal.
Soudain, la végétation
luxuriante laisse place à une gigantesque palmeraie abandonnée,
spectacle féerique qui annonce notre arrivée prochaine dans
l'accueillante Manakara... Déjà, les pousses-pousses sont en alerte
sous les yeux ébahis des Vasaha tirés de leur sommeil.