Chaque fois que je me lave les dents avec soin,
je pense à Luc BESSON. Pourquoi ?

En janvier 1983, le rêve de Claude Zidi, va enfin se réaliser. Il sera sélectionné pour LE FESTIVAL D'AVORIAZ !!! Pour Claude, les millions d'entrées, Cannes, les Césars, les Oscars, tout ça : foutaise ! Lui, son rêve, c'est de remporter le Grand Prix du Festival d'Avoriaz !!! C'était devenu obsessionnel quand il a compris qu'il resterait coincé à n'être qu'un metteur en scène de films commerciaux franchouilles. Alors qu'il aurait tant aimé être le Benazeraf-De Palma-Wes Craven du cinéma universel, pas par mégalomanie (ce n'est pas du tout son genre), ni par orgeuil ou désir de puissance mal placé, non, simplement pour remporter un jour le Grand Prix du Festival d'Avoriaz. Quand nous nous sommes retrouvés, vingt ans après notre premier film,   autour du flipper du Saucisson rue lord Byron, il me sauta dessus en disant : " Tu aimerais gagner le grand Prix du Festival d'Avoriaz ?" Comme j'ai dit "Oui" (j'aimerai gagner n'importe quel Grand Prix y compris celui de Avoriaz) Zidi m'a regardé de son oeil vif : " J'ai un sujet pour toi ?"
Vous me direz quel rapport avec Besson ? Patientez voyons. Que je continue mon Histoire. Donc, le Zidi qui regorge d'imagination et qui ne pourra jamais réaliser le dixième de ce qu'il pourrait faire, concoctait depuis de nombreuses années un sujet sur la révolte des objets. Nourri au biberon de la société de conso, Zidi détestait, comme moi, les objets inutiles inventés pour compliquer la vie des humains et enrichir les marchands du genre le couteau électrique, le rasoir jetable, le four micro-onde, les bouteilles de gaz, et ces centaines de gadgets nouveaux et stupides qui s'accumulent dans les Super-Marchés. Ainsi donc, il me donne son sujet, on en cause, j'en écris des scènes, il rectifie, enfin on fait un scénario, j'apprends beaucoup, lui s'amuse, on bouffe bien, on boit bien et je reçois quelques picaillons. Nous sommes heureux. On va même jusqu'à tourner le film qu'il finance à 100 % et qui s'appelle " LE DEMON DANS L'ÎLE" et dont l'objectif principal est de remporter le Grand Prix du Festival d'Avoriaz. Nous étions bien parti, le film, quoiqu'assez fauché (à qui me plaindre ?) avait de bons acteurs, bons scénar, bon produc, et pas mauvais metteur. En plus on gagnait sur le terrain de la cote d'amour :Zidi-Duperrey- Leroi- Brialy, que des prix "orange" depuis la création du Festival.
Seulement, j'avais un problème de dent. Mon ami Wawa, le sage de la rue Bassano, producteur milliardaire et malin, papa et copain, avait une amie qui offrait deux avantages : 1.- son mari était dentiste, 2.- elle s'occupait de la communication du Festival d'Avoriaz. Autant faire deux Pierre (Roitfeld) d'un coup ! Du coup de ce coup je me vois en train de tordre mon cou sous la roulette du mari de l'amie de Wawa. A l'issue de la scéance de torture le mari de l'amie de Wawa me dit : " La clef, c'est le brossage ! A votre âge (j'avais que 40 merde !) le problème c'est les gencives... faut donc savoir se brosser !" Et voilà la leçon de brossage : au moins 10 secondes par dent, devant, derrière, au-dessus, en dessous et on compte jusqu'à 10 lentement, et de bas en haut pour que les gencives se raffermissent et tiennent les dents. Ceci dit ce fut efficace, faut dire. Le dentiste avait écrit un "Que sais-je ?" sur " Brossage et fertilité", et un autre sur " Le Brossage, Roi de la dent". On le prenait pour un charlot, mais c'était un vrai cador, j'affirme et certifie. Enfin, c'était la veille d'Avoriaz, je devais gagner et en même temps me brosser consciensieusement les dents. Les petits malins ont compris, le LIEN avec BESSON... Et oui, cette année là, l'huluberlu de petit jeune audacieux et super sympa se pointait à Avoriaz avec un tout petit rien du tout de film noir et blanc aussi, sinon plus fauché que le DEMON, mais autrement plus talentueux dans la mise en scène (sens de l'image, du rythme, folie, acteurs décalés) et drolement moins bien foutu sur le plan du scénar (quasi incompréhensible et incohérent, mais qu'importe pourvu qu'il y ait l'atmosphèère disait Arletty), et voilà que Zidi me force à penser à lui : " Ca plait, un jeune, un nouveau, qui fait des grands mouvements de caméras, avec des lumières qui bougent. Ca va plaire. On va perdre. C'est foutu !" Je me voyais et je me vois encore dans la chambre d'hotel à  frotter les dents une par une en comptant jusqu'à dix, et dans le miroir le visage ironique et si sympa de Luc le gros plein de talent et de malice. Aujourd'hui encore je le revois à chaque fois. Je suis heureux, très heureux, car Luc que j'ai rencontré toute cette année là dans les Festivals où nous étions chaque fois en compétition, tourne les films que j'aurai VRAIMENT voulu faire, et c'est lui qui s'emmerde à les tourner pour moi, pendant que je rêve dans mon miroir en me frottant les dents.
Luc, je t'adore.

UN DOCUMENT PERSONNEL : BESSON AU FESTIVAL DE PORTO



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