Inspiration

Je vous appelle à moi
Vous implore d'apparaître
Écriture de mes pensées
Symboles de l'imagination...

Je veux étaler sur le papier
Des récits enchantés
Des histoires mouvementées,
Mais ils ne viennent point;
Ils s'obstinent bien
Ces mots de l'inspiration.

Je veux transcrire
L'expérience, la franchise
L'amour, le fantastique
Le drôle, l'amitié et la paix,
Mais ils ne viennent point;
Ils s'obstinent bien
Ces mots de l'inspiration.

On m'a déjà dit :
« Ne l'attends pas, écris ! »,
Mais je n'en suis pas capable.
J'espère ces dessins ineffables
Pour imager dans l'esprit affable
Des lecteurs avides,
Mon champ de mots aride...
Ah ! Et puis fuis si tu veux,
Je ne connais point la fatigue,
Devant moi, j'ai ma nuit lyrique !

Aureur : Derya Tekelioglu
Écrit en 2006
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Bonheur dans le ciel - Poème d'un état serein

La nuit, quand l'insouciance s'établit d'emblé,
Quand monte lentement le bruit des vagues,
Que le soleil se meure d'avoir trop brillé
Et que les rires s'épuisent dans l'obscurité,
Des milliards d'éclats de bonheur parsèment le ciel.
Si dans le coeur, il y a assez d'espoir,
Que l'âme est dépourvue de fiel
Et que l'esprit ne cesse de croire,
La pensée sera énivrée de cette infinité de parcelles.
Quand le coeur est pris au piège et qu'il s'oublie,
Le bonheur devient éphémère et menacé
Et que des yeux s'échappe toute trace de vie,
S'envole alors des nuées d'étoiles destinées à errer.
Or à bout de forces, les plus infortunés relèvent la tête,
Car l'indigence forge des amitiés .
Une main à celui qui ne croyait plus,
Un sourire à celui qui ne riait plus.
Le coeur fatigué peut se reposer,
Le bonheur est enfoui au creux d'une pensée.

Auteur : Derya Tekelioglu
Achevé le 7 juin 2004 à Minuit, l'heure où ni le jour ni la nuit n'a le dessus.
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Jacques Brel
Les Vieux

Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan
Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières
Et s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends

Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermés
Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de rides leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit
Et s'ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide
C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide
Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend

Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps
Ils se tiennent par la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer
Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loin
Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t'attends
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend.

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Alfred de Musset
À l'Étoile du berger - Recueil : Le Saule - Fragment

Pâle Etoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d'azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine ?

Que cherches-tu sur la terre endormie ?
Mais déjà sur les Monts, je te vois t'abaisser ;
Tu fuis en souriant, mélancolique amie
Etoile qui descend sur la verte colline,
Et ton tremblant regard est près de s'effacer.

Triste larme d'argent du manteau de la nuit
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit.

Etoile où t'en vas-tu dans cette nuit immense ?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ?
Où t'en vas-tu si belle, à l'heure du silence
Tomber comme un perle, au sein profond des eaux ?

Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ma tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête :
Etoile de l'amour, ne descends pas des cieux !
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Victor Hugo
À une jeune fille - Recueil : Odes et Ballades

Vous qui ne savez pas combien l'enfance est belle,
Enfant ! n'enviez point notre âge de douleurs,
Où le coeur tour à tour est esclave et rebelle,
Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs.

Votre âge insouciant est si doux qu'on l'oublie !
Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs,
Comme une voix joyeuse en fuyant affaiblie,
Comme un alcyon sur les mers.

Oh ! ne vous hâtez point de mûrir vos pensées !
Jouissez du matin, jouissez du printemps ;
Vos heures sont des fleurs l'une à l'autre enlacées ;
Ne les effeuillez pas plus vite que le temps.

Laissez venir les ans ! Le destin vous dévoue,
Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié,
A ces maux sans espoir que l'orgueil désavoue,
A ces plaisirs qui font pitié.

Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance
Riez ! n'attristez pas votre front gracieux,
Votre oeil d'azur, miroir de paix et d'innocence,
Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux !
**

Victor Hugo
À la fenêtre, pendant la nuit - Recueil : Les Contemplations


Les étoiles, points d'or, percent les branches noires ;
Le flot huileux et lourd décompose ses moires
Sur l'océan blêmi ;
Les nuages ont l'air d'oiseaux prenant la fuite ;
Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite,
Comme un homme endormi.

Tout s'en va. La nature est l'urne mal fermée.
La tempête est écume et la flamme est fumée.
Rien n'est, hors du moment,
L'homme n'a rien qu'il prenne, et qu'il tienne, et qu'il garde.
Il tombe heure par heure, et, ruine, il regarde
Le monde, écroulement.

L'astre est-il le point fixe en ce mouvant problème ?
Ce ciel que nous voyons fut-il toujours le même ?
Le sera-t-il toujours?
L'homme a-t-il sur son front des clartés éternelles ?
Et verra-t-il toujours les mêmes sentinelles
Monter aux mêmes tours ? [...]
**

Victor Hugo
À celle qui est restée en France / Partie I - Recueil : Les Contemplations


Mets-toi sur ton séant, lève tes yeux, dérange
Ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d'ange,
Ouvre tes mains, et prends ce livre : il est à toi.

Ce livre où vit mon âme, espoir, deuil, rêve, effroi,
Ce livre qui contient le spectre de ma vie,
Mes angoisses, mon aube, hélas ! de pleurs suivie,
L'ombre et son ouragan, la rose et son pistil,
Ce livre azuré, triste, orageux, d'où sort-il ?
D'où sort le blême éclair qui déchire la brume ?
Depuis quatre ans, j'habite un tourbillon d'écume ;
Ce livre en a jailli. Dieu dictait, j'écrivais ;
Car je suis paille au vent. Va ! dit l'esprit. Je vais.
Et, quand j'eus terminé ces pages, quand ce livre
Se mit à palpiter, à respirer, à vivre,
Une église des champs, que le lierre verdit,
Dont la tour sonne l'heure à mon néant, m'a dit :
Ton cantique est fini ; donne-le-moi, poëte.
- Je le réclame, a dit la forêt inquiète ;
Et le doux pré fleuri m'a dit : - Donne-le-moi.
La mer, en le voyant frémir, m'a dit : - Pourquoi
Ne pas me le jeter, puisque c'est une voile !
- C'est à moi qu'appartient cet hymne, a dit l'étoile.
- Donne-le-nous, songeur, ont crié les grands vents.
Et les oiseaux m'ont dit : - Vas-tu pas aux vivants
Offrir ce livre, éclos si loin de leurs querelles ?
Laisse-nous l'emporter dans nos nids sur nos ailes ! -
Mais le vent n'aura point mon livre, ô cieux profonds !
Ni la sauvage mer, livrée aux noirs typhons,
Ouvrant et refermant ses flots, âpres embûches ;
Ni la verte forêt qu'emplit un bruit de ruches ;
Ni l'église où le temps fait tourner son compas ;
Le pré ne l'aura pas, l'astre ne l'aura pas,
L'oiseau ne l'aura pas, qu'il soit aigle ou colombe,
Les nids ne l'auront pas ; je le donne à la tombe.
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Poèmes ~ Page 2
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