[ jeudi 1er janvier 2009 ]
Je les regarde derrière la vitre parfois, je m'imagine ne pas être là, ils seraient encore là, comme ça, si moi je n'y étais pas. Satisfaction de les avoir comme ça, amertume, qu'adviendrait-il si je ne les avais pas? Si j'étais loin, si je n'étais pas là, derrière la vitre parfois où je les regarde comme pour surprendre ce que ce serait d'être à l'extérieur, hors de cette famille que j'ai portée à bout de bras et malgré moi.
Renaître à soi-même un après-midi de décembre c'était un cadeau, je l'ai pris les yeux grands ouverts, ça avait l'air facile, après.
Je lui ai dit longtemps j'ai voulu partir je ne l'ai jamais fait, pensais ne jamais vraiment en être capable, culpabilité, et puis ailleurs, quoi? ailleurs, rien... Je suis restée dans cette vie que j'ai pas voulue, que j'ai pas choisie
Pourquoi je lui ai dit ça, pourquoi ça, la première chose que je lui ai dite?
Il m'avait retrouvée, cachée derrière mes yeux, mon discours, mes mains, mon visage, mes photos de famille, le sourire qui va avec, il m'avait sûrement retrouvée pour que je lui dise ça, tout de go comme ça...
Peut-être que s'il ne m'avait pas dit que ce jour-là de ce mois-là de cette année-là, à 4 ans d'ici il avait voulu vivre avec moi...
Alors renaître à soi-même, telle que l'on était, telle que l'on s'était perdue, ça n'a pas de prix, ce cadeau-là je l'ai pris, empoisonné ou pas qu'il soit, je l'ai pris avec la vague impression que ce serait facile, après.
Métaphore de la tour dorée, sortir de la forteresse, forcément, forcément, d'un quotidien où l'on oublie le goût des larmes, pas pleurer pas le temps, jamais, contente de rien, bouleversée de trois fois rien...s'échapper de la forteresse qu'on a soi-même construite un jour parce qu'on avait trop à donner et l'occasion de le faire. Qu'on a construite de ses propres mains, pierre après pierre, des heures, des mois, des années durant, pour lire avant de dormir une histoire à son enfant.
Seulement après, tout se confond. Les raisons pour lesquelles parfois on les regarde derrière la vitre, voilà ce que j'ai construit, les raisons pour lesquelles on s'échapperait parfois à n'importe quel prix, voilà ce que j'ai détruit. Ca avait l'air facile, après.
Bien sûr on se sent pousser des ailes, on pourrait en parler pendant des heures, croire très fort qu'il ne suffit que de ça, c'est à peine si l'on ne pense pas qu'il suffit de fermer les yeux et les rouvrir pour s'apercevoir que tout n'était qu'un rêve, que tout est encore à écrire, qu'on a encore l'embarras du choix.
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Tous ces détails, toutes ces petites choses partout autour d'ici arrêtent mon regard, à chaque seconde. Détachement. Les photos qui défilent sur l'écran. Le centre du monde, le centre de notre monde. Le centre de notre monde défile en photos en boucle. Et je me suis oubliée.
Et loin de moi l'idée, alors que soudain cette réalisation me frappe au visage, d'une mauvaise mère. Ce scénario-là je n'y crois pas. Pour sauver ma peau, ou pas, mais je n'y crois pas une seconde.
Trentre piges dans trois mois et c'est pas une raison pour me laisser couler dans la culpabilité, ne plus bouger, me laisser sombrer pour me réveiller trop tard offrir à mon enfant le triste visage du sacrifice, au nom d'un bonheur qu'il ne rencontre peut-être jamais. Ce que je suis devenue n'est pas mon visage, à vivre une vie ainsi il ne me connaîtrait pas. Pas vraiment. Pas le meilleur côté d'une maman.
Ici, maman qui crie, maman qui pleure, parfois,maman qui sourit un sourire comme on lui interdit, à lui, de faire sur les photos, le sourire forcé qui veut faire plaisir, qui veut bien être d'accord, qui veut bien écouter, qui veut bien s'oublier. Mais c'est pas ce que je veux pour lui. C'est pas ce que je veux pour moi.
Ailleurs, peut-être, être une maman autrement. Pour le meilleur.
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Et toujours ces détails, tous ces moindres détails dans une maison où je ne reconnais rien ou si peu. Et la réalisation de tout ce qui m'avait échappé. Toutes ces choses du quotidien qui entrent chez vous faire partie de la famille. Et plus je me retourne et plus elles semblent prendre de la place, et de l'importance pour rien.*****
Pas encore trente piges et je me rêve autre encore. Un peu plus près de samedi dernier. Un peu plus près de celui qui ne m'avait à l'époque rien demandé, un peu plus près de la femme que j'avais été, qui était peut-être là encore, endormie toutes ces années.