[ lundi 20 janvier ]
Je ne veux pas retourner dans cette chambre en désordre, dans ces draps défaits
qui portent le parfum de mes nuits blanches. Une cigarette, je me réfugie derrière la porte, derrière la porte de la
chambre, de la chambre où je ne veux pas retourner, où je ne veux pas m'enfermer, faire semblant de vouloir
rejoindre le sommeil ce soir, seule, dans cet air de solitude qui ne me protège plus, pas ce soir, pas ce soir, les
autres jours peut-être, les autres jours sûrement, mais pas ce soir, non, cette chambre en désordre, cette chambre
que le désordre ne comble pas, pas cette fois, cette chambre vide me fait peur, de derrière la porte je la devine
qui m'attend, traître, me montrer ce qui n'est pas, me montrer ce qu'il n'est pas là, pas ce soir, pas comme la nuit
d'avant, pas comme ce matin encore, cette chambre qui m'attend pour me montrer que le jour s'est éteint, que
demain sera. Mais pas encore là. Le jour s'est éteint, mais encore à la frontière de demain, pas encore demain, pas encore.
J'attends demain, et demain ne vient pas assez vite, et la chambre derrière la porte n'attends
pas que l'on soit demain déjà pour me montrer que je ne suis plus maîtresse de mes lieux, pas encore, pas tout de
suite, puisqu'il a pris toute la place, un soir et une nuit, et un matin aussi.
Il parle, il parle et je ne l'écoute pas. Je souris, le regarde dans les yeux et pourtant ne l'écoute pas. Oh rien
que le temps. D'entendre ma propre voix murmurer je pourrais bien mourir pour celà, pour
cette nuit-là de plus, je pourrais bien y risquer ma vie, la grande, la vraie, je souris d'entendre cette voix,
la mienne qu'il n'entend pas, qu'il ne soupçonne pas alors qu'il parle, qu'il parle et que je ne l'écoute plus, je
souris parce qu'elle me dit sans cesse je mourrais avec le sourire, ce n'est rien,
ces idées-là, ce n'est rien, la vie devant moi il y a des nuits où c'est la vie au présent, pas tant de nuits que ça, et pourtant
cette nuit-là, alors qu'il me fait rire je souris et j'entends ma voix je pourrais bien mourir avec le sourire,
s'il me donnait la mort les heures à venir. Il parle, il parle et je ne l'écoute pas encore, juste le temps. De
savourer mes propres contradictions. L'instant d'avant je songe il n'est rien, si petit devant mes rêves d'ailleurs.
L'instant d'après aussi. Je songe. J'irai ailleurs, loin d'ici, ce sera bien, oui, j'attends celà, partir encore,
j'irai ailleurs, un ailleurs si rempli de mes envies, un ailleurs si paisible que ton corps n'y serais Rien.
Et je suis contradiction et ne m'en cache, je suis contradiction entre ce corps de lui et ces rêves d'ailleurs.
Ce corps, toujours ce corps-là, massif, rugueux, toujours ce corps-là, corps-présence qui tour à tour submerge et
déserte la chambre. Ce corps-là au coeur de mes contradictions. Ce corps qui me fait dire à la fois qu'il serait doux,
Mourir de cet amour de vous et Vivre d'un ailleurs sans vous.