[ lundi 31 mars ]

Profiteuse, possessive, dramatique, excessive, séductrice, amère, allumeuse, orgueilleuse, insouciante, pas amoureuse, pas innocente, le pire de moi dans un café enfumé où la musique devenait étourdissante, les voix et les verres enivrants.
Le pire de moi dans une lutte invisible, le désir de plaire encore et encore, peu importe la cible, le pire de moi retrouvé au nom d'un jeu sordide de séduction interessée.

Je n'aime personne qui puisse s'offrir à ma vue, je n'aime que des fantômes, je n'aime que des ombres, et je souffre en silence, et joue au lieu de le dire, et joue à être aimée plutôt que de chercher à adorer.
Et le garçon qui se trouvait à mes côtés, si je l'avoue, si je l'avoue, le garçon à mes côtés, dans un café, à quelques soirs de cet après-midi qui s'éveille et va s'éteindre aussi vite, n'est qu'un pion sur l'échiquier du pire de moi retrouvé. Si je l'avoue, si je l'avoue, il faut bien dire je n'ai pas mal par amour s'il détourne ses yeux de moi, je n'ai pas mal par affection ni même par tendresse, s'il parle à tort et à travers à d'autres et non plus à travers moi. Mais j'enrage et peste contre tout et tous et toutes, si ses faveurs me délaissent, si mon heure passe et mes charmes à ses yeux se tarissent, j'enrage par orgueil et c'est un péché honteux, dans un café où la musique me rappelle, doucement, sans leur dire, sans leur montrer, le fantôme d'un autre qui m'avait aimé.
La grande ville ne s'endort jamais, elle a même réveillé le diable qui sommeillait en moi, qui sommeille toujours, qui se lève en somnambule quelques soirs dans des cafés aux murs noircis de fumée. Et là, au milieu du monde, cette part sombre, le pire de moi retrouvé. Tout comme le jour de mes quinze ans, jouer à être adorée plutôt que de savoir aimer. Parfois c'est la seule chose qui parait bonne, la seule qui donne un sens, pour le peu de temps que l'on y croit, le peu de nuits où l'on y pense.
Profiteuse, douce à l'excès pour l'attention en retour, pour les mots tendres en retour, profiter du temps d'un homme c'est toujours gagner du temps pour soi.
Possessive, délibérément propriétaire exclusive des sourires qu'il me rend, dramatique, à cet instant tout plan cadré sur moi, alors jouer avec la lumière, excessivement actrice d'un manège dont il pense que je ne le devine pas. Séductrice pour que jamais ça ne s'arrête, amère de donner si peu et d'attendre toujours plus, allumeuse de mille flammes dans les yeux pour demeurer au monde, n'avoir jamais été aussi réelle. Orgueilleuse en demande, toujours en demande sous des airs d'insouciance, mesurés, mesurés. Pas amoureuse, pas ça non, si je pouvais, mais je ne le peux pas, puisqu'autour on se donne à ma vue, puisqu'il n'y a que les fantômes que je puisse aimer, ceux qui s'enfuient tout le temps, ceux qui se cachent, non pas amoureuse d'un pion sur l'échiquier du pire de moi réveillé. Pas innocente, dans ce jeu injuste aux allures de bonheur facile je demeure consciente. Le pire de moi ne se tait plus, il parle au grand jour, en ce jour. Et ce n'est pas drôle, mais ce n'est pas triste. J'ai fait croire à des mensonges, dans une grande ville qui ne voulait pas dormir, j'ai fait croire que j'aimais, au coeur d'émotions que je ne ressentais pas, que j'avais les larmes faciles par affection ou par tendresse qu'importe il n'en est rien. Illusion d'optique, mes yeux qui se plongent dans d'autres et insistent d'un sourire que je ne vais pas partir, pas encore il est encore tôt et je ne veux pas dormir. Ce n'est pas drôle mais ce n'est pas triste. J'ai fait croire à des mensonges dont je souhaitais qu'ils soient vrais.

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