[ mardi 1er avril ]

Et je peux dire aussi
Je n'ai rien contre vous, je n'en ai que contre moi
ou bien
parfois c'est vrai
il n'y en a que pour moi ; pour avoir été aimée et n'avoir su qu'en faire.
Et c'est plus douloureux que ne pas l'avoir été, plus cruel que n'avoir rien reçu. Tous ces beaux jours pour moi n'en étaient pas, les mots d'amour pour moi ne comptaient pas. Mais à vivre aimée c'était une drogue sous le velours, un état de grâce et un mal certain insoupçonné, être aimée.
Je ne me bats pas contre vous, lorsque je veux plus et plus encore, plus que le soupçon discret de l'être encore. Ces regards timides ne me rassurent pas sur mon sort, ne me rassurent pas sur moi-même, et je me hais d'en vouloir plus et plus encore, mais pour plus et plus encore je deviens sombre, sur les terrasses et sur les routes, dans les chambres et les arrière-cours je deviens sombre pour toujours un peu plus d'amour.
Je ne me bats pas contre vous, je ne me bats que contre moi, qui ne sais combler de vos sentiments tout ce que je ne ressens pas. Je voudrais vous aimer, vous adorer, pour ce que vous êtes, pour ce que vous faites, pour vos paroles voilées, pour vos grands airs les soirs de fête. Je voudrais pouvoir le dire, je ne vois que vous, je voudrais pouvoir le faire au point d'en avoir mal, au point d'en souffrir, je voudrais être prisonnière de ce désir-là, du mien pour vous, m'y enfermer de plein gré, me laisser aller à vous aimer, vous qui me le rendrait de mille façons. Comment pourrais-je ne pas vous aimer, et pourtant je ne vous aime pas. Et je semble vous en vouloir souvent, puisque ce que vous me donnez n'est pas suffisant pour prendre autant de moi. Je crois vous en vouloir souvent, et me ferme au monde dans cette excès de rancoeur injuste et au demeurant injustifié, vous en vouloir de n'être pas autre, de me donner le goût d'être aimée sans parvenir à me donner le simple frisson d'aimer à mon tour. Parfois je crois vous haïr même, pour celà. Mais ma raison reste claire lorsque je la voudrais troublée d'émotions irrationnelles, ma raison reste claire et ce n'est pas contre vous que je me bats, dans les rues et dans les nuits, je ne me bats que contre moi. Avec des mots durs et des regards dans le vide que vous ne comprenez pas. Ce n'est pas que je vous voudrais mort, mais cette incapacité au fond de moi à n'être pas celle que vous voudriez que je sois. Non je ne vous veux pas autre. Vous m'aimez peut-être encore, alors restez là tel que vous êtes, ne détournez pas les yeux, restez là ne changez pas ça, ne m'enlevez pas ce peu, il n'y a que vous pour faire vivre le souvenir d'un autre, un autre qui me regardait comme vous le faites, à cet instant ne détournez pas les yeux, car si je ne le vois pas, à travers vous il me regarde encore, avec cet air que vous avez de rester près de moi il est encore tout près, pourtant ça fait des mois, des mois.

Vous prenez la place d'un fantôme, vous prenez ses envies, ses rêves, ses nuits blanches à m'attendre, ses jours moites à comprendre que je n'allais pas rentrer, que je n'allais pas rester. Vous lui empruntez le nom qu'il prononçait à qui voulait bien l'entendre, lui dérobez la fougue qui fait s'élancer les garçons hors des lits et des appartements. Vous prenez son rôle lorsque vous sortez de chez moi, rentrez dans la peau du personnage en fermant la porte derrière vous, vous faites les mêmes efforts pour me comprendre et n'en gardez que la même réflexion frustrée que vous n'y parviendrez pas, vous revêtissez ses pensées, vous ne le savez pas, vous prenez le rôle d'un autre, d'un autre avant vous, vous ne le savez pas.
Les sentiments de vous à moi ne vous appartiennent pas, chaque bout d'espoir que vous nourrissez, chaque parcelle de désillusion sous laquelle vous tombez ne vous appartiennent pas. Vous pensez qu'il n'y a pas plus personnel, plus original que le coeur à sa source, mais cette façon qu'a votre coeur de se nourrir de moi ne vous appartient pas. Mais à celui avant vous, fantôme avant vous, ce que vous deviendrez à votre tour lorsque je serai partie. Je ne pourrais vous en vouloir, vous le ramenez chaque jour un peu plus à moi. Vous n'en savez rien, mais pas moins que lui, vous n'en savez rien mais le faites revenir à mes côtés chaque jour un peu plus, je ne pourrais vous en vouloir pour ça, je crevais de sa présence depuis des mois. Et je le retrouve alors, et je voudrais toujours pouvoir vous aimer, je voudrais bien vous aimer pour qu'il reste là, pour ne pas le perdre encore une fois par ma faute je voudrais bien vous aimer, en avoir raison ou tort, je voudrais tant pouvoir vous aimer.
Même pas sincèrement, même pas honnêtement, mais juste, une fois seulement, vous adorer.

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