[ vendredi 6 septembre ][ 16:00 ][ le vent du départ ]

J'entends le vent qui commence à souffler devant ma fenêtre. C'est encore léger, à peine perceptible. Je m'y attendais depuis quelque temps, à ce vent qui va m'emmener, et maintenant je l'entends qui se rapproche, de minutes en minutes, d'heures en heures, de sommeils en insomnies, je le sens désormais se rapprocher, ce jour du départ qui approche à grands pas, qui vient me chercher.
Pourrais-je me sentir plus seule que dans cette attente indésirée qui va s'achever bientôt... Pourrais-je me sentir plus seule que devant des yeux qui ne comprennent pas, qui ne me cherchent déjà plus, que dans le sourire des autres qui semblent toujours, toujours ignorer que je redoute ce départ comme ma propre mort...
Ils continuent de sourire encore, et par ces sourires n'en finissent pas de m'abandonner. Chacun de mes pas vers le départ est un lien de plus qui se dénoue, est un coeur de plus qui m'abandonne et des bonheurs simples qui m'échappent.
C'est moi qui m'en vais, mais l'action n'est pas moi. L'action ce sont eux qui l'ont créée. Parce qu'aucun ne m'a retenue, parce qu'aucun n'en a pris la peine, parce qu'aucun n'a pris ma peine. L'action ce sont eux, jour après jour, nuit après nuit, qui l'ont décidée, prise en main, bâtie. Et par là ont construit cette rupture qui s'amorce entre moi, ce corps au présent, et ce que fut ma vie. Ma vie ici, depuis toujours.

Rien dans cette pièce, ni même dans cette maison, ne ressemble à un quelconque bagage. Les objets sont là, les objets sont moi, mais aucun ne paraît indispensable.
Aucun objet semble avoir d'utilité ou de signification hors de son interaction aux autres objets. Seul et hors d'ici, aucun ne semble pouvoir revêtir un symbole auquel, ailleurs, j'aurais envie de me retenir. De toutes ces choses pêle-mêle autour de moi je ne peux, ne veux rien choisir.
Tout me semble vide de sens. Empiler des sacs, choisir soigneusement, préparer la mort d'un passé comme on prépare un mariage, célébrer les derniers instants et démarrer pour un nouveau tournant, tout celà me semble si vide de sens, jusqu'à l'essence-même du départ, tout me semble encore si improbable.
Et pourtant c'est là déjà. Le vent souffle déjà.
Je l'ai voulu un jour, je ne sais plus très bien pourquoi, pour un homme, je crois, un peu pour moi, aussi, je crois. Je l'attendais, de toute ma patience, un jour, ce départ qui m'arrache à ici, qui m'arrache à eux, qui m'arrache à moi-même et m'emporte vers une réalité emplie d'inconnu, peuplée d'inconnus. Je l'attendais il y a bien longtemps. Mais ça faisait bien longtemps que je ne l'attendais plus.

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