[ lundi 16 septembre ]
Je mets encore ce parfum qui me rappelle le plaisir doux-amer, et toujours enchanteur, de marcher solitaire dans les grandes villes du Nord. Je mets ce parfum lorsque je veux me donner du courage pour savoir apprécier encore la solitude, qu'elle demeure ma force et non ma faiblesse.
[ 20:00 ][ j'vois pas plus loin ]
J'aurais pu rêvé ma vie d'avant. C'est pareil.
Tout me semble improbable, de ce passé qui s'en va.
Il ne s'agissait sûrement que d'un livre que j'avais pris entre mes mains, ouvert et lu, puis refermé.
Je ne l'ai même pas reposé sur l'étagère, voyez, avec la distance, les souvenirs, les voix, les corps...
n'existent pas. N'existent pas.
Là-bas il paraît qu'il y a la vie qui suit simplement son cours. Un jeune homme, homme-prétention aux yeux bleus, se balade encore dans sa maison en grand seigneur, et ouvre la porte, sûrement, c'est sûr, souvent, peut-être, aux fille, aux filles...
Et puis il y a l'ami qui, ce soir dans son petit appartement, goûte encore les délices et les vacarmes de la vie à deux. Il lui aura mis de la musique, lui aura allumé des bougies, ils balaieront de la main leurs cahiers sous le lit et partageront des éclats de rire. Ce soir encore. Ce soir comme tous les soirs d'avant.
Mais moi, avec la distance...
Moi, avec la distance je n'y crois pas. Tellement étrangère à tout ça. Etrangère à l'endroit où je vis, à la d'où je viens, étrangère à ceux que j'aime, et à ceux que je n'aime pas encore.
Je suis seule sur le navire et ma tête et mon coeur se vident, jettent tout, tout, tout par-dessus bord.
J'ai encore peur, j'ai toujours peur. Mais je suis seule à bord, n'ai pas le droit de tomber, n'ai pas le droit de le dire, non. Je garde pour moi cette profonde et récurrente solitude et avance en faisant semblant de croire qu'au-delà les routes et les montagnes, plus rien d'autre n'existe que ce qu'il y a devant mes yeux. Et ce n'est pas beaucoup. Mais c'est très bien.