Par Cédric Gérot
DE LA CREATION
Qu'est-ce qu'un acte créateur? Je l'ai déjà laissé entendre dans les
précédents articles, mais permettez-moi de rappeler sa définition : un acte est
créateur s'il est l'extension, l'aura du Temps venant frapper l'Espace afin de rendre le Temps
existant. Cet acte créateur est donc un élan et en aucun cas un élément,
une chose susceptible d'exister elle-même. C'est un mouvement, un changement de l'Espace
(en fait, seul l'Espace peut changer) sous l'impulsion du Temps. Prenons une image : lorsque vous
soufflez sur un vitre fraîche, de la buée apparaît. On peut alors voir la vitre
comme l'Espace, l'air chaud comme le Temps et votre souffle comme l'acte créateur.
Une définition, c'est bien joli me direz-vous, mais cela ne nous permet guère de
l'identifier dans la vie...Soit. Je vais donc tâcher de donner quelques caractéristiques
claires du créateur et de la création : on peut dire qu'une personne fait un acte de
création dès lors qu'elle le fait en étant totalement ouverte, humble, oubliant sa
chair pour ne laisser que son âme à nue, et que cet acte ait un impact sur l'Espace pour
pouvoir exister si une Conscience observe celui-ci directement, ou indirectement par l'évolution
de son créateur. En effet, si toute crétion doit avoir un impact sur une matière
extérieure, elle transforme également le créateur. Ainsi, on pourra dire de ces
hommes qui recopient inlassablement les mêmes textes ou répètent jour
après jour les mêmes gestes jusqu'à atteindre un niveau suffisamment
élevé dans l'essence des choses pour acquérir une grande sagesse,
qu'ils ont créé lorsque l'on aura vu leurs productions ou lorsque l'on aura
observé cette sagesse surprenante, fruit de leur travail.
Ainsi, une idée ne devient création que si elle est exprimée et entendue.
Ainsi, aider une personne sincèrement (autrement dit dans l'illusion de la gratuité de son
acte) est un acte de création grâce au sourire ou au regard profond d'amour de la
personne aidée. Mais détruire une cité est également un acte de
création : l'acte de création est absolument distinct de la morale.
(Attention! L'Homme créateur lui, est soumis à celle de la société
où il vit).
Si on lit trop vite ma définition, on pourrait se demander si un arbre qui grandit, verdit,
développe ses fruits, crée. La réponse est non : ce n'est pas de la
création, mais du changement, de l'évolution, car s'il était acte de
création, il devrait être un acte conscient. Oui, ma notion de création est
intimement liée à l'Homme et ne réside aucunement dans le seul changement
de la matière, contrairement à ce que pourrait laisser croire l'évolution de l'art
pictural et surtout sculptural de la deuxième moitié du XXème siècle...
Ce qui ne veut pas dire qu'il peut y avoir création sans modification de la matière , au
contraire puisque sinon, elle (la création) n'existerait pas ; mais ce n'est pas suffisant.
Et deux regards qui se croisent puis se fixent l'un sur l'autre, instaurant cette atmosphère
spéciale qui nous fait dire qu'en ce moment, quelque chose de grand est en train de se produire,
ceci semble également être un acte de création... Il est temps de parler d'Amour,
Amour qui finalement se confond à l'acte créateur : un acte n'est créateur que
s'il est acte d'amour. Cela implique de considérer l'Amour dans sa plus vaste sémantique,
de la haine à l'amour maternel en passant par l'amitié, l'amour-désir ou charnel,
l'amour fraternel ou l'amour passion. Un acte de création "social" témoignera
d'un sentiment d'amitié. Aussi, cet amour ne sera pas le même que celui qui peut lier deux
"vrais" amis : on ne peut mettre chaque déclinaison de l'amour dans une case!
A chacun de situer la couleur de l'Amour de chacun de ses actes de création s'il le désire.
Disons seulement que l'acte de crétion qui nous semble le plus fort et qui est associé
à la plus belle forme de l'Amour est la création d'un enfant sublimée par l'amour
maternel.
J'ai dit que l'Amour était l'acte créateur. L'Amour n'est donc pas un état, mais une
action, tout comme on n'est pas artiste de son état, mais on peut créer artistiquement.
Un acte de soi est-il un acte d'amour? Autrement dit, la conscience qui projette le Temps peut-elle
être celle du corps qui reçoit? La réponse est oui : ainsi en est il de la danse.
Mais la Conscience qui projette le Temps sur son propre corps peut-elle étre celle qui observe
et rend donc ainsi existant la création? C'est le problème de Narcisse qui, en s'aimant,
crée mais pour lui seul : il n'existe en tant qu'Homme que pour lui et donc n'existe pas en dehors
de son aspect extéerieur, de son enveloppe charnelle pour les autres ; il n'est qu'une fleur dont
autrui ne peut admirer que la beauté extérieure. Mais ceci est plus lié à
l'idée d'existence qu'à celle de création.
Nous avons vu dans les articles précédents que la Conscience peut avoir des effets
surprenants sur l'Espace comme l'illustre le théorie quantique. Le monde qui nous entoure ne
serait-il donc pas une de ces créations de notre Conscience pour soi ? Cela restera une question
à laquelle je ne répondrai pas, mais l'illustrerai par quelques faits troublants de l'histoire
de la Physique des particules : les dernières découvertes dans ce domaine ont
été faites après la mise en évidence d'une faille dans la théorie
qui nécessitait l'existence d'une particule encore jamais rencontrée que l'on va justement
découvrir dans une nouvelle expérience. On n'essaie plus de comprendre des
expériences par l'abstraction d'une théorie, mais on fait des expériences pour
sauver une théorie existante.
L'expérimentateur (sa conscience) ne créerait-il pas cette particule?
Pour calmer les cris d'effroi, on pourrait dire qu'il existe une infinité de particules non encore
découvertes qui viendront à l'oeil de l'expérimentateur si ce dernier les cherche
parce qu'alors il aura utilisé les outils adéquats (tout comme l'observation fixe une onde
parmi la famille d'ondes de l'électron). On pourrait alors penser que de multiples théories
peuvent exister à la condition qu'une conscience les cherche, les choisit. On peut aussi penser
qu'une théorie ne peut être complète qu'en une limite, aprè avoir
"exhumé" une infinité de particules : les chercheurs auraient alors de beaux
jours devant eux s'ils sont assez curieux, sans que leur théorie ne faillisse.
Il en est de même pour l'origine du monde : les échos que croient en recevoir les
observateurs sont peut-être leurs créations...
car si ces échos existent bel et bien pour eux, le lieu (spatial et temporel au sens communs de
ces termes) d'où ils viennent, lui, n'a pu exister car aucune conscience n'était là
pour observer. Quant à ceux qui se demandent ce qu'il y avait avant le temps zéro (s'il
existe), leur quête est vaine : s'il y avait quelque chose avant le temps zéro, celui-ci ne serait
pas le temps zéro ! Il en est d'autres enfin qui ne peuvent accepter l'apparition spontanée
de la matière sans démiurge, invoquant ainsi la nécessité d'un Dieu acteur.
Comment expliquent-ils alors ces fluctuations au niveau des petites particules, où rien ne peut
empêcher un échantillon de particules d'apparaître à partir de rien puis de se
recombiner entre elles et de disparaître avant que l'univers ne remarque le
phénomène, pour autant que certaines règles soient respectées telles
que la conservation de la charge électrique et l'équilibre entre particules et antiparticules.
Vous allez me répondre que, comme on ne peut l'observer, cela n'existe pas. Certes.
Pourtant, l'idée elle, est acceptée, et il est aussi difficile d'accepter celle-ci que celle
selon laquelle la matière pourrait être apparue spontanément, par fluctuation du vide ;
l'équilibre rompu, cela aurait été suffisant pour créer l'univers par une sorte
d'effet boule de neige... Je n'ai aucune compétence en ces domaines autre que celle d'un
étudiant de Maths Spé qui a lu quelques ouvrages de vulgarisation scientifique et qui a
osé quelques extrapolations sauvages.
Ainsi, l'idée qu'une variation infinitésimale puisse avoir d'importantes
conséquences (ici fluctuation du vide donnant lieu à la naissance de l'univers) existe
dans les mathématiques du chaos qui mettent en évidence ce type de
phénomènes.
A ce propos, le similitudes entre physique quantique et mathématiques du chaos me semblent trop
nombreuses pour n'être que le fruit d'une coïncidence. L'article du Pour la Science n 215
sur l'Espace-Temps fractal propose une réponse bien séduisante. D'autre part,
les mathématiques du chaos portent de nombreuses idées essentielles parmi lesquelles
j'en relève deux : avec la théorie des mathématiques du chaos,
l'imprévisible pénètre enfin les sciences, ce qui a pour effet
bénéfique de détruire définitivement cette prétention qu'a pu
avoir l'Homme de tout savoir et comprendre un jour. Parallèlement à cela, le fait qu'avec
les mathématiques du chaos, on conçoive qu'une perturbation aussi petite soit-elle puisse
donner lieu à d'importants écarts, conduit à la même impuissance de
l'Homme et des sciences puisque toute observation de départ ne peut être complète.
Cette première idée apportée par les mathématiques du chaos rejoint
le théorème d'incomplétude de Gödel et le relation d'Heisenberg en
physique quantique (qui interdit de connaître avec exactitude à la fois la position et la
quantité de mouvement d'un électron) La deuxième idée apportée
par les mathématiques du chaos dont je parlerai ici est qu'elles ont enfin permis d'en finir avec
cette vision linéaire du fonctionnement du monde, ces lois linéaires pouvant alors
apparaître comme des approximations valables à une certaine échelle. J'en profite
pour préciser en passant que si l'on dit mathématiques du chaos, cette théorie
dépasse, et de loin le seul domaine des mathématiques, en témoigne d'ailleurs les
nombreuses voies qui ont été nécessaires à la naissance de cette
théorie.
( URL de cette page = http://www.oocities.org/Paris/4206/refc003.htm )