Le démantèlement

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Encore jeune et plein d'avenir, le village de Saint-Ignace-du-Lac était donc condamné à disparaître.  Bien sûr, plusieurs habitants ne voulaient pas se faire à l'idée qu'ils devraient partir.  Plusieurs, même à l'approche de 1931, gardèrent l'espoir de ne pas être obligés de quitter.  En juin 1930, il y a encore assez de population à Saint-Ignace-du-Lac pour que 40 enfants soient obligés d'aller se faire confirmer à Saint-Michel-des-Saints.  On savait pourtant depuis plusieurs années que le projet existait, puisque la Shawinigan Water & Power Company avait pris possession des terres près du barrage.  On dut finalement se résigner à vendre lorsque le représentant de la compagnie et responsable de l'achat des terrains à être expropriés, Benny McLaren lança les derniers ultimatums. 
La compagnie acheta donc les terres pour les revendre ensuite à la Commission des eaux courantes.  C'est ainsi que le territoire est redevenu terre de la couronne. On a souvent dit que les gens avaient été exploités par la Shawinigan Water & Power Company.  La réalité semble avoir été tout autre.  En fait, sur un total de plus de 100 lots, seulement 16 n'avaient pas pris entente avec la compagnie en 1929.  Il en est d'ailleurs question à la réunion des marguilliers du 30 Juin 1929 : « Attendu que la grande majorité des paroissiens de St-Ignace-du-Lac et dont les propriétés sont situées dans la dite Municipalité, ont consenti des options pour la vente de leurs propriétés à la dite compagnie ».
Le 21 mai 1931, l'évêque avait autorisé que l'on transporte les sépultures du cimetière de Saint-Ignace-du-Lac dans celui de Saint-Michel-des-Saints.  Ce n'était qu'une formalité, puisque plusieurs corps avaient déjà été déplacés.
Les exhumations donnèrent lieu à des moments pathétiques.  Madame Lucille Bazinet, qui n'avait alors que 5 ans, se souvient de certaines scènes qui l'ont profondément marquée.  Son père, originaire de Sainte-Émilie, avait obtenu de l'évêque la permission de transférer les corps de ses proches dans son village d'origine une année avant les autres.  Madame Bazinet se souvient du moment où l'on déterra certains corps.  Elle n'oubliera jamais l'image de ces corps au visage morbide, enfoncé,  de ces ossements séchés, de ces restes humains que l'on troublait dans leur dernier repos. 
     C'est Joseph Benoît, le voisin de façade de la famille Bazinet qui avait construit de nouvelles tombes de vielles planches peintes d'un noir mat.  Pour quelque temps, les corps avaient été entreposés dans la boucherie de monsieur Bazinet, fermée depuis peu.  La jeune fille de 5 ans, en 1930, regarda du haut du village, un soir, " à la brunante ", un soir qui semblait plus sombre et plus brumeux que les autres, le cortège sinistre d'un camion rempli de tombes, qui dévalait la rue principale en direction de Saint-Michel-des-Saints.  La fillette entendait les pleurs et les cris des femmes du village.  Une scène que personne n'aurait pu oublier...  Quant à l'église, elle a été démontée et reconstruite à Saint-Michel-des-Forges, avec quelques modifications.
Quant à la population, elle s'exila en province. Environ 30% de la population demeura dans la région, 30% allèrent tenter leur chance en Abitibi-Témiscamingue, 19% dans la région de Joliette, 7% vers les États-Unis et 6% à Montréal.

En haut, une partie de la population devant l'église en 1929.
En bas, Église de Saint-Ignace-du-Lac après sa reconstruction à Saint-Michel-des-Forges, près de Trois-Rivières. Remarquez que l'on a conservé qu'un seul de ses deux clochers.

 

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