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Le bonheur Pour apaiser l’enfants qui, ce soir, n’est pas sage, Églé, cédant enfin, dégrafe son corsage, D’où sort, globe de neige, un sein gonflé de lait. L’enfant, calmé soudain, a vu ce qu’il voulait Et de ses petits doigts pétrissant la chair blanche Colle une bouche avide au beau sein qui se penche Églé sourit, heureuse et chaste en ses penser, Et si pure de cœur sous les longs cils baissés. Le feu brille dans l’âtre; et la flamme, au passage, D’un joyeux reflet rose éclairé son visage, Cependant qu’au dehors le vent mène un grand bruit… L’enfant s’est détaché, mûr enfin pour la nuit, Et, les yeux clos, s’endort d’un bon sommeil sans fièvres, Une goutte de lait tremblant encore aux lèvres. La mère, suspendue au souffle égal et doux, Le contemple, étendu, tout nu, sur ses genoux, Et, gagnée à son tour au grand calme qui tombe, Incline son beau col flexible de colombe; Et, là-bas Sous la lampe au rayon studieux, Le père au large front, qui vit parmi les dieux, Laissant le livre antique, un instant considère, Double miroir d’amour, l’enfant avec la mère, Et dans la chambre sainte, où bat un triple cœur, Adore la présence auguste du bonheur. |
Le bruit des berceaux Ô le doux bruit des berceaux Que bercent les mères, Comme les brises légères Bercent les roseaux! Ô les songes doux, peuplés de chimères, Que ce bruit joli fait épanouir! Au bruit des berceaux que bercent les mères, Les anges du ciel doivent s’endormir. Ô le doux bruit des berceaux Que bercent les mères, Comme le vent des clairières Berce les oiseaux! La douce chanson que, par les nuits claires, A l’entour de moi j’écoute frémir… Au bruit des berceaux que bercent les mères, Tous les cœurs humains devraient s’endormir! Ô le doux bruit des berceaux Que bercent les mères, Comme les vagues amères Bercent les vaisseaux! La peur de l’orage et l’horreur des guerres Hantent les berceaux et les font gémir… Au bruit des berceaux que bercent les mères, La haine et les flots devraient s’endormir! |
A la mère de l’enfant mort Oh! Vous aurez trop dit au pauvre petit ange Qu’il est d’autres anges là-haut Que rien ne souffre au ciel, que jamais rien n’y change, Qu’il est doux d’y rentrer bientôt; Que le ciel est un dôme aux merveilleux pilastres, Une tente aux riches couleurs, Un jardin bleu rempli de lis qui sont des astres, Et d’étoiles qui sont des fleurs; Que c’est un lieu joyeux plus qu’on ne saurait dire, Où toujours, se laissant charmer, On a les chérubins pour jouer et pour rire, Et le bon Dieu pour nous aimer; Qu’il est doux d’être un cœur qui brûle comme un cierge, Et de vivre, en toute saison, Près de l’enfant Jésus et la sainte Vierge Dans une si belle maison! Et puis vous n’aurez pas assez dit, pauvre mère, A ce fils si frêle et si doux, Que vous étiez a lui dans cette vie amère, Mais aussi qu’il était à vous; Que, tant qu’on est petit, la mère sur nous veille, Mais que plus tard on la défend; Et qu’elle aura besoin, quand elle sera vieille, D’un homme qui soit son enfant; Vous n’aurez point assez dit à cette jeune âme Que dieu veut qu’on reste ici-bas, La femme guidant l’homme et l’homme aidant la femme, Pour les douleurs et les combats; Si bien qu’un jour, ô deuil! Irréparable perte! Le doux être s’en est allé!... Hélas! Vous avez donc laissé la cage ouverte, Que votre oiseau s’est envolé! |