Semaine du 25 février au 3 mars 2002
25 février
   Moins d'une heure avant de partir travailler.  Après 4 mois d'arrêt, c'est pas nécessairement évident.  D'un côté je suis exitée, j'ai hâte de retourner dans mon monde, dans mon bon vieux (vieux n'est pas le mot) camion dont personne d'autre veut.  De l'autre, je tremble de peur à retourner.  Ce n'est pas évident à expliquer.  C'est comme une drogue.  Comme je vous disais la semaine passée, ma santé ne me donne pas le choix de bouger un moment donné.  Ce que je redoute, c'est de n'être plus capable d'en sortir.  Même si je savais que ma santé n'allait pas trop bien, ça m'a prit une dépression majeure pour m'éloigner de ce monde, pour m'éloigner de mon camion.  Il a fallut que mon médecin et mon "dispatch" se mettent à deux pour me faire comprendre que j'avais besoin d'une grande pause.  Et si en retournant, je n'étais plus capable de faire le "move", je n'étais plus capable de m'arrêter.  Je ne veux pas être obliger de retomber aussi bas pour être capable de ne plus toucher au volent d'un 18 roues.

     Bon, je vous laisse sur ça, je dois préparer mon pack sac.  Je vais surement vous raconter mon premier shift.  Souhaitez moi bonne chance!  Le pire, c'est que je ne sais pas vraiment pourquoi j'en aurai besoin.  Pour que mon retour se passe bien, c'est sûr, mais peut-être aussi pour que la piqûre ne me reprenne pas trop.  Dur à exprimer comme émotion. Je n'ai jamais été bonne pour me séparer de choses que j'aimais encore.  Bon, je vais aller travailler sans penser à ça, chaque chose en son temps.
Wildthing
Retour
28 février
  3h15 am.  Me voilà de retour de mon shift.  Je suis désolée si je ne suis pas venue faire mon compte rendu après ma première journée mais je devais m'habituer à mon nouvel horaire.

    C'est fou comme la piqûre reprends vite!  Les vieilles habitudes aussi. Je m'inquiètais pour rien.  Quand j'ai pris mon camion, c'était comme si je revenais d'une semaine de congé, et non de 4 mois de maladie.  Oui, c'st gros mais on se réhabitue vite aux dimensions.

     Comme je vous l'ai déjà dit dans la section
la vie en camion, je suis une ennuyeuse.  Mais maintenant, je suis un peu moins seule.  La raison?  Je vous emmène avec moi.  Quand je suis en camion, il me vient des commentaires en têtes sur ce que je voudrais vous parler en revenant m'assoir devant mon ordi.  C'est un peu comme si, dans les moments les plus long, je vous faisais la conversation dans ma tête.  Je ne sais trop combien vous êtes à me lire, mais ça fait beaucoup de monde dans une cabine de camion!

     Sur 3 shift, j'en ai traversé 2 dans la neige.  Pas si pire comme moyenne!  C'est sûr que c'était mes premières neiges en camions cette année mais ça a bien été.  Une fois les auto dépassés, tout va bien.  Et oui, en camion, pendant les tempêtes, ce qui est le plus dangereux tant qu'à moi c'est les automobilistes.  Même moi dans mon auto je le suis.  C'est juste que dans des conditions comme ça, les voitures arrêtent beaucoup plus vite que les camions et les automobilistes, stressés par la tempêtes, semblent souvent oublier qu'on ne peut arrêter sur un 10 cents et que nous, on est articulé alors on ne rafole pas de peser sur le frein.  Et puis, à part ça, je ne peux m'empêcher de vous livrer un de mes commentaires.  Quand il fait tempête, que c'est glissant mais que la visibilité est bonne, voulez vous bien me dire c'est quoi le rapport du monde qui mettent leurs feux de détresses?  Le pire, c'est qu'ils sont dans une filer d'auto, personne ne va leur entrer dans le derrière, tout le monde roule au ralenti.  Dans ce temps là, je rêverais qu'ils aient un CB dans leur auto et leur dire qu'ils n'ont pas besoins de mettre leur 4 flashers, j'avais déjà remarqué comme une grande qu'il fesait pas beau.  Remarquez que els américains sont pires que les québécois là-dessus.  À peine une petite neige et tout flash.  Dans ma tête, y'a une petite voix qui dit "iii, j'ai peur" avec la voix des automobilistes quand je les vois sur les feux de détresse comme ça.  Bon, désolée, ça devait sortir mon affaire.  Les feux de détresse, c'est bon pour signaler que vous aller moins vite que le traffic dans des conditions normales et pour vous faire voir quand la visibilité est mauvaise, point.

     C'est drôle, quand j'arrête luncher et que je rentre dans le restaurant, tout le monde me regarde.  Ils voient que je viens du parking de truck et non d'auto.  On dirait qu'ils me voient entrer et ils regardent dans le resto savoir qui je viens rejoindre.  Quand ils voient que je m'assis seule à une table, ils doivent penser que mon pauvre chum a roulé toute la journée et qu'il s'est couché pour prendre du sommeil bien mérité alors que moi, qui dans leur imagination n'a regarder que le paysage assise à droite toute la journée, je suis venue manger parce que je ne suis pas fatiguée, n'ayant rien faite de la journée à part faire la belle.  D'accord, je l'avoue, j'ai l'air jeune. Pour vous donner une idée je me fais parfois "carter" pour des billets de loto (l'insulte!!!) mais n'empêche.  C'est drôle quand je ressors et qu'ils regardent dans le camion quand je repasse devant la vitrine du resto pour retourner sur l'autoroute.  J'aimerais bien savoir ce qu'ils ont dans leurs têtes à ce moment là.

     Bon, pas que je vous aimes pas, mais mon lit m'appelle.  Je crois que mon organisme n'est pas 100% adapté à ma nouvelle horaire encore.  Au moins, depuis que je suis sur le local, je peux dormir dans un lit qui ne vibre pas au gré des kilomètres sur la route comme dans le temps que j'étais en team et que le camion roulait 24/24hrs.
Wildthing
2 mars
   Je suis moins assidue à écrire, je le sais.  Mais avec la job qui est recommencé, je compte bien venir ici au 2-3 jours.  Je ne veux pas me sentir obligé à ce journal. Je veux écrire quand j'ai le goût d'écrire seulement. Au moins dites vous que c'est de bon coeur quand je vous écris.

    La première semaine de retour à l'emploi est terminée.  Je suis un peu plus fatiguée que je ne l'aurais été habituellement avec cette charge de travail mais je ne me juge pas, je sais que je dois repartir lentement si je ne veux pas me brûler.  J'ai comme l'impression que la dépression c'est comme la perte de poids.  La première fois qu'on fait un régime, ça marche mais les fois d'ensuite, les résultats sont moins bons.  Donc je ne veux pas retomber, car sinon la pente sera plus longue à remonter.

   Sauf pour la fatigue, c'est un peu comme si je n'avais jamais arrêté. Les habitudes sont de retours et on retombe vite dans le bain.  Même les reculons que j'appréhendais un peu vont très bien.  Ça se perds pas ça à l'air.  Ce qui se perds je crois, c'est la confiance en nous quand on conduit.  Quand on arrive dans un endroit restraint, on y pense plus avant, on a moins confiance de pouvoir faire le manoeuvre difficile.  On finit par la faire sans plus de problème qu'avant, mais on a un petit doute avant de la faire.  Je crois que la confiance va revenir vite par contre.

    Quand je vous parlais des habitudes, c'est toujours les mêmes.  Le soir, quand j'embarque dans mon camion, je tourne la radio au AM à CKAC.  J'écoute soit la partie de hockey (et l'été la partie de baseball) ou bien les lignes ouvertes sur le sport les soirs où il n'y a pas de match. Ça me distrait.  La route est moins longue quand on écoute les gens parler.  À minuit et une, je pousse la cassette dans le lecteur puisque les lignes ouvertes à sujet général ont l'effet de me rendre aggressive.  Alors j'écoute de la musique que j'aime, qui me motive, qui me réveille.  Et je vous assure que vous ne voulez pas être dans le camion dans ce temps-là.  Ma voix sur Marie-Louise de Zébulon... ouf! vous manquez rien!

     C'est bizzard pareil comment notre cerveau peut agir.  Tout le temps que je suis dans mon camion, je ne m'endors pas, je suis aussi réveillée qu'en pleine journée. Aussitôt je "punch" ma feuille de temps et que j'embarque dans mon auto, là je baille aux corneilles.  Allez comprendre de quoi là-dedans.  Au moins, je ne suis pas un danger public au volent de mon camion.

    Bonne fin de semaine tout le monde!
Wildthing