LE JARDIN DES DIEUX
                                                                             
© Xeen – 4 octobre 2001


résumé : le gouvernement américain a démantelé le SGC. L'action se situe 7 ans plus tard.
statut : complet
spoilers : The 5th Race, Seth, Thor's Hammer, Hathor…
disclaimer : Stargate-SG1 - Metro-Goldwyn Mayer Inc. / UA - MGM Worldwide Television - Gekko Corp - Double Secret Productions - Scifi Channel - all rights reserved


note de l'auteure : ce fic est librement inspiré d'un article de Eve Conant paru dans l'édition européenne du magazine NEWSWEEK du 20 août 2001 sous le titre "In Search of the Gods".

*

LOUISIANE – juillet 2007

Sam se réveilla en sursaut. Comme toutes les nuits. Elle se retourna pour lire l'heure sur son meuble de chevet.

02:34

Les diodes rouges s'imprimèrent sur sa rétine et elle s'empressa de refermer les yeux avant que la migraine qui ne l'avait pas quittée la veille n'en profite pour se réinstaller. Elle se remit lentement sur le dos et posa son avant-bras sur son front moite.
Vu la chaleur qui régnait à cette époque de l'année à la Nouvelle-Orléans, difficile de dire si ses cheveux étaient trempés de sueur à cause de la température ou des cauchemars à répétition. Elle aurait du se faire une natte, ou au moins les attacher avant de se coucher. Elle avait perdu l'habitude de porter les cheveux longs. Elle était prête à tout supporter plutôt que d'endurer le vacarme de la climatisation.
Décidément, revenir à la vie civile était loin d'être une sinécure, même si elle ne regrettait pas son coup de tête. 
Elle se mit en chien de fusil et retomba dans le sommeil, espérant que ses rêves lui apporteraient un peu d'apaisement.

*

Septembre 2000

Samantha Carter avait perdu tous les amis rencontrés au cours de ces missions à explorer la galaxie dans l'année qui avait suivi le démantèlement du Stargate Command.

Pour commencer, et ça coulait de source, tous les aliènes dont la fréquentation était désormais impossible puisque l'accès à la Terre n'existait plus.
La Tok'ra d'abord… En dépit des frictions qui avaient marqué leurs relations avant que Jacob ne devienne le partenaire de Selmak, ils avaient su l'un et l'autre tisser de nouveau liens après son passage à la clandestinité. Il lui manquait cruellement.
Pas de la même manière que Teal'c. Le grand frère Teal'c comme l'appelait le colonel… Au moins le Jaffa avait-il retrouvé sa famille et le droit de lutter pour sa liberté sur sa propre planète…

Ses anciens "partenaires" avaient instauré des rendez-vous rituels dans divers coins du pays. Une espèce de jeu de piste. Au hasard de leurs déplacements et de leurs obligations professionnelles.
Elle avait participé à ces retrouvailles forcées pendant un certain temps.

Puis, graduellement, son manque d'enthousiasme avait lassé tous ses proches.

Janet, la première, qui n'avait pas renouvelé son engagement de 7 ans dans l'armée, était retournée comme elle à la vie civile. Médecin-chef du service pédiatrique d'un grand hôpital de Chicago, le Cook County, son emploi du temps ne lui permettait que rarement d'assister à leurs petites réunions informelles.
Après son mariage, elle cessa d'y assister puis de donner des nouvelles.
Cassandra écrivait de loin en loin. Pas assez au gré de Samantha, mais elle reconnaissait qu'elle n'écrivait elle-même qu'au jour de l'an ou pour lui souhaiter son anniversaire et ne pouvait lui jeter la pierre.
Cassie était devenue une jeune fille ravissante. Intellectuelle brillante, elle avait refusé d'entrer au M.I.T., préférant déménager au soleil de la côte ouest. Elle animait des groupes de discussion à l'UCLA et s'était fiancée l'année dernière avec un Greg que Sam n'aurait sans doute jamais l'occasion de voir en chair et en os.
Elle estimait qu'elle était bien jeune pour s'engager, mais elle n'avait pas son mot à dire. Qui était-elle pour donner des conseils ? Sa vie sentimentale était un fiasco. Sans doute le mariage de Janet avait-il précipité son départ et permis de nouveaux liens.
Après avoir envié les deux femmes, elle avait tourné la page.

Daniel s'était pendant un temps immergé dans les montagnes de données et d'artefacts rapportés de mission. Puis il avait eu la bougeotte. Il avait repris la route, vers l'Egypte, son pays de prédilection. Elle l'avait revu juste avant Noël 2000, des projets plein la tête, exubérant et fantasque comme à son habitude.
Sa disparition dans une expédition de sauvetage des grandes statues bouddhiques en Afghanistan l'année suivante l'avait bouleversée. Les Taliban avaient été mis en cause. Comment savoir ? Cet enlèvement présumé avait fait les choux gras de la presse la dépossédant de la peine d'avoir perdu probablement le seul ami qu'elle aurait jamais dans cette vie.

Elle avait appris par des connaissances communes au Pentagone que le colonel O'Neill avait essayé de le retrouver. Contre toute attente, lui aussi avait quitté l'armée. Il avait démissionné avec perte et fracas.
L'abandon du projet Porte de Etoiles marquait pour lui la fin d'une époque. Il avait préféré rejoindre le privé où on avait monnayé ses compétences à prix d'or. Ses nouvelles occupations de négociateur dans le domaine des prises d'otages ne lui avaient cependant pas permis de retrouver la trace de l'archéologue.
Il avait prévenu Carter par téléphone l'année suivante qu'il n'abandonnerait pas.
Cinq ans avaient passé depuis. Elle n'avait plus jamais entendu parler de lui.

A cette époque, elle était encore au Pentagone. Son retour à l'institution qu'elle avait quittée quelques années auparavant marquait la fin de l'aventure, elle le savait. Ce qu'elle ignorait, c'est que ses anciens collègues allaient lui mener la vie dure.
Elle comprenait maintenant la frustration de Fox Mulder ! Jamais elle n'aurait pu continuer dans cette ambiance. Après le terrible attentat de septembre 2001, elle préféra démissionner. Son père n'était plus là pour le lui reprocher de toute façon. Sa nouvelle vie pouvait commencer.

Tous les témoins de l'existence du major Samantha Carter, fille de général, brillante astrophysicienne et exploratrice intrépide avaient disparu de sa vie. Les autres pouvaient continuer à défendre le monde à sa place.
Elle paya un tribut aux lieux de son enfance et entreprit de construire la vie de la nouvelle Samantha.

Elle avait toujours aimé la Géorgie et Savannah, sa nonchalance affectée, son snobisme de rigueur. Au bout de quelques mois, elle se sentait de plus en plus engluée dans son rôle de correctrice d'un journal local. Elle sauta sur l'occasion de participer à un voyage d'étude à la Nouvelle-Orléans.
Et tomba sous le charme.
Depuis, elle habitait une vieille maison délabrée du quartier français.
Il n'avait d'ailleurs de français que le nom, les restaurants étaient italiens, les boulangeries allemandes, les magasins tenus par des indiens ou des pakistanais. Mais toute la ville avait une allure, un chic indéfinissable.
Elle loua une petite boutique pas loin de Jackson Square, installa un salon de thé et une librairie. Plus tard, elle ouvrit une station Internet.
La boutique s'appelait "The Shop Around The Corner" en hommage au film de Lubitsch, et elle y était chez elle.
Elle adorait l'ambiance cosmopolite et l'agitation qui régnait à toute heure. Devenue insomniaque, par manque d'activité physique et de challenge, elle se mit à écrire des livres pour enfants, inspirés de ses expériences extra-terrestres. Ils se vendaient bien.
Elle n'avait pas à se plaindre…

*

BAHAMAS – juin 2007

Hammond pesta en voyant la balle rebondir hors du green. Heureusement qu'il n'y avait pas de témoin, songea-t-il. Ce n'est pas comme ça que je vais faire mon par. J'aurais dû tenter un birdie au lieu de m'obstiner dans le bunker tout à l'heure… Il allait passer des heures à sortir cette balle du rough !
Il haussa les épaules.
Après tout, quelle importance ? Il était à la retraite, les Bahamas étaient un endroit idyllique pour jouer au golf, son voisin s'appelait Sean Connery et la vie était belle !
Il changea de fer, sortit une nouvelle balle et essaya un backspin.
Encore raté.
Bon, il allait finir en dilettante. Son esprit n'était pas au jeu ce matin.
Si seulement ces insomnies pouvaient cesser, il était certain de retrouver la main.
Peut-être un voyage ? Ou faire venir ses petites-filles ? Non, pas en période scolaire…
Il allait foncer dans la première agence de voyage venue et se faire un circuit dans le sud. Son Texas natal lui manquait.
Et puis il pourrait aller rendre visite à sa belle-sœur… Depuis la mort de son frère, elle réclamait sa présence. L'été n'était pas la saison idéale pour visiter la Nouvelle-Orléans mais il en profiterait pour passer voir Carter.
Ses petites-filles adoraient ses bouquins !
Il bâcla son circuit, prit une douche rapide, évita le club-house et partit à tombeau ouvert vers le centre.

*

SGC - 7 ans auparavant

Hammond reposa le combiné et retourna la nouvelle dans tous les sens, sans trouver de réponse. Plusieurs équipes étaient encore sur le terrain. Inutile d'accélérer le mouvement. Il attendrait qu'elles rentrent.
Puisque le gouvernement décidait de fermer le robinet, il fallait se résoudre à abandonner la Porte. Il soupira. Pour une fois les choses n'avaient pas tardé. Sans doute l'imminence des élections. Satanés politiques ! Il allait se battre, mais il n'avait guère d'illusion.
O'Neill s'était remis de son emprise mentale grâce aux Asgards, mais lorsque SG-1 avait été portée manquante, puis récupérée après un lavage de cerveau et un séjour prolongé dans une mine, le général avait su que le Pentagone prendrait sans doute des mesures drastiques. Le réseau clandestin de Maybourne et Makepeace était démembré, le N.I.D. ne le soutiendrait pas. Les craintes de voir la Terre aux mains des Goa'Ulds ne feraient même pas pencher la balance en leur faveur.
Enfin, il tirerait toutes les ficelles possibles, une fois de plus.
Si le SGC n'existait plus, il prendrait sa retraite. Après tout, il avait déjà dépassé l'âge limite. La fin de cette aventure sonnerait le glas de sa carrière.
Il se demandait comment Jacob réagirait à l'annonce de la nouvelle. Une fois la porte condamnée, il perdrait tout contact avec sa fille unique. Le serpent qu'il avait dans la tête l'aiderait sûrement mais comment Sam allait-elle répondre? Il la croyait capable d'adopter une attitude extrémiste. Son père l'aurait raisonnée. Il ne fallait pas compter sur le colonel O'Neill pour rendre les choses plus faciles. Pour lui aussi la reconversion serait dure. Et pas seulement à cause de son attachement pour la petite, son âge allait poser un problème…

*

LONDRES – août 2007

"Messieurs, je n'ai rien à ajouter. Le signor Antonioni est en soins intensifs à l'hôpital central, mais ses jours ne sont pas en danger. L'intégralité de la rançon a été versée sur le compte courant de l'orphelinat de Padoue, ainsi qu'il l'avait été stipulé par l'épouse de l'otage en cas de succès de notre opération."
"Merci monsieur O'Neill. Cette mission se solde donc par un succès."
"Absolument monsieur."
"Vous voudrez bien prendre contact avec notre bureau de Cologne."
"Monsieur, je vous demanderais de m'accorder deux semaines de répit. J'ai enchaîné le Montenegro, le Salvador et la Sicile et je ne suis plus sûr de mes capacités à l'heure actuelle. Je refuse de mettre en danger la vie d'un otage par manque de préparation ou de rigueur."
"Nous en reparlerons, monsieur O'Neill. Prenez contact avec Cologne et trouvez-vous un remplaçant. Vous vous porterez garant de cette opération dans tous les cas."
"Bien monsieur."
Jack O'Neill quitta la pièce. Il sentait la colère lui monter au nez.
Bandes de petits scribouillards ! Les assureurs étaient la pire engeance connue du monde civilisé. Avec les avocats, les politiciens…
Il descendit les marches quatre à quatre, refusant au passage d'un signe de la main de s'engouffrer dans un ascenseur rempli de rond-de-cuir.
Sa jambe tirait encore un peu, mais ça irait. Quelques points de suture de plus ? La belle affaire ! En revanche son arcade sourcilière avait salement morflé. Il recolla rapidement le sparadrap qui se décollait, imbibé de sang. Cette plaie s'était encore rouverte en dépit des stéristrips. Toujours au même endroit. Ils ne pouvaient pas frapper ailleurs ? Cette fois-ci, son sourcil était foutu.
Il déboucha sur Tottenham Court Road en courant. Il avait presque le temps…
Il sauta au milieu de la chaussée, siffla un taxi en maraude.
"Heathrow ! Le pied au plancher !"
"Pas de problème milord, c'est comme si c'était fait."
Il achèterait des vêtements sur place. De toute façon, son appartement était envahi de linge sale. Il y avait plus urgent dans l'immédiat. Il passa le coup de fil en Allemagne, contacta quelques confrères, conclut l'affaire avec Hans et se concentra sur la suite du programme.
Arturo, son homologue italien rencontré lors de la dernière prise d'otages qu'il avait eue à gérer, lui avait donné une nouvelle piste. Un de "ses" otages lui avait parlé d'un excentrique d'une quarantaine d'années, polyglotte et érudit, ancien archéologue reconverti dans la réalisation de projections holographiques de hiéroglyphes. Il devait le rencontrer entre deux avions. A condition de pouvoir attraper le vol de 14:13 heures pour Bogotá, il avait peut-être enfin une chance de remettre la main sur Daniel. Si c'était Daniel…
Il reprit son portable et fouilla dans ses poches à la recherche du numéro qu'il avait noté la veille sur un dessous de verre.
"Allô ? Je suis bien au domicile du général Hammond ?" … "Vous avez son numéro de portable ? C'est extrêmement urgent ! Je vous remercie."
Il raccrocha. Le conducteur zigzaguait dans la circulation en actionnant son avertisseur. Il avait peut-être une chance.
Il composa le nouveau numéro.
"Mon général ? O'Neill. Je crois que j'ai retrouvé Daniel. Pouvez-vous appeler Carter pour la mettre au courant. J'ai peur d'avoir perdu sa trace depuis Savannah…"
"O'Neill ? Où diable êtes-vous mon bon ami ?"
"Londres, enfin pas pour longtemps j'espère…"
"Il se trouve que je dois rencontrer le major Car… Samantha, la semaine prochaine…"
"La semaine prochaine… Ça peut se faire… Ne lui dites rien mon général, je vous rappellerais."
"C'est entendu."
O'Neill sortit du taxi comme une bombe. Il courut jusqu'au terminal en essayant d'ignorer son genou et la blessure qui tirait sur la hanche. L'embarquement du vol pour Bogotá se terminait.
Il reconnut une des hôtesses.
Du doigté Jack…
Un quart d'heure plus tard, il sirotait un Sancerre, confortablement installé en classe affaire. L'hôtesse lui tendit le programme du vol.
Encore "Die Hard 6"… Trois fois en une semaine, c'était un peu beaucoup, et surtout, il ne tenait pas à revoir encore une fois Bruce Willis vieillissant qui essayait de donner le change. Il s'efforça de ne pas penser à son âge. Sam avait vieilli, elle aussi…
Décidément, tu n'es qu'un sentimental mon petit père, pensa-t-il en accordant un sourire carnassier à l'hôtesse grâce à laquelle il avait pu prendre le vol. J'espère que tu as un petit ami à l'arrivée, pensa-t-il en fixant la fille, parce que je n'aurai pas 5 minutes à t'accorder.
Elle frôla sa main en reprenant son verre.
Après tout, 5 minutes, qu'est-ce que c'est dans la vie d'un homme ? De toute façon, ses maux de tête le tuaient et il n'avait pas trouvé de meilleur remède à ses insomnies.

*

SGC - septembre 2000

Jack faisait les cent pas devant la porte du bureau de Hammond.
Il avait bien tenté d'entrer en force et de faire son cinéma habituel, mais le général l'avait congédié d'un geste sans lui accorder un regard.
Il fallait qu'il en ait le cœur net. Tous les bruits qui circulaient ne lui disaient rien qui vaille. A en juger par les éclats de voix qui provenaient du bureau de son CO, ils paraissaient fondés. Il continua à tourner comme un ours en cage en rongeant son frein. Au bout d'un moment, n'y tenant plus, il frappa et entra en coup de vent.
Il trouva le général prostré devant son bureau.
"Je… je ne voudrais pas vous déranger, mon général… est-ce que tout va bien monsieur ?
"C'est fini Jack."
"Fini ? Comme dans… fini ?"
"Ils vont condamner la Porte. Ils ont fait pression sur le Président. Je ne peux plus rien faire."
"Ils arrêtent le programme, monsieur ?"
"Oui colonel."
"Il faut alerter la presse monsieur !"
"Et créer une panique générale ? Non, je ne crois pas que ce soit la solution Jack. J'ai traîné les pieds depuis quelques mois pour retarder l'inéluctable, mais cette fois-ci, c'est terminé. Dès que les dernières équipes seront rentrées, la Porte sera scellée."
"Vous êtes sûr ?"
"Absolument, il va nous falloir accepter cette idée, colonel."
"Au nom du ciel ! C'est pas vrai ! Que va devenir Teal'c ? Et Jacob ? Jamais Carter n'acceptera une chose pareille !"
"Je ne crois pas que nous ayons le choix. A moins de décider de s'expatrier je ne sais où."
"Les autres sont au courant ?"
"J'en ai parlé à Teal'c. Il a choisi de retourner sur Chulak."
"Et Daniel ?"
"Le professeur Jackson est un civil, colonel. Il reprendra ses activités."
"Mais Shaa're ?"
"Shaa're est un Goa'Uld, il serait bon qu'il se fasse une raison !"
"J'irais trouver l'Etat-major !"
"C'est inutile colonel, à moins que vous ne souhaitiez vous faire taper sur les doigts."
"Ce ne serait pas la première fois !"
"Mais une fois de trop colonel ! Je ne serais pas là pour réparer les pots cassés…"
"Si le projet Porte des Etoiles est abandonné, vous savez aussi bien que moi que j'ai passé l'âge de jouer au chien fou avec les forces d'intervention spéciales. Je mettrai ma démission dans la balance !"
"Ce sera loin d'être suffisant Jack…"
"Vous pariez ?"

Jack avait parié et il avait perdu.
Il n'avait même pas attendu que Cheyenne Mountain Complex ne revienne à d'autres activités. Il avait réglé quelques détails et s'était expatrié en Grande-Bretagne.
Avec l'argent qu'il amassait grâce au business du K&R (Kidnapping et Rançon), il pensait bien trouver le moyen d'intéresser des investisseurs privés à l'exploration galactique. Après tout, le monde marchait à coup de gros sous.
Le terrorisme tenait le haut du panier. Il savait que Samantha avait regagné la vie civile après avoir échappé à la mort à Washington, le matin du 11 septembre 2001. C'était tout ce qui lui importait.
En plus du salaire confortable payé par les assureurs, les compagnies qui louaient ses services lui offraient un pourcentage non négligeable des sommes économisées sur les rançons. Rien à voir avec l'armée. Il mangeait à tous les râteliers, en toute légalité.
Quelques tuyaux boursiers augmentaient son capital de manière exponentielle.
Du temps où il le déciderait, il avait des chances de pouvoir financer seul le programme de la Porte. Il savait déjà qu'il pourrait compter sur l'appui d'une petite communauté scientifique très active en Italie. Les locaux seraient construits d'ici là. Il y veillait. La Suisse n'était plus une place sûre pour dissimuler des capitaux, mais certainement l'endroit idéal pour y cacher la porte des étoiles.
En attendant, son argent fructifiait tranquillement sur les marchés asiatiques.
Le puzzle se mettait lentement en place.

*

LA NOUVELLE-ORLÉANS - septembre 2007

Daniel rentrait chez lui content d'avoir échappé à la pluie qui avait en partie inondé le quartier français dans l'après-midi. Le ciel se découvrait rapidement. L'air était étouffant.
Il s'arrêta dans un déli, le temps de faire quelques emplettes pour son repas du soir. La journée avait été surprenante. Un groupe de touristes l'avait occupé toute la matinée. Le jeu en valait la chandelle : s'il le souhaitait, il avait de quoi tenir le mois entier.
Il n'allait pas se remettre de si tôt de son après-midi …
Tout occupé à ses pensées, il traversa Bourbon Street et fut assailli par l'effervescence factice de l'endroit. Du coin de l'œil, il vit une jeune femme blonde qui riait aux éclats tourner le coin de la rue. Un homme de grande taille, habillé trop chaudement pour la saison, la tenait par la taille. Il portait un costume de prix, de coupe manifestement européenne. Joli couple, pensa-t-il. Il est plus vieux qu'elle, mais s'ils sont heureux, où était le mal…
Pendant un instant, il repensa au SGC et à Carter, mais chassa vite cette idée de son esprit. Il regrettait de les avoir perdus de vue. La dernière fois qu'il avait vu Sam, 7 ans auparavant, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Le Pentagone lui avait accordé quelques jours de disponibilité et elle partait visiter son frère à San Diego pour le jour de l'an.
Non, décida-t-il, que ferait Sam à la Nouvelle-Orléans ? Il sourit en pensant à O'Neill. Et si ces deux-là avaient fini par se marier ? Il grommela et un passant s'arrêta pour lui demander si tout allait bien. Se marier ?! Impossible. Ils resteraient plutôt célibataires que de s'avouer quoi que ce soit…
Il poursuivit son chemin, son sac de victuailles fumantes dans les bras. La nuit allait être longue, mais il avait l'habitude. Ses insomnies l'avaient repris depuis qu'il avait abandonné ses habitudes indiennes…

*

Washington - Août 2000

"Bonjour Catherine, j'espère que je ne vous dérange pas ?"
"Daniel ! Mais non, voyons ! Entrez ! Quel bon vent vous amène ? Vous allez vous joindre à nous ! Ernest et moi allions passer à table ! Il se plaint que les repas de Mary sont toujours trop copieux pour nous deux, cette fois-ci il ne pourra pas ronchonner !"
"Vous êtes sûre ?"
"Enfin Daniel ! Vous êtes comme mon fils, vous le savez bien ! Venez, je vais vous débarrasser…"
"Je… je vous remercie de votre accueil Catherine, mais je suis porteur de mauvaises nouvelles. J'imagine que vous n'êtes pas encore au courant ?"
"Au courant de quoi ? Ernest !!! C'est Daniel ! Tu peux venir mon chéri ? Ne restez pas sur le pas de la porte mon petit ! A notre âge les courants d'air sont fatals !"
Daniel avait posé son sac au pied de l'escalier et après s'être excusé plusieurs fois de son intrusion, avait fini par en venir au but de sa visite.
"La porte va être condamnée, Catherine."
"C'est impossible ! Il y a bien trop d'intérêts en jeu…"
"Justement, il semble que nos dernières mésaventures ont définitivement retiré au projet toute crédibilité. Les politiques ont peur, Catherine et les militaires sont trop paranoïaques pour mener à bien une recherche aussi fondamentale que la nôtre… enfin la mienne. Je vais vous confier quelques objets que j'ai… gardés. Je vous demanderai de les conserver en lieu sûr pour moi. Je repasserai les chercher dès que je saurai où j'en suis."
"Vous pouvez compter sur nous Daniel."
Il avait pris dans ces bras la vieille dame avant de partir. Ernest lui avait serré la main avec une telle poigne qu'il avait failli crier.
Daniel avait appris la rumeur quelques semaines plus tôt sur Abydos où il avait pris l'habitude de retrouver ses amis à chacune de ses vacances. La vie simple que menaient les habitants de la planète lui manquait et il jouissait pleinement de ces moments privilégiés.
Il avait précipitamment rejoint la Terre. Quand il avait voulu repartir, il s'était vu interdire l'accès de la porte.
Sans demander son reste, après avoir transporté l'ensemble de ses effets personnels comme une fourmi hors de la base jusqu'à son appartement, il avait regroupé dans un sac à dos quelques artefacts aliènes qui lui paraissaient d'une importance trop capitale pour se couvrir de poussière dans un quelconque entrepôt gouvernemental.
Les reliques de Daniel dormiraient dans un grenier.
C'était toujours mieux qu'au Nouveau Mexique sur le site 51…
La promesse de ses vieux amis était pour lui une garantie plus que suffisante.
Après de brefs adieux à SG-1, Hammond et Janet, ainsi qu'à la poignée de connaissances du SGC qui ne le considérait pas comme un hurluberlu, il avait tout bonnement disparu.
Inutile de prétendre à une chaire universitaire aux Etats-Unis ou en Europe, ses travaux avaient fait de lui la risée du monde de l'archéologie.
Il avait rejoint une équipe de vieux amis en Egypte, traversé rapidement l'Iran et l'Irak, le temps de voir les dégâts infligés à l'histoire du monde par les dictatures, militaires ou religieuses, puis le cœur soulevé de dégoût, avait dirigé ses pas vers l'Afghanistan dans l'espoir vain d'empêcher la destruction par les Taliban des Grands Bouddhas inscrits au patrimoine de l'humanité.
Son chemin avait croisé celui de hippies sur le retour qui l'avaient emmené avec eux en pèlerinage à Katmandou. Son parcours s'était achevé sur les plages de Goa, repaire de riches pacifistes d'opérette, mais endroit paradisiaque, où il avait délaissé pendant plusieurs années sa passion de la recherche pour s'adonner à d'autres expériences plus psychédéliques.
Un marin africain l'avait persuadé de prendre la mer sur un cargo panaméen qui faisait route vers l'Amérique du Sud. Il avait ramassé ses quelques hardes et embarqué sans hésitation. La traversée et la dureté du travail qu'il fournissait sur le cargo avaient remis ses pendules à l'heure. Une fois rendu en Argentine, il avait rejoint les Etats-Unis par des chemins de traverse, contacté les Littlefield, récupéré ses artefacts et repris à l'étranger ses recherches là où il les avait laissées.
Bogotá l'avait un temps satisfait. Le cosmopolitisme de l'endroit et ses dons de polyglotte lui permettait de passer inaperçu. Mais son pays lui manquait. Il revint donc discrètement aux Etats-Unis et s'installa dans la seule ville où personne ne trouverait ses activités étranges ou bizarres.
Il s'installa comme écrivain public et ouvrit une consultation de parapsychologie à la Nouvelle-Orléans, dans le quartier français.
Son projecteur holographique, celui-là même apporté au SGC par Selmak, lui assurait une crédibilité sans faille en pays vaudou. Ses colifichets ainsi que son imagination faisaient le reste.
Bien sûr, devenir un charlatan était contraire à ses principes, mais il fallait assurer le quotidien. Il déchiffrait la tablette de Machello avec un acharnement qui portait ses fruits, tout en surveillant la pyramide généalogique des grands maîtres Goa'Ulds.  Il avait pu constater avec plaisir que certains symboles après avoir pâli, avaient totalement disparu de l'édifice. Quelques grands Maîtres en moins, c'était toujours une bonne nouvelle.
Il espérait qu'il trouverait dans les archives de Machello le moyen de les défaire pour de bon et surtout de pouvoir faire rouvrir la Porte des Etoiles.

*

LA NOUVELLE-ORLEANS - septembre 2007

Hammond se contorsionnait sur son siège. Sa belle-sœur n'en finissait plus de lui raconter ses histoires de jardinage et de transes hypnotiques.
Apparemment, elle avait trouvé quelqu'un capable de parler avec les morts et tentait d'entrer en contact avec son mari. Franchement, Hammond doutait. Même après les années passées à la Porte des Etoiles, il était toujours aussi sceptique.
Il se pencha vers la pauvre Heather et lui tapota la main d'un air entendu."
Elle lui adressa un sourire désarmant de candeur.
"J'étais sûre que tu m'approuverais George !"
"Mais bien sûr !" temporisa Hammond. Pourquoi pas ? Si elle trouvait la paix de cette façon ? pensa-t-il… "Je suis avec toi ma chérie ! Excuse-moi !"
Sans attendre sa réponse, il sortit son portable.
"Jack ! J'attendais votre appel ! Où êtes-vous ? Toujours à Bogotá ?"
"Non mon général. Je viens d'atterrir à la Nouvelle-Orléans. J'ai l'impression d'être dans une cocotte minute ! Je voudrais joindre Carter ! J'ai retrouvé la trace de Daniel ici."
"Daniel ? Il est ici ?! C'est invraisemblable Jack ! Nous sommes tous à la Nouvelle-Orléans ! Si vous voulez, nous pouvons nous retrouver à son magasin ?" ajouta-t-il en regardant Heather lui verser une énième tasse de thé. "Maintenant…" dit-il avec espoir. Son hôtesse s'impatientait. Elle était sortie de la pièce en lui faisant un petit signe de connivence.
"Son magasin, monsieur ?"
"Je lui avais promis de passer la voir, nous pourrions y aller ensemble ?"
"Samantha Carter tient un magasin monsieur ? En Louisiane ?"
"Absolument colonel !"
"Wow ! Ecoutez, le taxi vient de me déposer devant le Harrah, le temps de prendre une chambre au Hilton et de trouver de quoi me changer au River Walk Mall…"
"Le Hilton ?"
"C'est… plus commode général. "On" doit pouvoir me joindre dans le monde entier."
"Si vous le dites colonel… Mon dieu, elle est partie chercher ses fameux sandwiches !"
"Pardon mon général ?"
"Ne faites pas attention Jack. Je ne vais pas pouvoir me joindre à vous tout de suite. Des… des obligations familiales," dit-il en regardant Heather qui revenait avec un plateau. Elle s'assit et le regarda avec reconnaissance." Je vous donne l'adresse… 43 bis Jackson Street. Pas loin du poste de police. Vous pourriez même y aller à pied," dit Hammond d'un ton pincé. "Je vous rappelle !"
Jack raccrocha pensivement. Presque midi. Il allait la surprendre à l'heure du déjeuner. Après tout, il avait pris une douche à l'aéroport et changé de chemise. Il était tout à fait présentable. Si seulement il ne faisait pas aussi chaud…

*

La sonnette du magasin tinta joyeusement.
Samantha posa son café au lait sur une pile de livres qu'elle n'avait pas eu le temps de mettre en rayon et soupira. Pourquoi avait-elle encore oublié de fermer cette porte à clef ? Pourquoi les clients affluaient-ils toujours à l'heure du déjeuner ou quand elle décidait de baisser la grille ?
Elle leva les yeux mais le visiteur (ou la visiteuse ?) était passé derrière le grand pilier pour se rapprocher du rayon qu'elle consacrait aux phénomènes étranges. Des étagères dissimulaient entièrement l'angle. Il faudrait qu'elle installe une ou deux caméras vidéo de surveillance.
Elle avait déjà failli se faire dépouiller de tous ses ordinateurs par des intrus qui étaient passés par le salon de thé. Elle ne pouvait se résoudre à embaucher du personnel supplémentaire. La jeune femme qui l'aidait 3 jours par semaine grevait déjà son budget de manière conséquente.
Elle guetta l'intrus. Pour une fois qu'elle pouvait s'accorder quelques instants de répit… Les bruits de pas sur le plancher la décidèrent à aller à sa rencontre. Elle pouvait rapidement décourager le passant et si c'était un acheteur potentiel le guider vers le bon endroit. Elle avait désespérément besoin de ce moment de solitude qu'elle s'octroyait à l'heure du déjeuner.
Elle contourna le pilier. C'était un homme, très grand, les cheveux entièrement blancs, coupé courts, habillé comme un européen. Il lui tournait à moitié le dos. Il feuilletait un ouvrage sur les mythologies de l'Egypte ancienne. Il le reposa et tendit la main vers un autre livre, de vulgarisation lui aussi, sur les mystères de l'univers. Cette main aux doigts démesurés lui rappelait quelqu'un. Quand elle vit son profil aquilin, elle arrêta de respirer.
Elle était le jouet de son imagination. Elle prit une profonde inspiration et s'avança.
"Je peux vous renseigner monsieur ? Nous allons fermer dans une minute."
"Très bien ! Ca me permettra de vous emmener déjeuner, Carter," répondit Jack O'Neill en se retournant.
Ses yeux bruns pétillaient. En dépit de l'assurance de ses propos, son maintien dénotait une gêne. Il reposa le livre.
"Carter ? Dois-je prendre votre mutisme pour un oui ?"
"Mon colonel ?"
"Je ne suis plus dans l'Air Force… depuis très longtemps Carter. Je pensais que vous le saviez. Le général Hammond m'a donné l'adresse de votre magasin, j'ai pensé que…"
"Vous avez bien fait mon co…"
"Jack."
"Vous avez bien fait Jack," répondit-elle en souriant gauchement tout en s'approchant de lui. "Comment se fait-il que George ne m'ait pas prévenue ? Nous aurions pu déjeuner tous les trois !"
"Il… il est très pris Carter. Euh… en fait, j'ai préféré venir seul. Ne dites rien. Dites-moi seulement si je vous importune. Mais si vous acceptez mon invitation, il faudrait faire vite. Le ciel est couvert, et je déteste la pluie ! Surtout dans cette belle ville ! Vous voyez ce que je veux dire ? Alors … ?"
"C'est à dire Jack…"
"D'accord, ne vous donnez pas la peine d'inventer une excuse… Je suis heureux de vous avoir revue Carter," dit-il d'un ton sec en se dirigeant vers la porte en agitant la main. "A dans quelques années…"
"Jack ! Ne partez pas ! Je voulais juste dire que je viens de déjeuner. Lisbeth m'a apporté du café et des beignets du marché français ! Ca vous tente mon colonel ?" elle se mordit la lèvre. Jack ?"
"Des beignets ? A cette heure-ci ? Mais bien sûr Carter !"
Sam alla rapidement fermer la porte du magasin, retourna la pancarte derrière la vitre et tira le store. Jack l'observait. Elle avait les cheveux plus longs, on aurait presque pu la prendre pour son double alternatif, le docteur Carter... Le souvenir de leur baiser restait vivace sur ses lèvres. Il s'ébroua. La vision de Carter en robe d'été de cotonnade paraissait totalement incongrue. Elle avait encore minci. De petites rides marquaient le coin de ses yeux, celles qu'on ne voyait que lorsqu'elle riait, avant… Il y a des siècles… Elle évite de me toucher, nota Jack. Il n'avait pas espéré qu'elle lui saute au cou, mais une poignée de main... Son tailleur allait le dévorer vivant, mais il prit le parti d'enfouir ses mains dans les poches de son costume. Evite les tentations mon vieux !
Elle l'invita d'un geste à la suivre au fond du magasin. Elle saisit au passage sa tasse de café et un sac marqué "Le Café du Monde" et alla ouvrir une porte qui donnait non pas sur l'arrière boutique mais sur une cour ravissante, à l'ombre d'arbustes en fleurs. Elle posa leur festin sur une des petites tables en fer ajouré et tomba sur une chaise en le fixant bizarrement.
"Bienvenue dans mon monde, Jack !" dit-elle en riant devant son air surpris. "C'est une librairie salon de thé… les ordinateurs sont au premier étage. Mais je n'ouvre les cabines que l'après-midi."
"Les cabines ?"
"Internet ? Vous connaissez ?"
"Ne commencez pas Carter ! Vous savez que je suis un peu… lent ?"
"Excusez-moi, je pensais que George vous avait mis au courant !"
"Alors, c'est… George ?"
"Il m'a fait sauté sur ses genoux quand j'étais petite. Et puis il est à la retraite. Enfin vous savez."
Son air enjoué avait disparu. Le silence s'installa. Troublée par le regard insistant de Jack, elle prit le verre en carton et sirota le café tiède. D'un geste enfantin, elle lui tendit.
"Ça vous tente mon colonel ? C'est le meilleur café de la ville ! Enfin quand il est chaud…"
"Volontiers major !" dit Jack en trempant ses lèvres dans le breuvage tiède. Il esquissa une grimace. "Excellent," dit-il en levant le gobelet. "A nos retrouvailles !"
"Que faites-vous ici… Jack ?
"Je suis venu vous dire quelque chose Sam.
"Vous… vous êtes malade ?" répondit-elle aussitôt en se penchant vers lui d'un air inquiet. Sa main se posa sur sa jambe.
"J'ai l'air malade ?" dit-il, touché par sa spontanéité. "La chaleur, sans doute," ajouta-t-il en desserrant sa cravate et déboutonnant son col. "C'est presque insupportable cette humidité. Evidemment, vous êtes habituée et vous n'avez qu'un petit bout de tissu sur vous ! Vous permettez ?" ajouta-t-il en enlevant son veston et évitant de la fixer.
Elle se mordille la lèvre inférieure. Mon dieu ! Elle a vraiment cru que j'avais quelque chose ! Elle tient peut-être un peu à moi finalement. Il se cala sur la chaise et la regarda droit dans les yeux.

"Non Sam. Je ne suis pas malade. Je vous avais dit que je vous préviendrai, vous vous souvenez ? J'ai retrouvé Daniel," ajouta-t-il devant son air interrogatif. "J'avais demandé à Hammond de ne rien vous dire. Il est ici. A la Nouvelle-Orléans…"
L'orage qui éclata brutalement ne laissa pas à Sam le temps de répondre. Les yeux levés vers le ciel, ils hésitaient sur la conduite à tenir. Finalement, délogés par les trombes d'eau, ils ramassèrent les provisions et se réfugièrent en courant à l'intérieur. Peine perdue ! Leurs vêtements étaient trempés.
"Je croyais que la saison des tempêtes tropicales était terminée Carter," commença Jack qui secouait bras et jambes en regardant son costume dégouliner sur le plancher.
"Elle l'est mon colonel ! 
"Ah bon ! C'est juste une petite averse alors ? Tant mieux ! J'avais peur de ruiner mon costume !" dit-il avec une grimace. Il avait son air de chien battu.
Sam éclata de rire. Il lui avait tellement manqué ! Pourquoi avait-elle refusé de se l'avouer pendant toutes ses années ? Elle s'approcha de lui et lui prit des mains sa veste détrempée.
"Je vais vous faire une proposition mon colonel," dit-elle, le veston à bout de bras.
"Vous croyez que c'est bien le moment Carter," répondit Jack du tac au tac, "ce n'est plus de mon âge vous savez. Sans compter que je ne me sens pas tellement à mon avantage, je déteste avoir les chaussures remplies d'eau."
"Jack !" dit-elle sur un ton de reproche feint.
"Mmmmm… Oui ?"
"Nous pourrions nous installer en haut."
"Vous avez raison, nous serons plus à l'aise que debout dans le magasin.…"
"JACK !!"
"Excusez-moi. Je vous écoute," répondit O'Neill à nouveau sérieux.
"Vous êtes pire qu'un gamin. Venez."
Il était surpris qu'elle ne réagisse pas plus violemment. Il savait qu'elle détestait ses petites allusions. Il réalisa qu'ils n'étaient plus militaires, ni l'un ni l'autre. Bah ! Qu'est-ce que ça changeait de toute façon ? Il avait raté le coche. Il n'avait même pas proposé son aide au moment de l'attentat… Maintenant, il avait dépassé la date de péremption. Si elle se décidait à épouser un gentil garçon et à lui faire quelques gamins, il serait le tonton de passage…
Prenant le parti d'attendre et voir venir, il la suivit.
Au nom du ciel ! Voilà que ça recommence ! Je suis avec elle depuis 10 minutes et elle me fait déjà marcher sur la tête.
Son costume était foutu, il avait faim, il avait besoin d'une douche et de vêtements secs… et il valait mieux qu'il garde les mains dans ses poches.
Tu n'es qu'un vieux satyre, O'Neill ! Il baissa les yeux et évita de regarder Sam qui le devançait dans l'escalier.

*

LA NOUVELLE-ORLEANS - septembre 2007

Heather regardait la pendule avec de plus en plus d'insistance.
Elle avait adoré passer un moment avec son beau-frère, mais maintenant, il était temps qu'il s'en aille. Elle ne savait pas comment le lui dire.
Si elle prenait un taxi, elle pouvait encore arriver à l'heure… Elle ne voulait à aucun prix faire attendre ce gentil jeune homme qui lui faisait tellement de bien. Peut-être pourrait-elle avoir des nouvelles de son mari aujourd'hui. Evidemment ce docteur Jackson ne lui avait rien promis, mais elle avait toute confiance en lui. Il était d'une autre trempe que ces prétendues prêtresses vaudous. Et puis il était tellement mignon ! Elle se rendit compte qu'elle n'entendait même plus ce que lui disait George. A tout hasard elle lui sourit. Inconsciemment, elle triturait l'ourlet de sa robe.
"Merci encore," disait Hammond. "J'espère que nous aurons le temps de bavarder un peu avant mon départ." Il attendit. Aucune réaction. Cette femme était envoûtée ! Il lui rendit son sourire et se leva pour prendre congé. "Je vais appeler un taxi, il faut que j'aille dans le centre."
"Oh, tu pars déjà ? Tu n'irais pas dans le quartier français par hasard ?"
"Si justement, à Jackson Square, je dois voir une vieille amie. Tu la connais sûrement. Mon frère était un ami de son père, Jacob Carter."
"Mais bien sûr !! Quelle horreur que ce pauvre homme ait disparu d'une manière aussi tragique !"
"Tragique ?"
"Mais enfin tu sais bien ! L'explosion du Pentagone ?"
"Heu… oui bien sûr !"
Ainsi c'était donc la version officielle ? Comme c'était commode. Son visage se ferma.
"Alors je t'accompagne ! Je vais dans Decatur ! D'ailleurs je vais en profiter pour te faire rencontrer mon sauveur !"
"Je ne sais pas Heather…
"Mais si ! Tu verras ! Il est tellement cultivé ! A se demander ce qu'il fait dans un gourbi pareil…
"Bon, j'imagine que je peux prendre 5 minutes pour lui serrer la main, je suis en vacances après tout," répondit Hammond.
"Je suis sûre que monsieur Jackson sera enchanté de te rencontrer George," dit-elle en revenant son sac à la main. "Et qui sait, il pourra peut-être t'aider pour tes insomnies ?"
"Jackson ?"
"Oui, Daniel Jackson. On dit qu'il est médecin, mais franchement je ne crois pas," dit-elle en gloussant.
"Heather, j'ai hâte de le rencontrer," dit Hammond en s'effaçant pour la laisser sortir.
Il allait damer le pion à O'Neill ! Un petit sourire en coin, il ouvrit la portière du taxi. Pendant le trajet, il continua à donner le change à sa belle-sœur en hochant la tête de temps en temps et en répondant par monosyllabes.
Ils arrivèrent à la boutique quelques instants à peine avant que l'orage n'éclate. L'endroit était désert. Hammond détailla l'habituel capharnaüm des marchands de rêves. Quand il entendit parler le propriétaire des lieux, il se retourna d'un bloc. Heather s'éloignait dans l'arrière boutique.
"Madame Hammond ? C'est vous ? Entrez ! Je n'en aurais que pour une minute ! Comment allez-vous aujourd'hui ?
"Très bien, je vous remer…"
"Daniel ?? Daniel Jackson ?" l'interrompit Hammond qui s'était précipité.
"Une petite minute," répondit le dos de Daniel qui manipulait un galet phosphorescent. "Général Hammond ?!"
"Et bien, docteur, il semble que le hasard nous réunisse. Je n'aurais jamais imaginé que nos chemins se croisent un jour," dit Hammond en évitant délibérément de regarder l'objet manifestement d'origine asgard que manipulait Daniel.
"Vous… vous vous connaissez ! Mais c'est merveilleux ! Expliquez-moi !"
"C'est une longue histoire, Heather. Pour aller droit au but, Daniel et moi avons travaillé ensemble sur un projet ultra-secret. Tu voudras bien rester discrète, n'est-ce pas ?"
"Heu… évidemment ! Tu me connais George," dit-elle en minaudant. Son regard allait de l'un à l'autre des deux hommes. Elle n'arrivait pas à imaginer que tous les deux puisse avoir un passé commun !
"Monsieur, vous êtes bien la dernière personne que je m'attendais à voir aujourd'hui," dit soudain Daniel en tendant la main. "Asseyez-vous, je vais aller fermer le magasin. Hammond, j'aurais dû y penser…" marmonna-t-il en s'éloignant.
Il tourna le verrou et regarda la rue qui se vidait de passants. Des torrents d'eau dévalaient dans les caniveaux, recouvrant les trottoirs. Et bien au moins, ils seraient tranquilles.

*

CHULAK - septembre 2007

Teal'c ramassa son bagage et salua le groupe de Jaffas qui l'entourait.
"Je dois quitter ce monde pour défendre mes amis. Vous avez gagné de grandes batailles et l'estime de nos alliés. Grâce à eux, j'ai la possibilité de payer mes dettes envers la Tauri."
"Que ta quête te mène vers la victoire, Teal'c," dit sobrement Bratac.
"Je vous remercie mon maître."
Sans plus attendre, il traversa la porte. Une fois de l'autre côté, il eut le temps d'embrasser du regard les montagnes douces de Cimméria avant de disparaître dans un éclair  de lumière. Sans perdre de temps, il se dirigea vers le poste de contrôle.
Thor le salua et lui fit signe de s'asseoir. Il obtempéra en rendant le salut.
"Teal'c, la Tauri a besoin de notre aide. Il faut que vous mettiez O'Neill au courant de l'invasion que préparent les maîtres Goa'Ulds. Je sais comment protéger la Terre."
"Bien. Je vous écoute."
"Vous contacterez O'Neill et vous vous rendrez dans le jardin des dieux."
Teal'c arqua un sourcil et attendit. Thor se taisait.
"Je ne suis pas familier avec ce concept."
"Excusez-moi, je conversais avec le conseil," dit bientôt Thor. "Le jardin des dieux se trouve près de la Mer Noire. La Terre était autrefois protégée par les Asgards, mais Odin fut chassé du Jardin des Dieux par la puissante armée romaine du général Lucullus et dut abandonner le dispositif. Pour une raison qui nous est inconnue, il fut désactivé une centaine d'années avant l'ère chrétienne."
"Comment devrais-je procéder ?"
"Vous donnerez ce cristal à O'Neill. Puis vous vous rendrez à Azov. Et réactiverez le talisman du jardin."
"Puis-je vous demandez quel est ce jardin ?"
"Certainement. Asgard signifie Jardin des Dieux dans notre langue. Odin a disparu de ce monde sans laisser de trace, c'était un ami proche et je pleure sa perte."
"Je vois."
"Avant que vous ne retourniez sur Terre, je dois modifier votre apparence Teal'c. Soyez sans crainte, dès votre retour sur Chulak, vous redeviendrez tel que vous avez toujours été."
Un éclair aveuglant l'entoura et Teal'c se retrouva dehors sous une pluie battante. Il se réfugia sous un porche. Chaleur, pluie, bruit de circulation. Il était bien sur Terre. Il détailla son accoutrement. Il faudrait qu'il trouve d'autres vêtements, mais pas tout de suite.
Le visage impassible, il palpa son ventre. La poche symbiotique avait disparu et avec elle sa larve goa'uld. Pourtant, il se sentait parfaitement normal. Il se toucha le front. Le signe d'Apophis s'était effacé.
Il fouilla ses poches à la recherche du cristal et trouva une adresse sur un petit bristol blanc. Il sut immédiatement comment se rendre à cet endroit. Sans plus se poser de questions, il partit en courant d'un pas de légionnaire vers le rendez-vous programmé par Thor.

*
Août 2000 - Cheyenne Mountain Complex

Teal'c s'inclina devant les membres de SG-1 et les airmen du SGC qui assistaient à son départ pour Chulak. Son arme de poing luisait dans la lumière spectrale de la salle de départ.
La masse bleutée du champ gravitationnel les nimbait d'une lumière irréelle. Une fois qu'elle se serait refermée sur le Jaffa, ce serait pour ne plus jamais s'ouvrir.
Sam brisa la solennité du moment en serrant son vieil ami dans ses bras. Elle murmura quelque chose à son oreille puis recula, les mains jointes derrière le dos, les yeux brillants.
Daniel et Janet en profitèrent pour s'approcher du grand Jaffa.
"Teal'c, comme on le dit dans ces circonstances, ce fut un honneur de vous avoir sous mes ordres. C'est l'une des rares fois où ces mots ont vraiment un sens pour moi, mon ami," dit le général Hammond d'une voix troublée mais ferme.
"Ce fut également un honneur pour moi, général Hammond."
"Bon, et bien, c'est mon tour, c'est ça ?" commença O'Neill en s'approchant gauchement. "Allez Teal'c, embrassez Bratac pour moi !" il sourit en voyant le Jaffa hausser le sourcil. "J'ai un… quelque chose… C'est  pour Rya'c !" finit-il embarrassé. Les deux hommes restèrent un moment face à face avant de se donner une accolade. "Vous allez me manquer mon ami," murmura O'Neill à l'oreille du Jaffa.
"Vous me manquez déjà mon ami," répliqua Teal'c sur le même ton.
"Teal'c," dit le général Hammond d'une voix de commandement.
Tous les airmen se mirent au garde à vous pour saluer. O'Neill et Carter firent de même.  Teal'c inclina la tête puis franchit la porte des étoiles sans se retourner.

*

LA NOUVELLE-ORLEANS - septembre 2007

Sam s'affairait dans la petite pièce pendant que O'Neill dansait d'un pied sur l'autre, indécis sur la décision à prendre. Il se sentait à la fois aussi proche d'elle qu'il avait pu l'être pendant toutes ces années où elle était sous ses ordres et aussi étranger que s'il la voyait pour la première fois. Pourtant c'était bien la même Carter. Le décor insolite et ses vêtements trempés le déstabilisaient.
Comment diable faisait-elle ça ? En un instant, elle avait rendu confortable cet endroit impersonnel.
Rayonnante, elle se tourna vers lui et lui montra une porte.
"Mon colonel, excusez-moi, vous pouvez vous changer à côté, j'aurais dû vous le dire tout de suite. Je vais demander à Andrew s'il peut vous prêter quelques vêtements."
Sans attendre, elle sortit et le laissa seul.
Bon, pensa Jack, il y a donc un Andrew. Il fallait t'y attendre mon vieux.
Il ouvrit la porte. Une vraie salle de bain ? Quel rapport avec sa station internet ? Subitement, l'évidence lui sauta aux yeux. Les ordinateurs. Bien sûr.
Elle devait rester là après la fermeture et travailler. Mais sur quoi ? La composition des beignets ? Il revint sur ses pas pour en attraper un. Pas mauvais… Il prit le sac et décida de profiter des installations. Il jeta ses vêtements par terre en finissant les beignets en quelques bouchées et s'observa dans la glace. Tout à fait présentable, pour un type de ton âge. Il grimaça.
Il enleva soigneusement les bandages qui recouvraient sa jambe. Pas trop moche ! Tu survivras, O'Neill ! Quelques instants plus tard, l'eau brûlante ruisselait sur ses muscles noués. Sa hanche le faisait terriblement souffrir. Quel imbécile d'avoir laissé ses anti-inflammatoires à Londres…
Evidemment, il n'aurait pas choisi ce gel douche, mais à la guerre comme à la guerre, il achèterait de l'eau de toilette ce soir. En revanche, il se serait volontiers rasé. Joignant le geste à la pensée, il sortit de la douche et fourragea dans les affaires  de Sam pour trouver un rasoir. Debout devant le miroir embué, il essaya de se raser à l'aide du minuscule objet rose pailleté qu'il avait découvert sur la tablette du lavabo.
Au nom du ciel ! Comment faisait-elle pour se raser les jambes avec un objet aussi ridicule ? Tout occupé à sa tâche, il n'entendit pas Sam frapper.
De toute façon, elle entra sans lui laisser le temps de répondre.
"Ne vous inquiétez pas monsieur, je prends juste vos vêtements."
Et elle était repartie.
La serviette à la main, il contempla la chemise hawaïenne 6XL qu'elle venait de déposer à la place de son luxueux costume en espérant que le pantalon n'était pas assorti. Quand il vit le short à carreaux, ses derniers espoirs de la séduire s'envolèrent en fumée. Il termina de s'arracher le visage et se rua sous la douche pour chasser le feu du rasoir.

*

Sam était radieuse. Son voisin ne l'avait jamais vu aussi rayonnante depuis qu'elle avait installé sa librairie à côté de sa brocante. Il prit son temps pour choisir avec soin les pires éléments de sa garde-robe personnelle et lui tendit le sac avec un sourire en coin. Il se doutait que l'homme qui allait mettre ses vêtements était la raison de cette bonne humeur inhabituelle, mais n'arriva pas à lui tirer les vers du nez. Elle le remercia avec effusion et sortit en courant comme elle était entrée.
Ce type avait bien de la chance.
Elle courut sous la pluie en tenant le sac serré contre elle et remonta en courant au premier étage. Sans réfléchir, elle ouvrit la porte et se retrouva face à O'Neill dans le plus simple appareil. Il s'empara d'une serviette. Mon dieu, faites qu'il ne se retourne pas, pensa-t-elle, partagée entre la panique et l'envie de se jeter dans ses bras.
"Ne vous inquiétez pas monsieur, je prends juste vos vêtements."
Sam du calme, se morigéna-t-elle. Tu as 41 ans ! Reprends-toi. On dirait une gamine à son premier rendez-vous ! En plus, ce n'est même pas un rendez-vous !
Elle fourra le costume dans un sac qui traînait par terre et fonça chez le teinturier du coin qui lui assura que le costume serait prêt dans trois heures. Elle fit un détour pour rentrer et s'acheta LA petite robe indienne qu'elle reluquait depuis une semaine. Il ne pleuvait plus.
Elle accéléra le pas en remarquant les regards insistants des passants à cause de sa robe trempée qui dévoilait son corps. Elle monta quatre à quatre et attendit sur le palier que les battements de son cœur reviennent à la normale. Il n'allait pas s'envoler. Quand elle le vit sortir de la salle de bain dans son nouvel accoutrement, elle éclata de rire.
"Je me disais bien que j'aurais dû mettre une cravate…" dit Jack qui nageait dans ses vêtements d'emprunt.
"Je… suis désolée, mon colonel," balbutia-t-elle avant de s'effondrer sur une chaise le souffle coupé par le fou rire.
"Ah bon, vous en êtes sûre Carter ?" demanda-t-il en retenant le short à deux mains. "Vous n'auriez pas une ceinture par hasard ?"

*

Decatur Street - septembre 2007

"Alors docteur Jackson ?"
"Oui général ?"
"Vos nouvelles occupations… ?"
"… me conviennent parfaitement monsieur," répondit Daniel. Il savait gré au général d'éviter de détailler les artefact aliènes, soigneusement rangés sur les étagères au milieu des poupées vaudous et autres pièges à rêves. "A vrai dire, c'est même très gratifiant," ajouta-t-il avec un sourire charmeur à l'adresse de Heather. Cette dernière se rengorgea.
"Il est fantastique George. Et il connaît tellement de choses extraordinaires !"
"Je m'en serais douté."
"A vrai dire, je ne me suis pas senti aussi bien depuis la porte."
"La porte ? De quelle porte parle-t-il George ?"
"Heather ?" menaça Hammond.
"Oh, excuse-moi, George !"
"Ce n'est rien," l'apaisa le général d'un geste.
"Je crois même que j'ai trouvé quelque chose monsieur. Vous savez que je suis allé m'opposer à la destruction des Bouddhas de Bamiyan ?"
"En effet. Nous avons perdu votre trace à ce moment-là…"
"Nous ?"
"Jack et moi."
"Ah ? Vraiment ? J'ignorais que vous me cherchiez… Quoiqu'il en soit, j'ai traversé une partie de l'Ukraine pour m'y rendre, et je suis tombé sur quelque chose d'absolument extraordinaire. Voyez-vous, les mythes vikings nous invitent à penser que Odin a bien existé."
"Odin ?"
"Le dieu de la guerre ? … Mais on n'a jamais retrouvé sa trace physique en Scandinavie."
"Et ?" s'impatienta Hammond, revenu des années en arrière.
"Je vais vous expliquer. Un ouvrage épique du XIIIème siècle, écrit par un islandais, Sturluson, indique que le grand conquérant Odin aurait vécu à l'est de Tanais, qui est le nom ancien de la rivière Don. Son œuvre décrit la Mer Noire, la Caspienne et la Russie. Il dit que les terres d'Odin sont peuplées d'hommes bleus, de géants, de nains et d'un grand nombre d'étranges créatures.
"Je crois savoir où vous voulez en venir, docteur Jackson."
"Laissez-moi finir. Au moment de la conquête romaine du Jardin des Dieux, puisque c'est ainsi que l'endroit s'appelait, il est dit qu'Odin, laissant derrière lui la majorité de son armée, remonta vers le nord par la Russie et l'Allemagne pour atteindre la Baltique et ce qui est actuellement la Norvège, suivi par une petite troupe de fidèles."
"Daniel ?!"
"J'y arrive général. Aucune fouille archéologique n'a jamais confirmé ce mythe. A sa mort, Odin promit à ses disciples qu'ils regagneraient un jour cette terre promise."
"A ma connaissance, de nombreuses civilisations ont des mythologies fondées sur les mêmes bases."
"Vous avez tout à fait raison. A une différence près. J'ai trouvé la preuve de l'existence d'Odin, général," dit Daniel en se levant comme un ressort. "Et je crois que ça va vous plaire."
Il se mit à fouiller dans ses tiroirs et sortit triomphalement un petit objet enveloppé dans un morceau de tissu gris. Une faible lumière filtrait au travers de l'étoffe.
"Monsieur, voilà ce que j'ai découvert à l'Université d'Azov," dit Daniel en découvrant l'objet.
"C'est asgard !"
"Vous avez raison monsieur. Ce que j'ai omis de vous dire, c'est que Asgard signifie jardin des dieux en norvégien. Je crois que cet objet que j'ai… emprunté au conservateur était un dispositif destiné à protéger la Terre des Goa'Ulds !"
"Vous délirez Daniel !"
"Je ne crois pas. La porte avait été enterrée, mais les Asgards savaient que les Grands Maîtres possédaient une flotte capable d'asservir notre monde. Ils ont donc fait en sorte de protéger la Terre de cette attaque."
"Alors comment expliquez-vous qu'elle ait quand même eu lieu ?"
"Si les Goa'Ulds connaissaient le dispositif, ils se sont probablement désintéressés de la Terre puisqu'elle était défendu par les Asgards. Jusqu'à ce que nous entrions en scène."
"Mais le dispositif n'a pas fonctionné !"
"Il ne fonctionnait plus depuis deux millénaires monsieur. C'est ce que j'essaie de vous dire. Odin l'a abandonné dans sa fuite et pour des raisons que j'ignore, il a cessé d'être efficace."
"Et vous espérez le remettre en marche ?"
"Oui monsieur. Depuis 7 ans. En outre, je suis persuadé qu'il nous permettrait de reprendre contact avec les Asgards."
"Vous en êtes sûr ?"
"C'est très plausible en tout cas."
"Je vous l'accorde."
Les deux hommes se plongèrent dans leurs pensées. Heather les regardait comme si elle était en visite dans un hôpital psychiatrique. Daniel s'aperçut de son trouble.
"Heather ? Voulez-vous essayer de parler à Simon ?"
"Vous croyez que ce sera possible docteur Jackson ?"
"Nous allons voir ça. Installez-vous et laisser le fluide courir dans vos veines," dit Daniel en posant sur le bras de la vieille dame un étrange objet à six pointes, vaguement zoomorphe. "Fermez les yeux maintenant Heather. Vous voyez la brume qui vous entoure ? Tendez les bras Heather, cherchez votre chemin…"
"Je… suis dans la brume…"
"Tendez les bras !"
"Je… je ne trouve rien Daniel !"
"C'est parce que vous n'êtes pas concentrée. Cherchez Heather, il est là, je le sens," Daniel déplaça l'objet le long de son bras et le posa sur sa poitrine. "Et maintenant ?"
"Simon ! Tu es là ! Parle-moi Simon !" murmura Heather, les yeux fermés. Ses bras s'agitaient devant elle, brassant le vide.
Daniel aussi fermait les yeux. Ses lèvres bougeaient. Il était en transe.
Hammond les regardait, saisi par la violence des sentiments qui se lisaient sur leurs visages. Heather perdit conscience.
Daniel secoua la tête et retira de sa tempe un petit médaillon.
"Ah ! Ça va mieux. Ne vous inquiétez pas. Elle ne se souviendra pas de notre conversation à son réveil," dit-il en lui prenant le pouls. "C'est un mécanisme d'induction sensoriel Tok'ra. Il a la faculté de s'imprégner des pensées des personnes."
"Mais quelles personnes ?"
"Et bien, votre frère, je suppose."
"Mon frère est mort depuis quelques années, docteur Jackson."
"Mais ses objets personnels, ses livres, ses vêtements, ses outils, que sais-je, étaient imprégnés de son aura. Cette aura est capturée par ce médaillon. Je la canalise vers le dispositif que je pose sur votre belle-sœur. Elle a ainsi accès à tous les souvenirs de son mari. Elle communique par delà la mort. Bien sûr, elle ne communique pas avec Simon. Juste avec ses souvenirs résiduels. Le sommeil induit fait le reste. A son réveil, elle sera sereine, ne vous inquiétez pas, je l'ai fait des dizaines de fois."
"Je ne suis pas trop d'accord docteur."
"Vous le serez quand vous verrez Heather à son réveil. Alors, qu'en pensez-vous, général ?"
"…"
"Les Asgards ?"
"Croyez-vous que les Asgards pourraient nous donner un coup de main aussi pour la Porte des Etoiles ?
"Fatigué de la retraite, mon général ?
"Que voulez-vous Daniel, je ne suis qu'un piètre golfeur…
"Si seulement j'arrivais à déchiffrer le manuscrit de Machello," commença Daniel. "Heather ? Comment vous sentez-vous ma chère ?"
Elle lui saisit les mains frénétiquement. "Vous aviez raison, j'ai pu lui parler !"
"Je suis heureux d'avoir pu vous aider."
"Je veux rentrer George. Il faut que je mette les choses en ordre dans ma tête. Peux-tu me raccompagner ? Je suis tellement fatiguée… Ton amie ne m'en voudra pas j'en suis sûre."
"Bien sûr !" répondit Hammond. "Daniel, je crois que je vais pouvoir vous donner un coup de pouce," décida-t-il. "Ne disparaissez pas."
"C'est entendu. Ce n'était pas mon intention," répondit Daniel troublé.
"Parfait ! Je vous appelle demain ! Vous avez bien une carte ?"
"Oh bien sûr !"
"Shaa're ?" lut le général.
"Je ne renoncerai pas général."
"Je le sais bien, mon petit. Nous allons nous débrouillez entre nous… Je vous appelle !" conclut Hammond en sortant de la boutique en tenant Heather par le bras. "Vous êtes sûr ?" ajouta-t-il en la désignant d'un mouvement du menton.
"N'ayez pas d'inquiétude. C'est absolument inoffensif…"
Daniel les regarda s'engouffrer dans un taxi et referma la porte du magasin derrière lui. Il fallait qu'il s'allonge. Rester en communication avec les morts aussi longtemps le mettait toujours à plat. Il espérait que son explication avait été convaincante. Il avait le sentiment que moins il en dirait, mieux ce serait. Hammond était à la retraite mais il demeurait un militaire.
Il débrancha le téléphone et baissa le son du répondeur. Les bras croisés sur la poitrine, il laissa le transpondeur Tok'ra le guider vers l'esprit de Shaa're.

*

Teal'c s'installa commodément sur le palier. Carter finirait bien par rentrer. Il serait là.
Il avait disposé des bougies suivant un rituel immuable et les avait allumées.
Il ferma les yeux et commença le kelno'reem.




[
suite]