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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
II. Communisme Ou Capitalisme ?



L'ETAT ET LE CAPITALISME

Dans le camp "communiste" l'argent continue tranquillement à circuler. La division par les frontières et à l'intérieur de ces frontières, la division de l'économie en entreprises, se porte à merveille.

Le rôle que joue l'État dans l'économie et qui est fondé juridiquement sur la propriété publique des entreprises s'explique par la nature du capitalisme.

L'État et la marchandise sont de vieux amis. Les marchands veulent que la société soit unifiée, que les voleurs soient pourchassés et que la monnaie soit garantie. L'État et la bureaucratie trouvent avec la circulation des biens et des personnes le moyen de se détacher du monde agricole.

L'État moderne, royal ou républicain, est le produit de la dissolution des structures féodales par le capital. Il s'oppose aux intérêts particuliers en tant que représentant de l'intérêt général. Il est nécessaire au capital parce qu'il l'aide à dépasser les contradictions et les oppositions que celui-ci ne peut s'empêcher de provoquer. La monarchie et la bourgeoisie, malgré des moments difficiles, se sont soutenus face à la féodalité. L'unification politique était nécessaire au développement des entreprises commerciales et industrielles. La fortune et la richesse permettaient le renforcement et l'autonomie du pouvoir d'Etat. Souvent même l'Etat est intervenu directement pour fournir ou rassembler les capitaux nécessaires à telle ou telle branche d'industrie. Il a mis au point l'arsenal juridique nécessaire au développement d'une main d'oeuvre libre. Il a liquidé les vieilles coutumes et les vieilles entraves. Lorsque la bourgeoisie apparaît directement sur la scène politique il y a déjà longtemps qu'elle est une force dominante et que l'Etat monarchique était passé à son service.

En Russie et au Japon, pays qui furent jetés sur la scène international en état de sous-industrialisation, c'est l'État lui-même qui provoqua et organisa le développement du capitalisme. Il le fit pour préserver les bases de sa propre puissance, pour se fournir en armes modernes. En mettant le capital à son service il ne faisait que s'incliner devant sa supériorité. La monarchie engageait un processus qui finalement allait la détruire. Les conditions nécessaires à cette greffe n'existaient pas partout. Si elle réussit au Japon ce fut parce que l'état y était déjà autonome et le commerce développé. La Chine échoua momentanément, ainsi que la plupart des autres pays précapitalistes.

L'Etat doit souvent intervenir pour corriger un capital qui aime à se montrer capricieux et préfère s'installer là plutôt qu'ailleurs. Les régime bureaucratiques ne font qu'accentuer cette tendance à un point qu'elle n'avait jamais atteint.

Le capitalisme oriental permet-il une croissance plus harmonieuse ou plus rationnelle que le capitalisme occidental ? La question n'a pas grand sens. Si il est advenu c'est grâce aux défaillances du capitalisme traditionnel. Si ce capitalisme traditionnel est réimporté aujourd'hui à Moscou ou à Leningrad c'est à cause des défaillances du capitalisme oriental.

Là où la bourgeoisie s'était lentement développée par l'économie la bureaucratie conquit le pouvoir politique en s'appuyant sur des forces sociales comme le prolétariat ou la paysannerie. Elle n'en est pas moins le fruit de la désagrégation de la société traditionnelle par le capital international. La bureaucratie n'avait pas le choix. Elle ne pouvait pas comme elle le prétendait instaurer le socialisme ou le communisme. Elle ne pouvez pas non plus restaurer et fertiliser le capitalisme traditionnel. Cela à cause de ses appuis sociaux et de ses besoins en capitaux. Empiriquement elle trouva une voie conforme à sa nature et qui lui permit d'accumuler aux dépens de la paysannerie, du capital industriel.

La bureaucratie est une force unifiante qui a permis le transfert autoritaire de richesse d'un secteur à l'autre de la société. Elle modifie le développement spontané du capital au profit de ses objectifs de puissance et de permanence. Mais le capital n'est pas une force neutre que l'on peut utiliser dans n'importe quel sens. La bureaucratie planifie, domine. Mais que planifie-t-elle, que domine-t-elle ? L'accumulation du capital. Elle réduit le marché libre, elle combat un marché noir sans cesse renaissant. Ce n'est pas la preuve de son anticapitalisme mais le signe que la base naturelle du capital est bien vivace. Que dirait-on du jardinier qui parce qu'il doit arracher les mauvaises herbes prétendrait que les plantes qu'il cultive ne sont plus des végétaux !

Les Etats occidentaux eux-mêmes ont été amenés à intervenir de plus en plus directement dans le jeu des forces économiques. Ils doivent avoir une politique sociale et s'occuper de planification. La bureaucratisation n'est pas un phénomène propre aux pays de l'est. Il concerne aussi bien les Etats démocratiques et fascistes que les grandes firmes privées. Elle est le produit et le triste remède a l'atomisation croissante de la société.

Dans un sens il est inexact de parler pour les pays de l'est de capitalisme bureaucratique ou de capitalisme d'État. Tous les capitalismes modernes sont bureaucratiques et étatiques.

L'Etat, propriétaire de l'ensemble de l'industrie, n'en a pas pour autant le contrôle absolu. Pouvoir réel et pouvoir juridique ne sont pas la même chose.

Avec le capitalisme libéral l'État peut en s'appuyant sur des forces populaires, militaires ou même bourgeoises s'attaquer à telle ou telle grande entreprise; il est le pouvoir. Cela ne lui permet cependant pas de s'élever au-dessus des lois économiques. On veut se dresser contre la puissance des monopoles mais l'on ne peut revenir aux petites entreprises du passé.

Avec le capitalisme oriental l'État bureaucratique quelle que soit sa soif de contrôle ne peut abolir les catégories marchandes et la concurrence entre les entreprises. Tant qu'il y aura des entreprises distinctes elles se feront concurrence même si les prix ne sont par libres.

Ce manque d'unité n'est pas limité à la sphère économique. La bureaucratie elle-même est sans cesse divisée par des luttes de fraction et des conflits de personnes. A défaut d'unité l'image de l'unité doit être maintenue. L'ennemi n'est pas la concurrent au main du parti mais l'anti-parti.

Ce que la bureaucratie fait gagner en efficacité à l'économie, elle le fait reperdre. Le mensonge, la perte de la réalité imbibe le corps social. La lutte cachée remplace la concurrence ouverte.

Capable d'organiser le démarrage économique dans des conditions ingrates la bureaucratie est à la remorque de l'avance technologique des sociétés libérales.



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