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Le mouvement communiste
Première Partie : Définition Du Capital 4.

 

LE MOUVEMENT HISTORIQUE DE LA VALEUR
La mesure de la valeur d'échange ne peut résider que dans une propriété commune à toutes les marchandises, celle d'être des produits du travail. La quantité de travail trouve elle-même sa mesure dans le temps  [19]. Il ne peut s'agir de travail particulier, tel qu'il se réalise dans des valeurs d'usage particulières, c'est-à-dire des objets satisfaisant des besoins qualitativement différents. Le travail qui importe ici ne peut être que du travail, non pas concret, mais abstrait  [20]. Seul compte à ce niveau le caractère commun de tous les travaux : ils représentent tous une dépense (différente d'un point de vue quantitatif, et donc mesurable) de force de travail, indépendamment de la forme particulière sous laquelle la force de travail a été dépensée. L'analyse recherche ici non pas les manifestations concrètes, « visibles », du travail et de la production, mais le principe régulateur de la circulation des marchandises. Le temps de travail auquel on aboutit ne peut être que le temps de travail moyen dans la société considérée. Il représente nécessairement une abstraction dans la mesure où il serait impossible de le calculer. Pourtant il constitue une moyenne régulatrice, sans cesse en mouvement en raison du développement de la productivité sociale qui tend toujours à abréger le temps de travail nécessaire à la production des biens. Cette moyenne abstraite détermine l'échange des marchandises  [21].
Une telle mesure n'est nécessaire que lorsque les biens se présentent isolément, séparément les uns des autres parce que leurs producteurs sont eux-mêmes séparés les uns des autres, et s'affrontent comme producteurs privés. Il n'en a pas toujours été ainsi  [22]. La valeur est née dans des conditions historiques déterminées, et a connu divers développements, jusqu'au stade de la domination du mode de production capitaliste, qui le premier tend à transformer tous les produits en marchandises. La valeur décrit un cycle, dont le capital est une étape, la dernière. Ainsi le cycle du capital s'inscrit dans celui de la valeur, et l'un ne peut s'achever sans l'autre  [23].
Dans la communauté primitive, l'échange est inconnu. Il n'y a ni propriété privée ni production privée. Tandis que dans la société marchande les producteurs n'entrent en contact que par l'échange de leur produit, c'est au contraire la communauté elle-même, dans son ensemble, qui organise directement son activité productive, et avec elle toute la vie sociale.
Le travail est toujours la conjonction des activités d'un groupe, et les différents travaux s'unissent toujours en une totalité, même si la société est très peu développée et ne connaît qu'une division technique rudimentaire  [24]. Mais ce caractère social se manifeste de façon différente selon le type d'organisation de la société. Dans la communauté primitive, le travail de chacun est immédiatement social. L'échange, qui apparaît d'abord à la lisière des communautés  [25] , et finit par s'affirmer comme lien social universel (du moins en ce qui concerne le monde « civilisé », correspond au contraire à la Séparation des différents travaux, résultat d'un développement des forces productives. La division technique du travail, en se développant, isole les uns des autres les membres de la communauté, les atomise et les spécialise (entre les deux phases se situe un moment où l'échange existe entre communautés, mais pas encore à l'intérieur des communautés ; chaque communauté ressemble alors à une unité de production).
Pour être « social », c'est-à-dire pour pouvoir circuler, être confronté aux autres biens, chaque produit doit être reconnu par la société par sa mesure avec les autres. Le travail est devenu médiatement social. Il ne suffit plus à un produit d'être utile pour que son utilité soit mise en oeuvre par le (ou les) membre(s) de la société qui en a (ont) besoin : il faut pour en disposer passer par l'échange, qui lui permet de réaliser sa valeur  [26]. Les produits de l'économie marchande doivent s'affronter comme valeurs d'échange pour être sociaux. Et s'ils ne répondent pas aux critères de valeur de la société considérée, ils ne peuvent remplir leur fonction utile. Leur valeur d'usage reste alors lettre morte. Ils sont inutilisables par le mécanisme de la valeur, donc inutiles.
[19] Contribution à la critique de l'économie politique, Marx, Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., pp. 280 suiv.
[20] Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., p. 297.
[21] Livre I, Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., p. 565 suiv. (sur la mesure de l'échange).
[22] Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., p. 603, note (a).
[23] Marx, Fondements de la critique de l'économie politique (Ebauche de 1857-1858), En annexe : travaux des années 1850-1859, Trad. par R. Dangeville, t. I, Anthropos, 1967., p. 198 suiv.
[24] Cf. la lettre de Marx à Annenkov. 28 décembre 1846, Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., 1439.
[25] Marx, Fondements de la critique de l'économie politique (Ebauche de 1857-1858), En annexe : travaux des années 1850-1859, Trad. par R. Dangeville, t. II, Anthropos, 1968., p. 427.
[26] Sur valeur d'usage/valeur d'échange, cf. Contribution à la critique de l'économie politique, Marx, Oeuvres/Economie, I, édition établie par M. Rubel, Gallimard, 1963., p. 294, et Livre I, id., p. 618.

 

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